ZALEA TV
TéléviZone d'Action pour la Liberté d'Expression Audiovisuelle
chaîne nationale du Tiers Secteur Audiovisuel

Pas de financement public

Sans aucun autre moyen que les fonds personnels de son équipe, Zalea TV vient de lancer un appel à souscriptions pour recueillir 5 millions de francs (762 000 euros) afin de continuer à vivre. La Coordination des médias libres (dont font partie Zalea TV ainsi qu'une centaine d'autres médias associatifs) a tout de même obtenu du gouvernement qu'une association soit autorisée à se porter candidate à l'attribution d'une fréquence hertzienne. Problème: aucun financement, aucun fonds de soutien (comme cela existe pour les radios associatives) n'est prévu. Afin d'y remédier, un rapport sur les télévisions de proximité doit être rendu cet été à Catherine Tasca, ministre de la Culture et de la communication. "On nous offre un passeport pour voyager", explique Richard Sovied de Télé Bocal, qui vient également d'obtenir une autorisation de diffusion hertzienne à Paris pour six mois, "mais on a oublié de nous donner les billets."

Les dazibaos, à la porte de la régie, annoncent la couleur de Zalea TV: "Il y avait ici un message qui a été censuré... Faites attention à votre perspective démocratique." A côté, jouxtant un article sur la chaîne russe NTV intitulé "Poutine veut éteindre la télé libre", cet autre message: "Même en Russie, on est connus!" Après des mois de lutte et plusieurs diffusions pirates, la chaîne associative Zalea TV (pour "zone d'action pour la liberté d'expression audiovisuelle") commence en effet à avoir pignon sur rue. Elle est retransmise 24 heures sur 24 par CanalSatellite (1) depuis le 20 mars et jusqu'au 6 mai, et trois heures par jour en hertzien à Paris (canal UHF 36) jusqu'en septembre. Une télé "libre" sur le bouquet de Jean-Marie Messier? "On a demandé, ils ont dit oui et depuis ils nous foutent une paix royale", assure Michel Fiszbin, un des fondateurs de Zalea TV. Alexandre Michelin, directeur des programmes de CanalSatellite, évoquait même récemment "les programmes époustouflants" de la chaîne qui, "comme Carbone 14 a révolutionné la radio, va révolutionner la télévision". Une belle occasion, en tout cas, de s'encanailler à peu de frais.

Patchwork. Tête de pont du "tiers secteur de l'audiovisuel", Zalea TV entend se faire le "porte-antenne" du petit monde de la production et de la centaine de télés indépendantes en diffusant leurs programmes. A l'écran, cela donne un patchwork détonnant de reportages militants à Davos, documentaires censurés sur la France colonialiste, courts-métrages rejetés de partout, performances live... Livrés, brut de décoffrage, au 1,5 million d'abonnés à CanalSatellite. Cette semaine, l'équipe de Zalea TV s'est ainsi attelée à la fabrication - en direct - d'une émission de cinéma. L'animateur: "J'avais pensé à un titre en hommage à Serge Daney, Devant la recrudescence des cinéastes en colère, mais je ne sais pas s'ils sont en colère!" Autour de lui, un réalisateur échevelé argentin et un cinéaste indépendant qui veut "une émission contre les critiques qui ne parlent plus de l'idéologie du cinéma". Blafarde.

Préposé au chant (!) du générique et au lancement des reportages, l'acteur Jean-François Gallote ne tarde pas à entrer dans le champ: "Et si on s'engueulait? Plus personne ne s'engueule à la télé..." Le débat vivant mais fumeux continuera une heure durant. Et peu importe la lumière blafarde et les cadrages parfois (z)aléatoires. C'est que l'équipe a vite délaissé le plateau mis à sa disposition (reconverti en dortoir) pour faire ses directs dans la régie même. "C'est comme dans les fêtes, explique un des membres, le meilleur endroit c'est la cuisine." Hors champ,

Michel Fiszbin se marre au vu du foutoir qu'il a engendré: "C'est la grande école Carbone 14 [à laquelle il participa, ndlr], on laisse de la place pour des choses inattendues, aux petits happenings, aux pétages de plomb." Aux manettes de la régie suivant les besoins, Fiszbin présente chaque soir, à 20h30, à l'heure où les grands-messes des autres chaînes s'achèvent, l'Actu par-derrière: le rendez-vous de la (minuscule) rédaction de Zalea TV. Invitée ce soir-là, l'association Max Havelaar, qui promeut des produits issus du "commerce équitable", et en profite pour appeler une fois encore au boycott des produits Danone.

"Désentubage". Moins attendu, la chaîne se risque à un court-métrage d'animation sur les déchets carrément intitulé l'Usine à faire du caca. Et prend la concurrence de front, comme Arrêts sur image, avec un Désentubage cathodique consacré à Qui veut gagner des millions? Commentaire façon Godard: "C'est le triomphe de la télé d'aliénation"... Conclusion définitive: "Un jour, nous irons brûler TF1..." Le "Grand Satan" pour Zalea TV, qui, bien évidemment, fonctionne sans pub (lire ci-contre). Alors, en guise d'enchaînement ou de bouche-trou en cas de ratage, juste une image avec ces quelques mots écrits à la main sur une ardoise: "Envoyez des trucs à diffuser."

http://www.zalea.org

(1) Sur le canal 113, réservé à des opérations ponctuelles, qui a accueilli en mars TFJ (Télévision française juive) à l'occasion des élections en Israël et qui, en mai, sera dédié au Festival de Cannes. retour texte