TéléviZone d'Action pour la Liberté d'Expression Audiovisuelle
BP 50-75921 Paris Cedex 19 • contact@zalea.org
De 20h30 et 23h30 tous les jours, prenez l'antenne de Zalea Tv à Cognac-Jay en direct: 01 49 55 00 43


cinéma-documentaire-photographie
Christian Milovanoff
QUESTIONS D'IMAGES
Les voix ordinaires,
La Commune de Peter

Le pouvoir, qu'il soit militaire ou celui d'un réalisateur de cinéma, rend docile dimporte qui, fictif ou pas. Nous sommes encore concernés par les commentaires du consultant Foucart, par les émissions spéciales de la Télévision nationale consacrées aux étrangers, Polonais ou Arabes, par tous les énoncés ignobles qui s'ensuivent : "tous les -ski de la terre qui envahissent Paris", "dans la capitale, il y a des Arabes, oui, aussi, qui viennent d'Algérie, d'Arabie sûrement". Non seulement cette énumération est ici, dans ce texte, incomplète, mais elle est surtout trop lourde et laborieuse puisqu'elle oublie l'essentiel : le mouvement de la caméra de Watkins et les longs travellings sur les visages des hommes et des femmes, les écrans noirs et les silences, comme une respiration, juste avant le martèlement des cartons donnant des informations sur le taux de mortalité, le prix d'une laitue ou d'une cervelle de chien, sur la politique d'Hollywood et son indus-trie cinématographique. D'autres intertitres encore, faits de citations (de Blanqui, de Gandhi) ou qui présentent des statistiques comparatives entre les pays les plus pauvres et les plus riches de la planète, en I870 et en 1997, des cartons qui rappellent lattitude "des journalistes en costume camouflage Gucci faisant leurs reportages sur la guerre du Golfe de 1991, depuis leurs hôtels de Bagdad". Au total, plus de soixante cartons qui, comme les acteurs du film, jouent un rôle trois au moins, différents. Tout d'abord, ils informent d'un événement, d'une date, d'un décret. Ensuite, ils mettent en demeure le spectateur de dégager le sens en associant les différents textes qu'il lit. Enfin, ils annoncent ce qui va suivre et ne sera pas montré, ou plus radicalement, ce qui ne peut pas être montré, pour des raisons éthiques. Aucune image de cadavres, aucun voyeurisme, aucun pathos. Aucune compassion (8). Le carton tient lieu du coryphée dans la tragédie grecque. Il orchestre et rythme le film. Il déborde et envahit l'écran jusqu'à saturation quand défile le long générique de fin sous-tendu par Le Temps des cerises et une chanson algérienne contemporaine sur l'exil, la déportation, le cachot, E1 Menfi. On pourrait presque dire du film de Watkins qu'il s'inscrit dans la tradition du cinéma muet car, même si la parole vivante est à l'oeuvre, ce qu'elle dit et ce que l'on entend ressemble à des cartons lus, tels qu'on les trouve dans le cinéma d'Eisenstein : "Tous à Versailles", disent les habitants du XIe arrondissement. "Au palais d'Hiver", peut-on lire dans Octobre. Le recours à la voix off, au tout début du film, procède du même ressort. Le journaliste lui-même précise que ce que la voix va énoncer fut écrit une fois les prises de vues réalisées: "Le texte qui suit sera ajouté dans quelques mois", dit-il. Cette voix va décrire des lieux en les ordonnant: "Au-dessus des barricades flotte un drapeau", "sur la gauche se trouve ce qui reste de la mairie", "au-delà de cette table se trouve une cour de quartier, avec ses mouches et sa fosse d'aisances et à côté le café où nous avons filmé les discussions avec les comédiens sur la révolution et la société contemporaine. Juste derrière, le mont-de-piété, un système gouvernemental de (suite)

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

8. Rien qu'une image à la fin du film où l'on voit des cadavres au centre du cour. Pas de zoom ni de travelling avant. Le plan est éloigné. La scène n'est ni violente, ni spectaculaire : elle n'est pas indigne.

sommaire principale haut de page
Sommaire
Dossier Watkins
De même qu'il n'y a pas de démocratie sans contre-pouvoir,
il n'y aura pas de démocratie audiovisuelle sans contre-pouvoir audiovisuel