Vénézuéla : un peuple défend sa démocratie
contre le pouvoir médiatique

Par Maximilien Arvelaiz, Thierry Deronne
Caracas, lundi 9 décembre 2002

"Basta de mentiras !", "Assez de mensonges !", le cri que lancèrent il y a quelques années aux télévisions privées les citoyens mexicains écourés de la désinformation contre les zapatistes, vient d'être repris à l'infini par une Caracas qui descend en cette heure et par centaines de milliers, de ses immenses "cerros". La majorité pauvre de la population vénézuélienne vient de resurgir spontanément, comme lors de la révolte massive contre le coup d'Etat d'avril 2002, pour sauver son industrie pétrolière et pour demander une fois de plus aux télévisions qu'elles cessent de mentir et d'inciter à la violence sociale, raciale, politique.

Une violence unique dans l'histoire des médias, qui a atteint le paroxysme ces derniers jours avec la mise en scène d'un attentat aussitôt attribué à "l'assassin Chavez", assorti de scènes de lynchage de vendeurs informels de peau noire pris pour cible par la bourgeoisie des quartiers huppés, sur une musique d'action à l'américaine et sous les commentaires excités de "journalistes".

Depuis deux jours l'essentiel du travail "informatif" de ces médias consiste à amplifier la "paralysie proche" de l'industrie pétrolière, que l'opposition tente d'imposer comme sa dernière carte suite à l'échec de sa "grève générale" pour "chasser Chavez" et pour semer la panique sur les "graves pénuries imminentes". En ce moment même, à Caracas, à Maracay, des milliers et des milliers de Vénézuéliens se réunissent pacifiquement autour des sièges de Globovision, Venevision, Radio Caracas Television, Televen, Meridiano , Television Sindoni, et le quotidien el Aragueño exigeant du président Chavez "qu'il GOUVERNE enfin" et dénonçant le "terrorisme" des médias. D'autres groupes se dirigent vers le journal El Nacional.

Bien entendu ces "médias" dotés d'immenses ressources et liés aux groupes transnationaux de la communication vont exploiter à fond cette "agression à la liberté d'information". Alors que les citoyens ne font qu'exprimer leur refus de la destruction des règles démocratiques par un monopole médiatique qui appelle chaque jour, sans détours, de façon obsédante, utilisant tous types d'images visibles ou subliminales, à renverser un régime démocratique, constitutionnel, élu régulièrement par eux. Les médias vénézuéliens ont peu à peu substitué les partis d'opposition dans la fabrication d'une matrice d'opinion contre le gouvernement de Hugo Chavez.

Nous avions depuis longtemps prévenu que ce qui est en jeu ici, c'est l'avenir des majorités dans une démocratie médiatisée. Depuis qu'en avril une gigantesque manifestation populaire a ramené le président Chavez à son poste, les médias organisateurs du coup d'Etat, sans jamais être inquiétés légalement, sont repassés à l'offensive. Ce n'est pas la liberté d'expression qui est en jeu ici, ni la liberté de presse. César Gaviria, Secrétaire Général de l'OEA, a exigé du gouvernement vénézuélien qu'’l mette un terme à cette nouvelle insurrection populaire. Jamais auparavant le secrétaire de l'OEA et ex-président colombien n'avait dénoncé les menées putschistes des médias privés vénézuéliens.

Les mots nous manquent pour vous décrire ce que nous vivons en cet instant. Un peuple plus conscient que n'importe quel autre, à rebours de tout endoctrinement ou de tout embrigadement, décidé à défendre sa démocratie contre ceux qui en avril ont promu, participé, et encensé ensuite un coup d'Etat. Occulté ou minorisé par les médias dominants, le peuple vénézuélien est en train de nous donner une leçon en défendant lui-même sa démocratie.

Maximilien Arvelaiz, Thierry Deronne