La
position de Zalea TV concernant le numérique hertzien
Texte rédigé
par Michel Fiszbin,
pour la Coordination Permanente des Médias Libres (CPML), le 28
septembre 1999.
1.
Le vrai problème, ce sont les contenus, pas les technologies
de distribution de ces contenus : si le numérique hertzien sert
à nous fournir (et à nous vendre) encore plus des mêmes
chaînes faites par les mêmes groupes publics et privés,
quel est son intérêt par rapport au câble et au satellite,
qui font déjà cela très bien et sans limitation de
capacité, alors que le numérique hertzien va être
limité à 30 chaînes ?
Par conséquent,
il faut donner la priorité sur le numérique hertzien :
- à des chaînes
et à des services interactifs gratuits d'intérêt
général, le payant restant sur le câble et le
satellite,
- à des chaînes
locales publics, privées et associatives (Tiers Secteur Audiovisuel,
avec notamment de l'accès public),
- à des chaînes
indépendantes des quelques grands groupes qui contrôlent
aujourd'hui tout le secteur audiovisuel (Vivendi, Bouygues, Suez-Lyonnaise,
CLT-UFA, Lagardère, Pathé-Chargeur, France Télévision).
2.
Si le lancement du numérique hertzien a pour effet
de bloquer le développement des chaînes locales, et de repousser
à 10 ou 15 ans le moment où ces chaînes pourront (peut-être)
être reçues par tous les foyers, la CPML est contre le numérique
hertzien, car la création de chaînes locales notamment associatives
et d'accès public est une priorité sociale, culturelle et
économique absolue. C'est également une condition majeure
de l'exercice de la démocratie, de la liberté d'expression
et du pluralisme audiovisuels qui ne peut pas souffrir un tel ajournement
pour des motifs purement techniques. Le mieux ne doit pas être en
l'occurence l'ennemi du bien.
3.
Les pouvoirs publics doivent faire appel à des contre-expertises
techniques réellement indépendantes, neutres et impartiales.
La question : "faut-il ou ne faut-il pas transformer le réseau
terrestre analogique en réseau numérique ?" mérite
d'être posée. La réponse à cette question
peut aussi bien être "non, ça ne vaut pas le coup à
l'heure du satellite, du câble et de l'Internet à haut débit
sur le réseau téléphonique (ADSL)".
Les seules expertises
de l'Agence Nationale des Fréquences (ministère de l'économie,
des Finances et de l'Industrie), de Jean-Pierre Cottet et Gérard
Eymery (France Télévision) et de TDF (France Télécom),
ne peuvent pas suffire à une analyse objective des tenants et des
aboutissants du passage de l'analogique hertzien au numérique hertzien.
Et même si le CSA embauche des transfuges de TDF, comme il compte
le faire, pour effectuer les études techniques et économiques,
cela ne sera pas suffisant. Tous ces "experts" sont juges et parties.
Les investissements
publics dans cette affaire vont être considérables, pour
un choix à hauts risques (l'échec total ou partiel est possible,
si le grand public ne suit pas et préfère aller vers le
câble et le satellite) qui engage l'avenir de la société
de la communication et de l'information en France. Des expertises complémentaires
indépendantes sont nécessaires.
Un seul exemple : pourquoi l'instance de régulation européenne (la Conférence
Européenne des Postes et Télécommunications, CEPT,
réunissant les administrations publiques de 43 pays européens)
n'a pas décidée d'installer le numérique hertzien
sur une autre bande de fréquence que la bande UHF utilisée
aujourd'hui par l'analogique hertzien, comme cela a été
fait pour la diffusion satellitaire ? On nous dit que c'est pour éviter
d'avoir à changer les antennes rateaux de réception. Mais
l'expérience anglaise démontre qu'il faudra tout de même
changer 50 % au moins du parc d'antennes. Et le succès de
la réception satellitaire démontre que le changement d'antenne
pour accéder à la télévision numérique
n'est pas un obstacle à sa pénétration.
Le choix de
rajouter le numérique hertzien à la bande UHF, déjà
bien chargée, mérite d'être questionné, car
il a un effet très fâcheux : le gel de l'attribution des
fréquences aux télés locales analogiques dans un
premier temps, la raréfaction ensuite des fréquences qui
leur seraient attribuables dès maintenant en analogique en raison
de l'attribution prioritaire des fréquences encore libres au numérique
hertzien, puis le très fort ralentissement de leur émergence
et de leur pénétration si elles sont cantonnées au
numérique hertzien (15 ans pour atteindre 100 %, au lieu
d'une pénétration instantanée de 100 % en analogique).
4.
Pour faciliter le lancement du numérique hertzien sans
géner l'essor des chaînes locales analogiques, le ministère
de la Défense doit restituer les canaux UHF 66, 67 et 68. Le rapport
de l'Agence Nationale des Fréquences ("étude sur la planification
des fréquences en vue de l'introduction en France de la télévision
numérique de terre - DVB-T" du 10 mars 1998) l'indique clairement : en obtenant du ministère de la Défense qu'il restitue
ces canaux (que la CNCL lui a concédée en 1989), l'organisation
technique de la cohabitation sur la bande UHF de l'analogique et du numérique
hertzien sera grandement simplifié et l'efficacité du réseau
numérique hertzien sera améliorée.
Il en va de
même d'autres canaux UHF occupés selon les régions
par : la chaîne monégasque Télé Monté
Carlo dont Vivendi est l'opérateur, certains radars d'aéroports
anglais, des observatoires de radio-astronomie nord-européens,
l'armée allemande, et même la chaîne cryptée
payante Canal+ de Vivendi, déjà largement présente
sur la bande hertzienne VHF, sur la câble et sur le satellite.
La CPML est
donc fondée à exiger que ce projet, techniquement, économiquement
et stratégiquement discutable, ne serve pas de prétexte
à un verrouillage politique du PAF au service des positions dominantes
acquises, ni à un ultime blocage de la démocratisation de
la communication audiovisuelle en France.
Le Tiers Secteur
Audiovisuel et les chaînes locales en général peuvent
et doivent trouver leur place dès maintenant sur les ondes hertziennes
analogiques, ainsi que sur le câble et sur le satellite.
Michel Fiszbin,
pour la Coordination Permanente des Médias Libres (CPML), le 28
septembre 1999.
4
Lire l'article de Raphaël Garrigos, dans Libération,
Médias, du 20 mars 2001 intitulé « Le "satellite
du pauvre" sera payant »
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