LE 17 OCTOBRE ET LES MEDIAS
DE LA COUVERTURE DE L'HISTOIRE IMMEDIATE AU "TRAVAIL DE MEMOIRE"

par Mogniss H. Abdallah, Agence IM'media

Si dans les jours qui suivent le massacre d'octobre 1961, une bonne partie de la grande presse évoque disparitions, violences et internements, la censure est un épouvantail trop présent pour que vérité et protestations éclatent. Des intellectuels et la presse d'opinion prennent le relais mais la mémoire de lévénement sombrera peu à peu dans la confusion. Elle refait surface dans les années quatre-vingt, et la diversification des médias permet alors de restituer l'émotion. La question du bilan réel sera à nouveau d'actualité avec le procès Papon en 1997, question qui demeure à ce jour sans réponse précise.

Le 18 octobre 1961, toute la presse couvre la manifestation de la veille, organisée par la fédération de France du FLN en différents points de Paris contre le "couvre-feu" imposé aux travailleurs algériens par le préfet de police Maurice Papon. Les jours et les semaines suivants, après de nouvelles manifestations, notamment des femmes et des enfants venus s'enquérir du sort des hommes arrêtés ou disparus, cette activité journalistique va même s'amplifier, "au point de constituer aujourd'hui une source non négligeable pour l'historien en quête d'une première approche sur le 17 octobre 1961"(1).

La grande presse, une source pour le citoyen et l'historien
Deux points de vues très tranchés apparaissent. D'un côté, la presse populaire de droite qui, à l'instar du Parisien libéré, de l'Aurore ou de Paris-Jour, reprend la version de la préfecture de police. Elle évoque de "violentes manifestations nord-africaines", emmenées par des "meneurs" et des "tueurs", "déferlant vers le centre de la ville". "C'est inouï !" pendant trois heures 20 000 musulmans algériens ont été les maîtres absolus des rues de Paris" (Paris-Jour, 18 octobre 1961). A les lire, ce sont des membres du service d'ordre FLN qui auraient tiré les premiers, entraînant la riposte policière. La presse de gauche, elle, souligne le caractère pacifique de la manifestation et cherche à témoigner de la répression policière en différents points de la capitale. Cependant, le ton reste prudent. "Sur ce qu'a été cette tragique journée d'hier, nous ne pouvons tout dire. La censure gaulliste est là. Et l'Humanité tient à éviter la saisie pour que ses lecteurs soient, en tout état de cause, informés de l'essentiel" (l'Humanité, 18 octobre 1961). Libération(2), Témoignage Chrétien ou France Observateur publient sous la forme interrogative "est-il vrai que....?" ou "y a-t-il eu...?" de multiples informations sur les exactions policières et leur caractère systématique (hommes frappés et jetés à la Seine ou retrouvés pendus dans les bois, décompte du nombre des morts et des disparus qui discrédite le bilan officiel faisant état de 3 morts et 55 blessés...) "Si tout cela est exact, et nous avons de bonnes raisons de le croire, qui sont les auteurs de ces crimes?" demande Libération du 19 octobre 1961.

Les intellectuels entre "petite" et "grande" presse
Les autres titres font preuve d'une certaine ambivalence. France-Soir donne en Une la version officielle, mais les pages intérieures se révèlent plus osées : plusieurs témoignages évoquent les violences policières à l'égard de photographes, mais parlent aussi de coups de feu tirés vers les manifestants. Dans son édition du 21 octobre, le journal publie un reportage dans un bidonville de Nanterre : contre le couvre-feu, "nous sommes descendus dans la rue comme des ouvriers de Renault qui veulent une augmentation de salaire" lui déclarent des habitants présentés avec sympathie. "11 538 Nord-Africains ont été conduits dans des centres de triage", titre l'Aurore du 19 octobre, avant de préciser que 1 500 manifestants arrêtés seront refoulés en Algérie. Le Figaro du 23 octobre se départit quant à lui de son soutien initial à la police pour dénoncer des "scènes de violence à froid" dans les centres d'internement, au Palais des sports ou au stade de Coubertin. Le quotidien proteste aussi contre le refus d'autoriser son collaborateur à visiter ces lieux pour se rendre compte de la situation. Le traitement des personnes internées, mais aussi le bouclage des bidonvilles, va provoquer l'indignation des titres de gauche qui tracent un parallèle avec l'Allemagne nazie. Témoignage Chrétien, qui publie les terribles photos d'Elie Kagan, décrit un univers concentrationnaire et Marguerite Duras, dans France-Observateur du 9 novembre, compare le bidonville de Nanterre au ghetto de Varsovie.

Le journal Le Monde rend compte de la répression et des réactions qu'elle suscite. Mais il en attribue une part de responsabilité au FLN, "puisqu'ici et là c'est le terrorisme musulman qui est à l'origine de ces drames", et il stigmatise une"contre-société FLN" (Le Monde, 20 octobre 1961). Les intellectuels engagés contre la guerre d'Algérie et la torture, pour qui Le Monde est une institution dont le prestige suscite une ferveur quasi-religieuse, n'ont pas encore vraiment accès aux colonnes du journal. Pourtant, comme le disent Maurice Clavel et Michel Foucault, les intellectuels sont devenus plus sensibles à l'histoire immédiate et par leur travail d'enquête "ont commencé à être des journalistes". (3)

Or, si la presse a joué un rôle indéniable jusque-là, ils ne sauraient se satisfaire des protestations édulcorées pour échapper à la censure. Les intellectuels-journalistes entendent appeler les choses par leur nom, et après le rejet gouvernemental d'une commission d'enquête parlementaire qui préfigure les non-lieux pour l'ensemble des poursuites judiciaires, ils lancent leur propre investigation. C'est d'ailleurs vers des gens comme Paul Thibaud ou Claude Bourdet que des "policiers républicains" écœurés vont s'adresser pour révéler nombre d'atrocités, dont la mort d'une cinquantaine de manifestants dans la cour de la préfecture, sous les yeux de Papon. Les "petits" médias, dont la revue Les Temps Modernes, les journaux Témoignages et documents ou Vérité-Liberté, ou encore la maison d'édition François Maspéro, publient de multiples documents qui permettront de faire une synthèse sans concession des événements du 17 octobre 1961. Droit et liberté, journal du MRAP, fournit des informations sur d'autres pogroms ailleurs en France (Metz, Nancy). Côté images, le biologiste Jacques Panijel va entreprendre une enquête caméra au poing qui donnera le film "Octobre à Paris". Beaucoup de ces publications vont être saisies, le film sera interdit, mais paradoxalement, leur contenu diffusé "sous le manteau" va marquer toute une génération, ce qui ne semble pas le cas de la grande presse et son information éphémère, volatile. On doit ainsi à J.P. Sartre et à cette "petite" presse militante l'apparition des notions de "pogrom" ou de "ratonnade" dans l'imaginaire français, malheureusement très souvent déclinés au pluriel.

La mémoire d'Octobre éclipsée par celle de Charonne
Dans la nouvelle revue Partisans, François Maspéro reproche à Panijel de finir "Octobre à Paris" sur les huit morts de Charonne suite à la charge policière contre les manifestants anti-OAS du 8 février 1962, et qualifie le film de "navet". Pour comprendre cette critique, il est nécessaire de rappeler la différence de traitement entre les deux événements. "C'est le plus sanglant affrontement entre policiers et manifestants depuis 1934", écrit Le Monde du 10 février 1962. Cette affirmation occulte le massacre des Algériens et tous les efforts faits pour en connaître l'étendue. Elle préfigure la suite : le 13 février 1962 est déclarée "journée morte". Aucun journal ne paraît. Parmi les victimes, deux travaillaient dans la presse. 500  000 personnes suivent les obsèques des huit "martyrs de la liberté". Après le 17 octobre 1961, il n'y a eu aucune manifestation d'ampleur, et les victimes ont été enterrées à la sauvette. "Les Français ont 'choisi entre les morts' ", dira avec un sentiment de malaise un témoin présent au défilé. (4) "Au moment des discours, seul le représentant de la CFTC, Robert Duvivier, évoque les morts algériens." (5). En fait, sur les ressorts de l'antifascisme, la gauche se retrouve dans son élément. Elle va s'emparer de la lutte contre les attentats de l'OAS en métropole (6)et de la répression du 8 février 1962 comme un symbole des risques de "fascisation" du régime. Commémorée chaque année, cette date restera au-delà du clivage gauche-droite dans la mémoire collective des Français, tandis que l'oubli recouvrira octobre 1961.

Les stigmates d'une confusion parfois délibérée
Le début des années 70 va confirmer et accentuer cette tendance à la confusion. Après mai 68, les Mao•stes de la Gauche prolétarienne reprennent à leur compte le thème de la "fascisation". Ils dénoncent la terreur raciste qui règne dans les usines, et les crimes racistes qui se multiplient. Le 25 février 1972, Pierre Overney, un jeune ouvrier spécialisé, est tué aux portes de Renault-Billancourt par un vigile alors qu'il distribuait un tract intitulé "On assassine à Paris", appellant à manifester le soir même à la station de métro Charonne. Dix ans après, des intellectuels dont Michel Foucault se sont aussi rendus sur les lieux tandis. A leur côté, le dirigeant de la G.P. Alain Geismar mêle l'évocation de février 1962 aux charges policières de ce 25 février 1972. Il parsème également son discours de références plus ou moins implicites aux "ratonnades" d'octobre 1961. D'aucuns considèrent qu'Alain Geismar - lui-même aurait été témoin des exactions policières sur le pont de Neuilly le 17 octobre 1961- a choisi Charonne contre octobre 61 en toute conscience pour récupérer la "mémoire de février", jusque-là "chasse gardée" d'un PCF honni. (7)

En tout état de cause, de nombreux films militants des années 70 vont porter les stigmates de cette confusion. Et ces films vont circuler dans de multiples réseaux parallèles, notamment auprès des jeunes lycéens et étudiants qui n'ont pas directement connu la situation des années 60 mais qui restent fascinés par la mythologie révolutionnaire et apartidaire de mai 68. Or l'imagerie militante d'alors instrumentalise généralement sans vergogne les images pour illustrer des discours idéologiques. Les photos prises le 17 octobre 1961 par Elie Kagan sont ainsi utilisées pour illustrer... les "ratonnades" des années 70. Les conséquences de cette manipulation plus ou moins consciente d'images devenues quasi atemporelles vont se révéler ravageuses. Elles prédisposent les nouvelles générations, déjà marquées par le primat de l'image sur l'écrit, à une mémoire fourre-tout qui mélange les références historiques et les genres. Et des personnes directement concernées se retrouveront piégées. Dans le documentaire 17 octobre 1961, une journée portée disparue, de Philippe Brooks et Alan Hayling, les sœurs de la petite Fatima Bedar, retrouvée noyée dans le canal Saint-Martin, racontent leur "consternation" en apprenant l'existence de la manifestation parisienne du FLN. Elles avaient jusqu'alors crû que leur sœur était morte à Charonne ! Ce témoignage en corrobore bien d'autres, qui contre-disent le préjugé selon lequel il y aurait deux mémoires se tournant ostensiblement le dos : celle des Algériens et celle des Français. Les Algériens de France reproduisent aussi, à leur corps défendant, l'imaginaire et l'historiographie de leur pays de résidence. Et cela, le plus souvent dans l'ignorance de l'histoire de leurs parents.

Un choc pour les jeunes générations
Il serait cependant erronné de considérer que la "mémoire d'octobre" a été complètement négligée dans les années 70. Plusieurs initiatives ont été prises avec plus ou moins de succès. Parmi celles-ci, on peut retenir la grève de la faim en 1973 contre la censure d'Etat du cinéaste René Vautier. L'auteur de "Avoir vingt ans dans les Aurès" obtiendra le principe d'une levée de la censure politique, permettant au film Octobre à Paris -qu'il cherchait à distribuer- d'avoir enfin un visa non commercial. Par ailleurs, l'Amicale des Algériens en Europe, héritière de la Fédération de France du FLN, a instauré le 17 octobre comme "journée nationale de l'émigration". Chaque année, une commémoration a lieu, et des documents fort instructifs sont régulièrement délivrés au public. Ses nombreuses publications en attestent. Mais, au-delà d'un cercle restreint, le message ne passe guère. Sans doute à cause du discrédit croissant de l'Amicale, qui passe pour une courroie de transmission du gouvernement et des consulats algériens. La martyrologie officielle, à force d'être ressassée, devient suspecte. Les gens concernés pensent désormais qu'il y a exagération, et ils "zappent", remisant dans un coin tous ces documents en se disant qu'ils les consulteront plus tard, peut-être.

A partir de 1981, la mémoire d'octobre refait surface dans l'espace public français. Les quotidiens Libération (qui avait déjà en 1980 évoqué"un massacre raciste en plein Paris") et Le Monde consacrent une place importante au vingtième anniversaire du 17 octobre. Le Monde demande des comptes sur le bilan officiel du massacre, et suggère que cette date soit célébrée comme "journée nationale contre le racisme". Antenne 2 diffuse au journal télévisé de 20h un sujet de Marcel Trillat, lancé en plateau par Patrick Poivre d'Arvor. Ce regain d'intérêt pour le 17 octobre 1961 apparaît dans le contexte de la victoire de la gauche en 1981. L'heure est à l'inventaire de l'ancien régime. Et pas question de laisser Maurice Papon, encore membre du dernier gouvernement, prendre une retraite heureuse sans rendre des comptes. Ceux qui portent le dossier sont bien souvent des anciens militants anticolonialistes, devenus de grands professionnels des médias, voire des patrons de presse. Ils n'ont pas renié tous leurs engagements passés, à commencer par leur opposition à la guerre d'Algérie, et entendent bien lever certains sujets jusque-là tabous.

L'émotion ressuscitée par l'audiovisuel
Quand les jeunes issus de l'immigration algérienne, tout comme les enfants de harkis, qui lisent la presse française et parfois l'hebdmadaire Sans Frontière(8), apprennent l'existence du 17 octobre 1961, c'est le choc. Des jeunes, garçons et filles, vont effectuer un parcours de reconnaissance initiatique des différents lieux de Paris où les massacres se sont déroulés. Ils s'y recueillent en silence. Plus qu'une prise de conscience et une révolte collectives, leur démarche est solitaire. Ils auront du mal à exprimer leur ressentiment, aux allures de quête identitaire.(9) Le silence des parents sera aussi interrogé : pour mieux se faire accepter par la société française, faut-il donc taire son histoire propre  ? Les affrontements raciaux à l'usine Talbot-Poissy lors de la grève de l'hiver 1983-1984, au cours desquels les non-grévistes ont scandé "Au four, à la Seine !" à l'encontre des grévistes immigrés blessés(10), ont rappelé combien était enracinées les références racistes dans la culture ouvrière. En réaction, une partie des Marcheurs pour l'égalité qui avaient fait sensation un mois plus tôt, participent à une manifestation sous la banderolle : "Nous sommes tous des Arabes de chez Talbot".

Pour autant, il serait réducteur, voire démagogique, d'en conclure que ce sont avant tout les "Beurs" qui initient le revival mémorial collectif autour du 17 octobre 1961. De fait, ce sont davantage leurs aînés, des militants formés dans les années 70 au contact de la gauche française et d'anciens du FLN, qui contribuent à reformuler le "devoir de mémoire". Mehdi Lallaoui, par exemple, animateur de l'association "Au nom de la Mémoire" qui a beaucoup fait pour le succès en 1991 du trentième anniversaire autour du film et du livre "Le Silence du Fleuve", a fréquenté au Comité des travailleurs algériens d'ex-dirigeants du FLN comme Saad Abssi et demeure très lié à la gauche antifasciste française. Il a su déborder le cadre étriqué de l'expression militante, se servir des nouvelles opportunités offertes par l'ouverture des médias et par la démocratisation des outils de communication.

Le recours à l'audiovisuel démontrera aussi la puissance d'évocation de l'image, qui suscite davantage l'émotion autour de témoignages donnant à voir l'intimité des gens. Quitte sans doute à réduire l'importance du contexte politique et historique : la guerre contre le colonialisme glisse ainsi au second plan, au profit d'une dénonciation du massacre et des conditions de vie des travailleurs immigrés de l'époque. Le personnage principal du film "Vivre au paradis", de Bourlem Guerdjou, sorte d'anti-héros superbement campé par l'acteur Rochdy Zem, pousse cette logique à son paroxysme : sa stratégie individuelle d'intégration (quitter à tout prix le bidonville pour un HLM) se déploie à contre-courant des consignes du FLN. Cette liberté vis-à-vis du carcan politique de la guerre sera sans doute un filon d'avenir. Comme si, finalement, la guerre d'indépendance n'aurait été qu'une malheureuse parenthèse dans un processus d'enracinement des Algériens en France qui lui est bien antérieur.

L'impunité... jusqu'à quand ?
Savoir enfin ce qui s'est vraiment passé le 17 octobre 1961, connaître l'ampleur du massacre et en déterminer les responsables, demeure une constante. Le procès en octobre 1997 de Maurice Papon accusé de crimes contre l'humanité dans l'affaire des déportations de près de 1 500 Juifs de Bordeaux en 1942, et le procès que ce même Papon intente contre l'écrivain J.L Einaudi en février 1999, vont permettre de ramener à la Une des médias la question de la reconnaissance officielle du bilan réel du massacre et de nécessaires poursuites en justice. Le ministre de l'intérieur J.-P. Chevènement à l'Assemblée nationale se dit "tout à fait prêt à chercher à faire la vérité" (Le Monde, 17 octobre 1997), et nomme la mission Mandelkern pour tenter d'établir un bilan. Einaudi maintient son évaluation de deux cents morts au moins.

Mais c'est surtout la bataille pour l'ouverture des archives qui retient l'attention. Libération publie le 22 octobre 1997 des pièces d'archives tirées de registres du parquet. Pour autant, le recours aux archives semble bien aléatoire : il apparaît d'ores et déjà que de nombreux documents ont disparu(11), et les chercheurs indépendants ont bien du mal à y accéder. Malgré la décision du gouvernement le 5 mai 1999 de faciliter les recherches historiques, la préfecture de police de Paris continue par exemple d'opposer à J.L. Einaudi le délai de soixante ans pour l'accès aux documents nominatifs "qui mettent en cause la vie privée", prévu à l'article 7 de la loi du 3 janvier 1979 sur les archives (cf. Le Monde, 11 octobre 2000).

Maurice Papon, vieillard malade désormais en prison, on peut craindre un moindre intérêt public pour des suites judiciaires à l'encontre de la répression du 17 octobre 1961. Face à ce risque, un groupe d'intellectuels emmené par l'universitaire Olivier Le Cour Grandmaison a rendu public l'appel "17 octobre 1961 : pour que cesse l'oubli", nom de leur nouvelle association ( in Libération 19 octobre 1999). Ils y dénoncent l'impunité d'un "crime contre l'humanité commis par l'Etat","l'outrage aux victimes et à leurs proches" , et la création d'"un lieu de souvenir à la mémoire de ceux qui furent assassinés". Et ils espèrent bien se faire entendre, notamment par la gauche plurielle au gouvernement, afin que "la République reconnaisse enfin qu'il y a eu crime". "Il ne suffit pas de dénoncer et de commémorer", considère quant à lui le Mouvement de l'immigration et des banlieues (MIB). "Le 17 octobre 1961, c'était aussi et surtout le refus du couvre-feu et le quadrillage des quartiers immigrés, dispositifs policiers discriminatoires à l'encontre de nos parents qui continuent sous des formes diverses aujourd'hui. Le meilleur hommage que nous puissions leur rendre c'est de continuer leur lutte contre l'injustice, pour la dignité et pour l'égalité".(12)

Mogniss H. Abdallah, Agence IM'media
e-mail: mog@club-internet.fr
Texte paru dans la revue bimestrielle Hommes & Migrations n° 1228 de nov-déc. 2000, pp 125 à 133.

(1) (Sylvie Thénault, "La presse silencieuse ? un préjugé", in revue trimestrielle de l'association Carnet d'échange, n° 1, mai 1999, université Paris VII) retour texte
(2) Rappelons qu'il s'agit ici du journal Libération issu de la Résistance et disparu dans les années soixante. retour texte
(3) Cf. "Le siècle des intellectuels", épisode De Sartre à Foucault, France 3, janvier 1999. retour texte
(4) D'après J-L. Einaudi, "La Bataille de Paris", éd. du Seuil 1991. P. 275-276. retour texte
(5) D'après J-L. Einaudi, "La Bataille de Paris", éd. du Seuil 1991. P. 275-276. retour texte
(6)
De 1958 à 1961, 61 policiers ont été tués en métropole par les nationalistes algériens. Du 1er janvier au 31 août 1961, 460 Algériens succomberont. Toujours en métropole, de février à octobre 1961 à février 1962, 230 attentats (sources : Libération, 12 octobre 1991 ; Anne Tristan, Le Silence du Fleuve, Syros, 1991). retour texte
(7) Cf. Fausto Giudice in "Arabicides", éd. La Découverte, 1992. retour texte
(8) Hebdomadaire "par et pour les immigrés", publié entre 1979 et 1985. retour texte
(9)
Cf. Bouzid Kara in "La Marche", ed. Sindbad, Paris, 1984, Aïcha Benaïssa in "Née en France", ed. Payot, Paris 1990, ou Leïla Sebbar in "La Seine était rouge", Ed. Thierry Magnier, Paris 1999. retour texte
(10)
Cf. Journal télévisé d'Antenne 2, 5 janvier 1984. retour texte
(11)
Cf. Claude Liauzu, Voyage à travers la mémoire et l'amnésie : le 17 octobre 1961, H & M n¡ 1219, mai-juin 1999. retour texte
(12) Déclaration au meeting Justice en Banlieue, Saint-Denis, 17 octobre 1999. retour texte

Regarder, écouter les témoignages de rescapés des massacres qui relatent leur expérience (real player dispo gratuitement) sur zalea webtv


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Nouveau : un site web consacré au travail de mémoire : 17 octobre 1961 contre l'oubli
qui s'ouvre ainsi: "5 OCTOBRE 1961, communiqué du préfet de police Maurice Papon.
Dans le but de mettre un terme sans délai aux agissements criminels des terroristes, des mesures nouvelles viennent d'être décidées par la préfecture de police. En vue d'en faciliter l'exécution, il est conseillé de la façon la plus pressante aux travailleurs algériens de s'abstenir de circuler la nuit dans les rues de Paris et de la banlieue parisienne, et plus particulièrement de 20h30 à 5h30 du matin. (...) D'autre part, il a été constaté que les attentats sont la plupart du temps le fait de groupes de trois ou quatre hommes. En conséquence, il est très vivement recommandé aux Français musulmans de circuler isolément, les petits groupes risquant de paraître suspects aux rondes et patrouilles de police. Enfin, le préfet de police a décidé que les débits de boissons tenus et fréquentés par les Français musulmans d'Algérie doivent fermer chaque jour à 19 heures."