Elle débarque !

Zaléa TV
la petite chaîne qui n'a pas peur des grandes
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France Soir supplément Loisirs-Télé du samedi 9 septembre 2000
Par Estelle Lepine

Zaléa TV : à l'asso de l'écran

La première télévision associative nationale s'apprête à diffuser ses programmes sur le câble et le satellite. Portrait d'une chaîne qui se veut différente, et s'est rebaptisée  : « ONG d'action audiovisuelle d'urgence ».

« DE MÊME qu'il n'y a pas de démocratie sans contre-pouvoir, il n'y aura pas de démocratie audiovisuelle sans contre-pouvoir audiovisuel.  » C'est sur cet appel à la révolution que s'est bâtie Zaléa TV, TéléviZone d'action pour la liberté d'expression audiovisuelle, très prochainement diffusée sur le câble (Noos) et le satellite (CanalSatellite). La première télévision associative nationale, issue de la Coordination permanente des médias libres (CPML), et qui se donne pour objet d'ouvrir le petit écran aux programmes malvenus partout ailleurs. Documentaires, fictions, interventions « citoyennes  », Zaléa TV se veut avant tout une « télé libre », vitrine du « tiers secteur audiovisuel ». « Nous voulons offrir une diffusion à tous les programmes alternatifs, explique Michel Fiszbin, président de Zaléa TV et « ex » de Carbone 14. Il y a, d'une part, des bandes, par définition non marchandes, envoyées par les télévisions locales comme Sans Canal Fixe, de Tours, et Primitivi, de Marseille. D'autre part, il y a des films, comme Pas vu pas pris, de Pierre Carles, ou comme Marée noire, colère rouge, de René Vautier, qui ont été purement et simplement interdits de diffusion. Et puis nous reçevons de plus en plus de bandes de maisons de production, de réalisateurs, qui souffrent du manque de marge de manœuvre sur les chaînes classiques. »

UNE NOUVELLE SOURCE DE DIFFUSION
Pression de l'Audimat, de la publicité, les contraintes de la télévision finissent par opérer comme une véritable censure à l'égard de certains programmes. Pour Luc Martin-Gousset, des productions de documentaires Le Point du Jour, l'existence d'une chaîne telle que Zaléa est nécessaire. «  Sur les chaînes hertziennes, l'heure moyenne de diffusion des documentaires est minuit. Nombre de nos productions sont passées à la 25e Heure, qui débutait rarement avant 1h du matin, elle n'ont par conséquent pas pu rencontrer un large public. En cédant une grande partie de notre catalogue à Zaléa, nous donnons une nouvelle vie à tous ces films. » Mais la démarche du Point du Jour est loin d'être égoïste  : « Aujourd'hui, la seule alternative aux chaînes hertziennes, ce sont les chaînes thématiques. Or, on a besoin d'une télé généraliste, qui puisse diffuser des programmes non formatés. C'est pourquoi nous aidons Zaléa TV. »
Autre maison de production à soutenir Zaléa TV : Etat d'Urgence Production (EUP), société de production interne de Médecins Sans Frontières. « Sur les quelques 200 films que nous avons produits, seulement quatre sont passés à la télévision, tous sur France 2, explique François Dumaine, d'EUP. J'ai fini par intégrer que nos films n'intéressaient pas les chaînes, et je ne les propose même plus. Zaléa figure pour nous une nouvelle source de diffusion. » Reste que, à cause d'un manque d'argent, Zaléa ne peut guère être plus qu'un canal de diffusion. « Un projet, c'est toujours mieux quand on peut le monter avec un partenaire, précise François Dumaine. Avec Zaléa, malheureusement, pas question de co-production.  »

DIFFICULTÉS FINANCIÈRES
Le budget, c'est évidemment la grande difficulté de Zaléa TV. Même si la chaîne refuse d'acheter des programmes, considérant que l'expression audiovisuelle n'est pas une marchandise, il reste à l'association de nombreux frais à acquitter, tant pour le fonctionnement et l'équipement technique, que pour les cinq salariés. Difficile de croire que les dons en tout genre dont bénéficie l'association pourront suffire très longtemps. D'autant que Zaléa produit également des programmes. L'association a bien déposé une demande de création de fonds de soutien pour les télévisions locales sur le modèle de celui qui existe pour les radios, mais la récente loi Trautmann sur l'audiovisuel n'a rien prévu à cet effet. Regrettable, car en plus de peser sur Zaléa comme une épée de Damocles, ce manque de fonds constitue un handicap pour la crédibilité de la chaîne. Une raison sans doute peu étrangère au récent refus du CSA d'attribuer à Zaléa l'autorisation temporaire d'émettre à Paris, même si le CSA prétend que cette autorisation aurait été incompatible avec la possibilité, obtenue en mai dernier, d'émettre sur le câble et le satellite.

LE RÊVE D'UNE ALTERNATIVE
Pour les membres de Zaléa TV, cette seule présence sur le câble et le satellite cadre mal avec une démarche citoyenne cherchant à s'adresser au plus grand nombre. L'ambition de Zaléa TV est loin de se borner à une dénonciation gauchiste des travers des médias et de la société. Pour Michel Fiszbin, il s'agit de changer le rapport du téléspectateur avec la télé, de tenter de le faire sortir de sa passivité habituelle, « son aliénation », précise-t-il. « Nous sommes convaincus du rôle essentiel de l'image : chaque citoyen doit avoir la possibilité de produire des images au lieu de les subir. Donner cette possibilité, comme donner la parole, c'est créer du lien social, c'est faire de la télévision un acteur social et culturel positif. C'est pour cela que nous nous sommes dénommés ONG d'action audiovisuelle d'urgence. » Une ambition en forme d'utopie, à laquelle, certains soirs, on se surprend à rêver.

Estelle Lepine