La
Commune (Paris 1871) de Peter Watkins
Tout
film de Peter Watkins est un événement. Quand il
s'attaque à un moment mythique de l'histoire de la France
et du monde, Peter Watkins s'insurge, dérange, bouscule.
Pour créer une Ïuvre cinématographique hors norme,
un documentaire en costumes, une fiction vraie. Et si le récit
s'appuie sur une recherche historique approfondie, c'est pour
mener une réflexion sur le présent. Nous sommes
en mars 1871, tandis qu'un journaliste de la Télévision
Versaillaise diffuse une information lénifiante, tronquée,
se crée une Télévision Communale, émanation
du peuple de Paris insurgéÉ Dans un espace théâtralisé,
plus de 200 acteurs interprètent, devant une caméra
fluide travaillant en plans séquences, les personnages
de La Commune tout particulièrement la population
du quartier Popincourt dans le XIème arrondissement
pour nous raconter leurs propres interrogations sur les réformes
sociales et politiques. Pour Peter Watkins, réaliser un
film c'est questionner sa propre pratique de cinéaste et
mener une critique frontale des médias.
Dans
le contexte mondial que nous connaissons, Watkins nous rappelle
avec force que le rôle d'un artiste peut résider
dans le fait de ne pas oublier de proposer une Ïuvre engagée
et radicale qui nous revoie tel un miroir le reflet,
parfois insupportable et crispant, de notre condition présente.
Créée à Montreuil en 1999 dans les
locaux de La Parole Errante d'Armand Gatti, là où
Georges Méliès érigeât ses studios
La Commune est donc une création outsider. Avec
un budget très faible mais grâce à l'étonnante
énergie relationnelle de près de 300 comédiens
et techniciens convaincus par la pertinence du sujet et l'évidence
du propos, Peter Watkins, après 2 mois de préparation
intense, a pu reconstituer et restituer en 13 jours Ð par un processus
de tournage chronologique continu Ð l'exceptionnelle et effroyable
expérience de La Commune. En se situant au plus près
des gens du peuple Ð qu'ils soient gamins de la rue, ouvriers,
artisans, petits patrons, fonctionnaires, soldats, intellectuels,
curés, bourgeoisÉ- dans le Paris de 1871, La Commune de
Peter Watkins Ð en créant des passerelles avec notre société
actuelle Ð nous réveille pour nous rappeler que l'histoire
est un matériau vivant, en devenir, et qu'à tout
moment nous pouvons en devenir les acteurs lucides, conscients
et responsables.
«
Il est urgent que nous déclenchions pour la première
fois de notre histoire une large enquête publique
sur le rôle centralisateur et anti-démocratique joué
par les mass médias sur le processus social, et son lien
direct avec la propagation massive du consumérisme et ses
conséquences en termes de destruction environnementale
de notre planète. La télévision française
est affligeante Ð une charade d'émission débilitantes,
de jeux et de variétés, de séries policières
hollywoodiennes, et de journaux d'information hautement manipulateurs.
Notre film, La Commune, qui implique directement la communauté
dans l'écriture et la narration de son histoire, présente
une manière alternative de travailler avec la télévision. »
Peter
Watkins, juin 2001
«
... après 3 heures 30, dans une réunion de quartier,
les actrices jettent le masque, évoquant soudain le combat
des sans-papiers, la condition des femmes endormies dans les signes
du confort ... Le film devient une ode furieuse à la démocratie
directe: Watkins fait en sorte que les acteurs prennent le pouvoir
dans le film comme ses personnages l'ont pris dans Paris. Ils
dénoncent les médias comme autant d'organes versaillais.
Intertitre: "Ce dont les médias ont peur est de voir le
petit homme du petit écran remplacé par une multitude
de gens - par le public." Hélas! Watkins retarde! Le public,
les "gens", on ne voit plus que ça, aujourd'hui. A toute
heure et partout. Récupéré. Assimilé
depuis longtemps par nos regards digestifs. Une actrice communarde
finit d'ailleurs par nous le crier en face avant de mourir: "Que
ce soit un film ou la réalité, vous regardez, mais
vous n'en avez rien à foutre! C'est ça que j'ai
envie de tuer!" et nous télé-spectateurs, nous nous
éveillons sous le cri: à cet instant, les Versaillais,
c'est nous. »
(Libération)
Peter
Watkins
Cinéaste anglais. Son Ïuvre comprend notamment Culloden
(1964), The War Game (La Bombe, 1965), Privilège
(1966), Punishment Park (1970), Edvard Munch (1973),
The Journey (Le Voyage, 1983-86), The Freethinker
(1992, Le Libre-Penseur). Il y a 30 ans, la BBC, producteur
de La Bombe (décrivant une attaque nucléaire
contre la Grande-Bretagne) interdisait la diffusion de ce film
à la TV. Cette interdiction a duré pendant 20 ans.
Peter Watkins a quitté la Grande-Bretagne en 1968, après
les attaques des médias contre ses films. Il vit actuellement
en Lituanie où il se consacre à des recherches sur
le rôle des medias.
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