Plate forme pour la démocratisation du projet de loi sur l'audiovisuel
adopté lors du colloque sur le Tiers Secteur Audiovisuel
à l'Assemblée nationale le 31 janvier 2000

Les participants au Colloque « Le Tiers Secteur Audiovisuel : un accès citoyen à la télévision », réunis ce 31 janvier 2000 à l'Assemblée Nationale :

  • déplorant que l'hégémonie sur le secteur audiovisuel de quelques grands groupes commerciaux, privés et publics, interdise l'accès direct à la télévision aux citoyens en général et à de nombreuses catégories de la population en particulier, parmi lesquelles les catégories les plus défavorisées et les plus exclues de la communauté nationale,

  • estimant que cet empêchement du droit fondamental à l'expression publique audiovisuelle citoyenne est intolérable dans un pays démocratique, où le respect du pluralisme est un principe constitutionnel et où la liberté d'expression, le droit à l'information et la libre circulation des pensées et des opinions sont censés être inaliénables depuis la Déclaration des Droits de l'Homme et du Citoyen de 1789 et la Déclaration Universelle des Droits de l'Homme de 1948,

  • constatant qu'il existe dans le monde, et particulièrement en Europe, des milliers de chaînes ouvertes accessibles aux citoyens et aux associations ("non-profit open channel for public access", voir site web) alors que ce type de chaînes reste de fait interdit en France,

  • convaincus, à la lumière des nombreuses expérimentations militantes françaises, de l'utilité des chaînes de télévision libres, indépendantes et ouvertes à la diversité des opinions et des particularismes pour le développement local, la compréhension mutuelle, la formation à l'expression audiovisuelle et la cohésion sociale au sein des Communautés, des Quartiers et des Pays,

  • considérant que la résolution de Juin 95 du Parlement Européen, demandant aux États membres de "promouvoir l'accès direct des citoyens aux médias audiovisuels par la création de chaînes ouvertes", doit être appliquée en France, et que les fonds alloués par la Commission Européenne pour soutenir le développement de ces chaînes doivent bénéficier également à la France,

  • prenant au sérieux l'Article 1 des lois successives sur la communication audiovisuelle en France depuis 1982, article conservé dans le projet de loi Trautmann : "La communication audiovisuelle est libre.", dont la conséquence doit être la démocratisation urgente de l'accès à la télévision,

  • jugeant encourageants, bien qu'insuffisants, l'amendement dit "Mamère" (article 26, adopté en première lecture du projet de loi à l'Assemblée Nationale), qui ouvre la voie, sur les réseaux câblés seulement, aux chaînes associatives, indépendantes et d'accès public, et l'amendement dit "Belot - Commission des Finances" (article 17, adopté en première lecture au Sénat) qui autorise les télévisions locales hertziennes associatives, proposent d'ajouter au projet de loi "Trautmann" un chapitre sur la création et la régulation du Tiers Secteur Audiovisuel, afin de garantir aux chaînes et structures audiovisuelles qui en relèvent le droit et les moyens d'exister, à l'abris du jeu de l'économie de marché.

Cet amendement au projet de loi devra notamment comporter les dispositions essentielles suivantes :

 

1. Reconnaissance de l'existence d'un Tiers Secteur Audiovisuel non-marchand, non-commercial, à but non lucratif et d'accès public, chargé notamment d'organiser et de gérer l'accès citoyen des individus et des associations à la télévision, dans le cadre de sa mission d'intérêt collectif et d'utilité sociale et culturelle,

2. Légalisation des chaînes de télévision associatives locales, régionales et nationales, diffusées en hertzien analogique et numérique, sur le câble et par satellite,

3. Création d'un fonds de soutien à l'expression télévisuelle non-marchande, alimenté notamment par une taxe sur les chiffres d'affaires commerciaux :
- des chaînes de télévision nationales, locales et thématiques,
- des distributeurs de bouquets de chaînes payants sur le câble, le satellite et en numérique hertzien,
- des opérateurs de téléphonie, qui exploitent tous le bien public que constituent les ressources hertziennes,

4. Attribution en priorité et rapidement des fréquences hertziennes analogiques encore disponibles aux chaînes associatives, au terme d'appels à candidatures réservés au Tiers Secteur Audiovisuel, et incessibilité des fréquences attribuées à ce secteur au secteur privé et au service public,

5. Instauration d'une obligation de transport gratuit ("must carry") des chaînes associatives par les diffuseurs et distributeurs commerciaux hertziens, câblés et satellitaires.

6. Dégagement de la responsabilité légale des éditeurs de chaînes du Tiers Secteur Audiovisuel pour les programmes apportés par des particuliers et des associations et diffusés au sein des tranches d'accès public, et pour les émissions en direct (idem amendement "Bloche" pour les hébergeurs Internet).

C'est en fonction de la prise en compte de ces dispositions et des modalités de leur mise en œuvre que le mouvement des télévision libres appréciera les amendements apportés par le Gouvernement et par le Parlement au projet de loi Trautmann en cours de discussion.

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De même qu'il n'y a pas de démocratie sans contre-pouvoir,
il n'y aura pas de démocratie audiovisuelle sans contre-pouvoir audiovisuel.

• Article 19 de la Déclaration Universelle des Droits de l'Homme (adoptée par l'Assemblée générale de l'ONU le 10 décembre 1948 à Paris) : "Tout individu a droit à la liberté d'opinion et d'expression, ce qui implique le droit de ne pas être inquiété pour ses opinions et celui de chercher, de recevoir et de répandre, sans considérations de frontières, les informations et les idées par quelque moyen d'expression que ce soit."

• Article 1 de la loi fondamentale sur la communication audiovisuelle en France (adopté par le Parlement français en 1982, confirmé le 30/09/1986 et inchangé par la loi Trautmann, août 2000) : "La communication audiovisuelle est libre."

• Déclaration de Mme Catherine Trautmann, Ministre de la Culture et de la Communication, au Sénat, le mardi 18 janvier 2000, en présentation de son projet de réforme de la loi sur l'audiovisuel : "C'est une loi de développement et de liberté, porteuse de deux espoirs : la fin des inégalités culturelles et la diversité de la pensée".