CQFD "VIRÉS PAR LE CSA, GRILLÉS PAR LE FSE"
publié en décembre 2003
CQFD N°007 MÉDIAS LIBRES Mis à jour le :15 décembre 2003. Auteur : Victor Lehaineux. Les médias alternatifs (les vrais, pas les lèche-culs, les vendus et les bouffeurs de
subventions) ont finalement boycotté la grand’ messe du Forum social européen
officiel. Ils se sont rabattus sur le Médialab de la Maison des métallos, sur le Forum
social libertaire, sur le Glad (Globalisation des luttes et des actions de
désobéissance, avec No Vox) et sur tous les événements "off" où l’air était
respirable. Pour comprendre pourquoi, prenons l’exemple de la télé libre Zalea TV.
Voilà des gens qui ont marné pendant six mois (avec Globenet et quelques autres)
pour que le FSE traite les médias alternatifs à peu près décemment, dans le respect
de ce qu’ils sont et de ce qu’ils veulent rester à tout prix : indépendants, critiques,
contestataires de tout ordre établi, subversifs par essence, libres par nature. Et zyva
les réunions à répétition qui ne servent à rien, les notes, les cahiers des charges et
tout l’arsenal bureaucratique... Face à eux : des syndicalistes à l’ancienne et des
universitaires éternels, grands professionnels de la phagocytation, illusionnistes de
la démocratie formelle, joueurs de coudes hors pair pour ce qui est de l’accès aux
tribunes de la gloire. Et Zalea a fini par se faire rouler dans une farine pas bio du
tout. Voici des extraits de la lettre de divorce que Zalea a envoyé au FSE le 10
novembre dernier, trois jours avant le début de l’alter-Foire de Paris : « Il ne nous
paraît plus souhaitable de collaborer avec un appareil qui se caractérise par sa
capacité à reproduire les schémas les plus pervers et les plus castrateurs de la
société de contrôle. Nous n’allons pas exposer ici tous les revirements, péripéties,
indécisions, rebondissements qui ont jalonné ces derniers mois, mais simplement relever
quelques éléments :
1. Aucun acteur des médias libres français ne sera représenté dans les plénières
ou séminaires du FSE, alors que nous avions suivi l’élaboration des rendez-vous
qui concernaient ce secteur avec beaucoup d’attention. Notamment en étant
présent à Berlin en avril 2003 pour participer à la phase préparatoire. Au final, les
médias libres français sont incarnés par la seule présence des membres
d’Acrimed (Action Critique Médias). Peut-on sérieusement valider l’hypothèse que
la démarche qui préside à la critique des médias soit équivalente à celle de créer
des médias critiques ?
2. Aucune ligne budgétaire n’a été votée afin de permettre aux médias libres de
diffuser et retransmettre, notamment par canal satellitaire, les événements qui se
dérouleront pendant la période du FSE. A une époque, où comme l’affirme David
Rothkopf - directeur général de Kissinger Associates - "l’objectif central d’une
politique étrangère de l’ère de l’information doit être de gagner la bataille des flux
de l’information mondiale, en dominant les ondes, tout comme la Grande-
Bretagne régnait autrefois sur les mers", le directoire du FSE ne semble pas
estimer utile d’aider les médias libres à proposer une information en rupture avec
la propagande des Etats ou des multinationales qui dominent les grands groupes
de presse.
3. La politique de gestion de l’accès au Media Center de la presse libre ne
correspond en aucun cas à l’identité de ces médias et à leur pratique. Il n’est pas
envisageable pour les membres de Zalea de participer à ce que Baudrillard
appellerait "l’apologie démagogique de la sécurité".
Pour info : Zalea TV a été interdite de diffusion hertzienne sur l’Ile de France par le
CSA pendant le FSE, alors que six chaînes locales à la con étaient autorisées ;
Zalea sera interdite de diffusion pendant toutes les campagnes électorales de
2004, comme en 2001 et en 2002 ; et le CSA (aux ordres du Quai d’Orsay) essaie
de lui retirer son autorisation de diffusion satellitaire parce qu’elle balance sur la
Tunisie des émissions de l’opposition démocratique et laïque à cette ordure de Ben
Ali. Mais de tout cela, les barons de l’altermondialisme se contrefoutent. Les pontes
d’Attac et du Monde Diplomatique préfèrent créer un Observatoire français des
médias, avec des gens sérieux et responsables : des universitaires, bien sûr.
Comme si l’heure était encore à monter en chaire pour observer ! La critique
académique feutrée du système médiatique d’oppression idéologique et de
manipulation des foules est un sport élitiste, un truc pour happy few qui vivent en
réalité de ce même système. L’heure est plutôt à la multiplication des médias
alternatifs de terrain, et particulièrement des télés pirates anti-Télé, celles qui
pratiquent le désentubage cathodique à haute dose et qui distribuent des
kamérashnikov aux sans-cravates. Car les Français passent en moyenne 3 heures
30 par jour devant le poste, et les mômes, plus de 4 heures. Tu peux toujours
observer ça en long, en large et en travers et en faire des chapelets de thèses, rien
ne pourra changer si le mouvement altermondialiste (le "off" d’abord, le "in" suivra)
ne prend pas conscience de l’urgence qu’il y a à dynamiter cette véritable Matrice.
De ce point de vue, en fermant la porte aux médias activistes, le très
télévisuellement correct FSE s’est chié dessus, y’a pas d’autre mot. Victor Lehaineux VIRÉS PAR LE CSA, GRILLÉS PAR LE FSE
Publié dans le n°7 de CQFD, décembre 2003.
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