Du désentubage cathodique

Publié dans l’édition du mardi 3 avril 2007 (page 2)

LE Forum Social Alternatif qui se tenait ce week-end à Saint-Paul n’a pas attiré la grande foule. C’est bien dommage. Les deux sujets annoncés ainsi que les personnalités qui devaient être à la tribune avaient pourtant belle allure. Il était en effet question de démocratie participative telle qu’elle peut être vécue dans la population et à travers les médias. Si manifestement la municipalité saint-pauloise n’en a pas eu “pour son argent”, ce qui indique qu’elle est loin d’avoir convaincu la population (et pourquoi donc ?), les personnes qui ont fait le déplacement (une petite centaine samedi, une grosse vingtaine dimanche) n’ont en revanche pas été déçues.

Dimanche, nous eûmes droit à la projection d’un film consacré à tout ce que la “grande” télévision est capable de nous servir en « fausses impartialités », « arnaques », « manipulations » et « mensonges »..., les uns et les autres partant parfois de la plus grande bonne foi.

“Désentubages cathodiques” - c’est le titre du film - n’y va pas par quatre chemins : certaines de nos grandes vedettes des télévisions nationales, parce qu’elles sont les employés grassement rémunérés de sociétés bien en place, manipulent à dessein l’information ou l’évènement qu’elles ont à diffuser... D’autres journalistes, pressés à ne pas être devancés par la concurrence des autres chaînes, utilisent à très haute dose le conditionnel et finissent par donner le clair sentiment qu’ils croient en ce qu’ils débitent, sachant qu’au bout du compte l’auditeur aura oublié le lendemain ce qui lui aura été asséné la veille. D’autres encore, avec une rare outrecuidance, savent arrêter de poser à l’importante personnalité interviewée les questions qui s’imposent pourtant mais qui pourraient bien être gênantes à la longue. Une autre télévision est-elle possible ? Anne Mazauric, cofondatrice et animatrice de télévision et pour l’Association Zaléa TV, était venue soutenir cette idée, mais sachant que cette démarche de “désentubage” qui relève de l’acte de démocratie participative n’a pas, à travers le CSA, la faveur des pouvoirs... Le temps manqua à la poignée de présents pour se demander si notre télévision, objet de diffusion de l’information - « de spectacles », dira spontanément Laurent Figon, d’Antenne Réunion - qui vit à l’ombre d’une société où dominent toutes les familles de consommation, n’est pas que pur et direct produit de ladite société. Dès lors, y a-t-il de la place, à côté de la télévision commerciale, pour une information issue du monde associatif, imprégnée donc de démocratie participative ? Le rédacteur en chef de “Témoignages”, notre ami Ilan Chojnow, l’a bien dit : « Tout le monde au début a dit que Arte, c’est formidable. Et tout le monde continue à regarder TF1... ». Pourquoi donc ? Et ce qui vaut comme questionnement pour la télé l’est aussi pour la presse écrite, là où, en France, curieux détail, on ne connaît qu’un seul journal qui avance à contre-courant : sans pub, ni annonces légales, mais sur 8 pages d’indocilités, voire d’insolences hebdomadaires... et en affichant chaque année de confortables bénéfices d’exploitation : “Le Canard enchaîné”.

Raymond Lauret