Peter
Watkins : notice biographique
Peter Watkins
est né en Angleterre en 1935. Dans les années
1950 il a fait des études de théâtre à
la Royal Academy of Dramatic Art ; ensuite il a décidé
de devenir cinéaste. Travaillant avec des acteurs non-professionnels,
il a fait plusieurs films pacifistes, dont The Diary of an
Unknown Soldier (1959) et The Forgotten Faces (1960)
; ce dernier est une reconstruction, tournée en Angleterre,
de la révolte hongroise de 1956. Certains de ces premiers
films ont remporté des prix nationaux du cinéma
amateur, et ont été télévisés
sur la BBC au début des années 1960.
Watkins a
été engagé par la BBC en 1963 comme assistant
de production ; dix-huit mois plus tard, il avait réalisé
son premier téléfilm professionnel, une reconstruction
de la bataille sanglante livrée en écosse en 1746
entre les forces du gouvernement et les clans rebelles des Highlands,
menés par "Bonnie Prince Charlie". Par la suite, Culloden
(1964) a gagné de nombreux prix, et a été
projeté partout dans le monde. Ce film, tourné
lui aussi avec des acteurs non-professionnels, représentait
une nouvelle manière de montrer des événements
historiques, basée sur un mélange stylistique
novateur du documentaire et du dramatique.
Le film suivant
de Watkins, The War Game (1965), montre les horreurs
d'une attaque nucléaire contre la Grande-Bretagne. La
suppression de ce film par la BBC a provoqué un scandale
important, et une polémique au Parlement britannique.
La BBC a nié avoir cédé à des pressions
extérieures visant à faire supprimer le film,
et le gouvernement a nié lui avoir fait pression. Malgré
tous ces démentis, et bien que le film ait remporté
l'Oscar américain du meilleur documentaire en 1966, la
BBC a empêché The War Game de passer à
la télévision, dans quelque pays que ce soit,
pendant 20 ans. Elle prétendait, entre autres, que le
film était une expérience télévisuelle
ratée.
En 1966, Watkins
a fait son premier long métrage, Privilege, une
allégorie sur la manière dont les mass-médias,
l'industrie de la musique pop et l'establishment britannique
concourent à détourner l'énergie politique
des jeunes. La presse britannique a vertement critiqué
ce film, à un moment où Watkins subissait des
pressions de plus en plus fortes de la part des professionnels
britanniques de la communication, à cause de The War
Game. Watkins a quitté la Grande-Bretagne en 1968,
d'abord pour s'installer en Suède avec sa famille. Il
y a fait son deuxième long métrage, The Gladiators
; c'est lui aussi un film pacifiste, tourné cette fois-ci
avec des acteurs de divers pays. Ce film a été
attaqué en Suède, et Watkins a repris la route.
La quête d'une base pour son travail durerait 20 ans.
En 1970 il
a tourné Punishment Park aux Etats-Unis ; une
allégorie politique, ce film dénonce la politique
intérieure répressive du président Richard
Nixon. Encore une fois, la presse s'est déchaînée
contre le film, et celui-ci a été retiré
des cinémas quatre jours après sa première
à New York. Depuis lors, malgré des projections
internationales un peu partout, ce film n'est jamais passé
aux états-Unis, que ce soit à la télévision
ou au cinéma.
«
Punishment Park - 1970 VO Anglais - 90 mn
1970. Le conflit au Vietnam s'aggrave. Nixon a décidé
le bombardement du Cambodge. Aux Etats-Unis et partout dans
le monde, la protestation est unanime. Nixon décrète
l'état d'urgence et, c'est le pré-supposé
du film, met en application une loi de 1950, "le McCarran
Act", autorisant le gouvernement fédéral
à placer en détention toute personne "susceptible
de mettre en péril la sécurité intérieure".
Dans une zone désertique de la Californie, non loin des
tentes où siège le tribunal civil chargé
d'instruire le procès du groupe 638, les membres du groupe
637 se retrouvent dans le Bear Mountain National Punishment
Park et découvrent les règles du "jeu"
auquel ils vont devoir participer pour avoir choisi cette alternative
plutôt que d'être incarcérés dans
un pénitencier. Ils s'entendent promettre la liberté
s'ils parviennent à échapper aux forces de police
lancées à leur poursuite, et à atteindre
dans les trois jours un drapeau américain planté
dans les montagnes, 80 km plus loin. A la différence
de beaucoup de films politiques populaires, "Punishment
Park" ne propose pas de spécimens élégants
de héros ou d'héroïnes avec lesquels le public
pourrait confortablement s'identifier. Pire, Watkins se refuse
à trouver une quelconque issue aux tragiques événements
décrits dans le film, susceptible de "remettre un
peu d'ordre" avant que l'assistance ne quitte la salle.
La distribution, comme d'habitude, se compose majoritairement
d'acteurs non-professionnels et de quelques jeunes comédiens.
Quant aux membres du tribunal, ils sont tous interprétés
par des citoyens ordinaires de la ville ... "Punishment
Park" fut retiré de l'affiche après seulement
4 jours d'exploitation. De fait, sa sortie suscita un flot de
critiques féroces. Depuis lors, il a très rarement
été projeté aux USA, et jamais à
la télévision. » (source : article
paru in Nova Bioscoop Cinéma n°44, avril-mai
2001)
Ensuite, Watkins
s'est installé en Norvège, où il a fait
un film biographique de trois heures sur Edvard Munch, peintre
expressionniste norvégien. Edvard Munch (1973)
est un des films les plus connus de Watkins, et il est passé
à l'écran dans de nombreux pays. Il a été
suivi par The Seventies People (1974) et Evening Land
(1976), deux longs métrages produits au Danemark. Chacun
a un argument social : le premier traite du nombre élevé
de suicides parmi les jeunes danois ; dans le second, il s'agit
de grèves, de terrorisme et des tactiques répressives
de la police danoise. La presse scandinave a attaqué
les deux films, et ni l'un ni l'autre n'a été
projeté depuis.
Pendant les
premières années qui ont suivi la suppression
de The War Game, Peter Watkins a beaucoup voyagé,
en organisant des discussions publiques sur la manière
dont les mass-médias contribuaient à laisser le
public dans l'ignorance sur effets des armes nucléaires
et sur l'ampleur de la course aux armements. Il a donné
des conférences sur ce sujet dans beaucoup de lycées
et d'universités en Europe, en Amérique du Nord,
en Scandinavie, en Australie et en Nouvelle-Zélande.
Au cours de
ces discussions publiques, les auditeurs se montraient inquiets
du rôle de la télévision, des rapports de
celle-ci avec la violence, du fait que le public participe de
moins en moins à la prise de décisions concernant
l'audiovisuel, de la fragmentation des informations télévisées,
et ainsi de suite. Watkins a commencé à organiser
des séminaires et des ateliers sur la critique des médias,
dans lesquels les élèves analysaient les informations
télévisées, et participaient à la
création de formes plus ouvertes de communication, ainsi
que d'autres manières d'utiliser les mass-médias
de l'audiovisuel pour établir un dialogue avec le public.
En 1978 et
1979, avec des amis en Australie, Watkins a participé
à la création d'une association à Sydney.
"The People's Commission" contestait le rôle centralisé
de la presse et de l'audiovisuel, montait des expositions d'analyses
des médias, et a organisé, en collaboration avec
d'autres associations, un grand débat public à
la mairie de Sydney.
En 1979, l'Institut
Suédois du Cinéma et la télévision
suédoise ont passé commande à Watkins pour
un long métrage sur la vie et l'oeuvre de l'auteur dramatique
August Strindberg. Après avoir passé deux ans
et demi à faire des recherches et à écrire,
Watkins leur a présenté un scénario, mais
le film a été annulé. En 1983, Watkins
a reçu le soutien d'un important mouvement suédois
pour la paix, pour le financement international d'un film pacifiste
international. The Journey (1983-86) a été
tourné en douze pays, et financé entièrement
par le public. Ce film, qui dure 14 heures et demie, critique
le rôle des mass-médias dans la course aux armements
mondiale. Toutes les organisations télévisuelles
publiques auxquelles le cinéaste s'est adressé
ont refusé de le téléviser.
En 1992, Watkins
a enfin tourné son film sur August Strindberg, dans le
cadre d'un cours de production vidéo qu'il donnait au
lycée Folk, près de Stockholm. The Freethinker
(4h35, divisée en trois parties) a été
refusé par toutes les principales chaînes de télévision
nordiques, et a pratiquement été boycotté
en Suède, y compris par le système éducatif.
La marginalisation
des oeuvres de Watkins par les institutions médiatiques
centrales continue encore. Il constate, par exemple, que l'Institut
Britannique du Cinéma ne l'a pas mentionné, pas
plus que ses oeuvres, dans son History of the Cinema,
publié en 1985, ni dans son récent History
of the European Cinema, et que la BBC justifie toujours
le fait qu'elle ne télévise plus aucune de ses
oeuvres en disant : "Les films de Watkins n'ont pas
résisté au passage du temps." En même
temps, beaucoup d'institutions et de systèmes éducatifs
refusent de discuter du besoin d'analyses critiques des médias
dans les programmes d'études de communication. L'enseignement
est plutôt envahi par des formations techniques et professionnelles
à la Hollywood, et par des programmes qui enseignent
les "plaisirs esthétiques" de la culture de masse. Watkins
observe que l'opposition à l'analyse critique des médias
dans l'enseignement est aussi forte que l'opposition, dans les
mass-médias, à l'idée de méthodes
cinématographiques alternatives.
En 1994, à
cause de la marginalisation de plus en plus marquée de
ses travaux de cinéaste et de critique des médias,
Watkins s'est retiré du cinéma et de la télévision,
et s'est installé à Vilnius en Lithuanie, avec
sa femme canadienne-lithuanienne Vida Urbonavièius.
En 1999, Watkins
a temporairement repris ses activités de cinéaste
pour faire La Commune, film qui traite des événements
de la Commune de Paris de 1871. Ce film a été
marginalisé lui aussi par la télévision
française, qui a accusé Watkins d'avoir créé
un fiasco. Ainsi, observe-t-il, la forme et les méthodes
de marginalisation pratiquées par les médias n'ont
pas changé depuis l'époque de The War Game.
Mais plus généralement, il y a eu des changements
profonds, car les mass-médias de l'audiovisuel (MMA)
ont acquis une position dominante dans la société,
ce qui n'aurait pas été possible, ou accepté,
dans les années 1960. Watkins souligne les effets du
rapport direct qui existe entre le rôle des MMA et le
développement de la mondialisation.
En 2000, Watkins
a créé un site Web qui explique dans le détail
la crise mentionnée dans cette notice biographique. Pour
en savoir plus sur Peter Watkins : http://www.peterwatkins.lt
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