Entretien avec Peter Watkins sur la Monoforme
Bonjour,
je m'appelle Peter Watkins, et je me trouve avec des amis et
membres de ma famille à Gruto Park qui se situe à
deux heures de route au sud de Vilnius en Lithuanie. C'est d'ailleurs
un parc à thème assez spécial, comme vous
avez pu le remarquer dans ces images. Un entrepreneur lithuanien
fouilla les terrains vagues de Vilnius il y a quelques années,
rassemblant toutes les statues de Lénine, Marx etc.,
qu'il pouvait trouver pour les amener sur ce terrain marécageux
du sud de la Lithuanie et a construit ce parc à thème
consacré à l'ère soviétique. Cette
idée n'était pas du goût de tous les lithuaniens,
bien sûr, puisque la Lithuanie était un état
enrôlé de force dans l'Union Soviétique
jusqu'en 1991. Pour nombre de Lithuaniens, il est intolérable
de placer les statues de ces meurtriers dans un cadre aussi
enchanteur oiseaux, arbres lithuaniens mais
je pense ou plutôt j'espère que d'autres
voient ça comme un support de réflexion sur l'incroyable
folie de l'homme et de l'histoire de l'humanité et de
ses éternelles répétitions.
Il
est possible que, ailleurs en Lithuanie ou quelque part en Europe,
dans quelques années, l'on trouvera un parc à
thème consacré à la mondialisation avec
ses reliques pathétiques. Les gens regarderont ces choses
avec un il tout aussi perplexe. Vous savez tous comment
le système soviétique se maintenait grâce
à un système extrêmement efficace de terreur,
de propagande, de complicités, de pouvoir, de peur. Qu'en
est-il du système actuel, qui est certainement aussi
stupide que le système soviétique ? Ce système
a coûté la vie à des millions de personnes.
De même aujourd'hui la mondialisation à un coût
humain très élevé, par négligeance,
exploitation ... vous savez tous ce qui se passe. Et qu'est
ce qui maintient ce système en place ? Que trouverait-on
dans un parc à thème sur la mondialisation ?
Pas des statues de Marx ou Lénine mais certainement des
banderoles publicitaires pour McDonalds, des vitrines remplies
de téléphones portables, et très certainement
un poste de télévision, probablement installé
sur un très grand piédestal. Parce que je crois
et j'espère que de plus en plus de gens en sont
convaincus que le système actuel on peut
l'appeler comme on veut, le marché néo-libéral,
j'ai choisi de l'appeler mondialisation n'est pas maintenu
en place par le même type de terreur, du moins pas dans
nos confortables sociétés européennes,
mais est maintenu au pouvoir par les mass médias, propageant,
encourageant et diffusant sans cesse son soutien au développement
incontrôlé de la société de consommation.
Cela
est fait de nombreuses manières, souvent de façon
subtile et insidieuse, mais au vu de notre passivité,
de manière très efficace. Et dans un sens, en
ce moment même nous participons à ce processus
alors que je vous parle, et je m'en excuse, mais au moins pouvons-nous
utiliser cette occasion pour identifier ce processus hiérarchique
dont je me sers pour vous parler.
Je
ne sais pas où vous allez voir ces images, peut-être
sur un poste de télévision j'espère
sincèrement que non ou dans une salle de cinéma
ou dans une école. Et vous serez assis là, à
me regarder. Mais ce n'est pas de la communication. Nous appelons
cela la communication de masse, mais cela n'a rien à
voir avec de la communication. La communication vous pouvez
vérifier dans le dictionnaire si vous ne me croyez pas
est un processus dynamique à double sens, on donne et
on échange. Au contraire, la communication de masse est
systématiquement conçue à sens unique,
du producteur vers le spectateur. Toujours ! Ce n'est pas
de la communication, il faudrait que l'on trouve un autre terme.
Par contre, il s'agit bien de manipulation. Et d'un rapport
hiérarchique que je vous impose. Au moins, j'essaye d'en
parler, ce qui ne change rien au fait que cela reste un rapport
hiérarchique. Excusez cet espèce de préambule
; je crois que ce parc à thème nous aide à
aborder la question de notre histoire. Nous sommes dans notre
histoire aujourd'hui, même si un nombre croissant de gens,
particulièrement les jeunes malheureusement, sont en
train de perdre leur histoire ou ne la découvrent jamais.
Nous appartenons tous à l'histoire ; c'est un processus
en mouvement perpétuel.
En
1871, un grand nombre de citoyens parisiens se sont soulevés
contre le régime autoritaire et corrompu qui les exploitait.
Une Commune de Paris fut créée qui dura 2 mois,
de mars à mai 1871. Il y eut 5 ou 6 autres Communes,
notamment à Marseille et à Lyon, mais ces dernières
furent écrasées très rapidement. La Commune
de Paris survécut deux mois, malgré des conditions
très difficiles, avant d'être brutalement écrasée
par l'armée française. Sous les ordres de ses
généraux les plus gradés, l'armée
française massacra environ 30.000 hommes, femmes et enfants
dont de nombreuses personnes qui n'avaient absolument aucun
lien avec la Commune, massacrés dans les rues de Paris.
Certains furent contraints à l'exil, d'autres envoyés
en prison, la plupart furent tués sur place. Voilà
l'histoire, l'est-ce vraiment ? Les mass médias
français sont très discrets sur la Commune de
Paris et on en entend rarement parler. Il existe bien quelques
films, peut-être 20 ou 30 documentaires ce qui peut
paraître beaucoup, mais surtout des moyen métrages
rarement diffusés ou à une heure très tardive,
et rarement débattus. Le système éducatif
français, pour sa plus grande honte je ne pense
même pas qu'il mérite le nom de système
éducatif a occulté, comme le disent les
Français, ou marginalisé la Commune de Paris depuis
plus de cent ans. L'on ne trouve que quelques lignes dans les
manuels d'histoire français. Donc notre relation à
l'histoire est très fragile, un peu comme la paroi d'une
falaise sur laquelle on glisse en tentant de s'y accrocher.
Je
crois que toutes ces réflexions et préoccupations
m'ont porté vers le sujet de la Commune de Paris un
sujet fascinant. Une histoire de résistance, d'engagement,
de sacrifice, de foi en une utopie, d'engagement personnel ultime
autour d'idéaux pour lesquels l'on était prêt
à donner sa vie ce qui n'est pas vraiment le type
d'engagement le plus répandu dans notre culture occidentale,
c'est le moins que l'on puisse dire. J'ai donc réalisé
ce film avec l'aide de plein de gens, ou plutôt nous avons
fait ce film La Commune. Ce film est très important pour
moi, parce qu'il ne traite pas seulement de ce formidable sujet
qu'est la Commune. Il parle de la crise des mass médias
audiovisuels la télévision, le cinéma,
la radio. Il porte, indirectement, sur la crise dans l'éducation
aux médias où les enseignants sont censés
apprendre à décortiquer la nature des médias
et de l'énorme industrie qu'ils représentent.
Le film tente d'aborder ces questions, et par son processus
et sa forme essaye de proposer des alternatives aux processus
en uvre dans les médias actuels.
Ce
film, ces crises, la mondialisation, les médias, nous
impliquent tous. Ils impliquent les professionnels des médias
actuels, les responsables des chaînes et des programmes,
les réalisateurs, les producteurs, qui à de rares
exceptions près sont totalement complices de ce processus
autoritaire ; qui ne font que se plier aux demandes des requins
du pouvoir télévisuel global, qui refusent de
remettre en cause ce que j'appelle la Monoforme, c'est-à-dire,
la manière de découper les films en minuscules
petits bouts : cut cut cut toutes les 3 à 5 cinq secondes
avec un bombardement incessant de sons, une caméra en
perpétuel mouvement. Je pense que vous connaissez tout
cela, mais il est important d'y voir une forme narrative organisée.
Ceci n'a rien à voir avec la complexité et la
gamme de possibilités offertes par le cinéma ou
la télévision en tant que support de création
ou d'expression artistique ou comme forme de communication.
Cette chose, la monoforme, est devenue LE format obligé
structurant tous les films télé et quasiment l'ensemble
de la production du cinéma commercial. Cut, mouvement,
secousse, Bing, Bang, cut, cut, cut. Et le montage est de plus
en plus rapide, c'est presque comme les clips sur MTV. Cela
non plus, n'a rien a voir avec de la communication. Cela ne
permet pas aux spectateurs de participer vraiment. Vous êtes
entraînés à travers cette structure narrative
mono-linéaire par ce formatage frénétique
et manipulateur Ð la Monoforme Ð qui est employée délibérément
parce qu'elle ne nous laisse pas le temps de penser ou d'espace
pour une participation démocratique permettant une remise
en cause ou un questionnement. Ceci est un acte délibéré.
Comme me le faisait remarquer aujourd'hui un ami, un poster
de Lénine dont vous avez peut-être vu le
portrait stipulait que la forme artistique la plus importante
était le cinéma. Mussolini, je crois, avait dit
que le cinéma est l'art le plus puissant. Ai-je besoin
de mentionner Goebbels, dont l'emploi de la radio jouait un
rôle très spécifique dans le maintien au
pouvoir du 3ème Reich et qui a dit quelque chose de similaire.
Je pense qu'il faisait référence à la radio,
mais il pensait probablement également à la télévision
qui était en cours de développement en Allemagne
nazie, et il y avait aussi le cinéma. Les cinémas
projetaient les actualités allemandes sur la guerre :
l'invasion de la Pologne en est un exemple typique. Ils envoyaient
les caméramans de la Wehrmacht avec les soldats en première
ligne, qui filmaient l'assaut sur Danzig par exemple. Puis ils
dépêchaient les négatifs aux laboratoires
à Berlin ou ailleurs et les copies étaient acheminées
par camion à travers toute l'Allemagne, et un ou deux
jours après les événements, les Allemands
pouvaient voir les actualités. Goebbels connaissait l'efficacité
de ce système pour consolider le pouvoir. Il a prononcé
des phrases assez incroyables disant que ceci représentait
le véritable moyen pour frapper le cur des gens.
C'est
ce que nous faisons aujourd'hui avec la Monoforme, en figeant
délibérément et continuellement des millions
de personnes devant leur écran, le petit écran
de la télévision ou le grand écran du cinéma,
figés dans cette relation autoritaire ... Et le
public marche à fond dans la combine. Rien qu'aux Etats-Unis
je n'ai pas les données pour l'Europe et
pour reprendre des chiffres de 1998, le public nord-américain
avait dépensé 50 milliards de dollars au box office.
Vous vous rendez compte, 50 milliards de dollars en une seule
année dépensés par le public pour se distraire,
se divertir, passer le temps, du bon temps. Et vous connaissez
comme moi l'énorme coût de la mondialisation pour
l'humanité. Pour donner un exemple, je n'ai pas les chiffres
précis sous la main, mais je crois qu'il y a 32 millions
de malades du SIDA dans les pays en développement qui
n'ont pas les moyens de s'offrir un traitement médical
à cause des industries pharmaceutiques, etc. Imaginez
ce que l'on pourrait faire avec ne serait-ce qu'une portion
de ces 50 milliards de dollars dépensés pour un
flot ininterrompu de merde audiovisuelle ? Les vies qui
pourraient être sauvées ? Existe-t-il un débat
sur cette question que ce soit au sein de ma profession ou dans
les écoles avec les enseignants ? Bien sûr
que non. Y a-t-il un débat sur la Monoforme ? Y
a-t-il un débat sur le processus réactionnaire,
autoritaire et totalement anti-démocratique qui caractérise
les médias actuels ? Bien sûr que non. Comme
je le disais, la plupart des professionnels des médias
craignent trop de sortir du rang, de peur de perdre leurs budgets.
La peur est phénoménale dans le cinéma
mais surtout dans la télévision d'aujourd'hui.
Et vous pourriez m'accompagner dans n'importe quelle salle de
classe, en France, en Angleterre, en Lithuanie ou en Amérique
du Nord, peu importe. Vous y trouveriez très rarement
des jeunes qui savent quoi que ce soit sur la Monoforme ou les
véritables possibilités de communication qu'offrent
le cinéma ou à la télévision. Vous
y trouveriez plutôt des étudiants qui ont totalement
perdu leur histoire. Il ne savent probablement même plus
qui était le président Kennedy, je ne rigole pas
! Et de plus en plus, les enseignants, qui devraient être
au courant de cette situation puisqu'ils font partie du problème,
sont en relation avec des étudiants qui n'ont aucune
idée du contexte historique de la première ou
deuxième guerre mondiale, et qu'un vague souvenir du
personnage de Kennedy.
Un
Allemand, excusez-moi je ne suis pas sûr qu'il soit allemand,
un journaliste a écrit un article paru dans un quotidien
il y a quelques semaines, encore une fois je ne sais pas s'il
était allemand ou américain mais cela n'a pas
d'importance, il a écrit ceci : "Je suis récemment
retourné à Austin au Texas après avoir
enseigné dans des universités à Berlin
et à Cologne. J'étais habitué aux réactions
d'indifférence des étudiants américains
face aux histoires d'étrangers attaquant des McDonalds
ou dénonçant la domination du marché international
du film par Hollywood. Les étudiants américains
vivent dans le ventre de la bête globale et ils sont donc
un peu perdus face aux dénonciations de l'impact culturel
américain sur le monde, mais à ma grande surprise,
j'ai rencontré la même complaisance vis-à-vis
de la mondialisation de la culture américaine parmi les
étudiants allemands. Ils sont à l'aise ou du moins
résignés par rapport à l'omniprésence
de la culture globale. Ils ne se soucient pas du fait que leur
langue soit corrompue par des mots anglais ou que leurs goûts
soient formatés par les grosses productions Hollywoodiennes
ni que leurs librairies de quartier soient menacées par
amazon.com. Ils n'ont que peu d'ancrage dans leur passé
culturel, et n'envisagent pas non plus d'alternatives au monde
globalisé dans lequel ils vivent. Ce ne sont ni des rebelles
ni des conservateurs. Les jeunes ne font que hausser les épaules."
Et plus loin dans l'article le journaliste ou enseignant poursuit
: "la majorité des jeunes allemands et américains"
et il pourrait évidemment ajouter nombre d'autres
pays à cette liste "ont peu d'intérêt
pour la politique. Et ils ne sont pas préoccupés
par ce qu'ils voient sur leurs écrans, de cinéma,
de télévision ou d'ordinateur. Ils constituent
donc la première génération peu susceptible
de protester contre la propagation de la mondialisation que
ce soit sur le plan économique ou culturel." Bien sûr,
ceci est une déclaration discutable, car comme tout ce
qui concerne ce monde complexe, le vrai côtoie le faux.
Il y a un nombre important de jeunes, Dieu merci, qui rejoignent
les mouvements de protestation contre la mondialisation et il
est très important de souligner cet point. Toutefois,
comme le ying et le yang qui s'équilibrent mutuellement,
je pense que malheureusement ce qu'écrit cet enseignant
est en même temps très juste. Si l'on devait généraliser,
une large majorité d'étudiants sont en train de
perdre leur histoire. Et sont poussés, forcés,
manipulés ou plutôt encouragés à
jouer un rôle de plus en plus passif dans cette société.
Et ceci devrait tous nous préoccuper au plus haut point.
Avant
de terminer dans un instant en revenant sur le film La Commune,
je voudrais juste dire quelques mots sur le rôle des militants
et de ceux qui luttent contre la mondialisation aujourd'hui,
ce qui constitue bien évidemment un développement
merveilleux et formidable. Néanmoins, il ne faut pas
sous-estimer le fait que dans ces manifestations il est rarement
question du rôle des mass médias audiovisuels.
Sur cette question nous avons près de 50 ans de retard.
Et j'ai personnellement remarqué au cours de ces 20 dernières
années, que de nombreux groupes de militants sont très
réticents à critiquer les mass médias.
C'est un phénomène très important, déroutant
et complexe. Les mass médias sont toujours mis de côté,
peut-être à cause de la relation traditionnelle
que nous entretenons avec l'Hollywood qu'on aime ou nos émissions
de télévision préférées,
c'est difficile à dire. Aussi parce que nombre de militants,
du moins jusqu'à très récemment, comme
certains des mouvements pacifistes, ont utilisé la télévision
pour transmettre leurs discours alternatifs. Ils se sont servis
du système, le même système manipulateur,
la Monoforme. Et donc rien n'a changé. Je crois que la
traditionnelle réticence qu'ont de nombreux militants
par rapport à une remise en cause véritable des
mass médias audiovisuels constitue un très sérieux
problème ; et mon sentiment personnel est que tant que
ce sujet ne sera pas mis au même niveau d'importance que
les autres objets de lutte, je ne pense sincèrement pas
que le mouvement anti-mondialisation puisse jamais atteindre
ses véritables objectifs. Si nous laissons le cinéma
et la télévision dans leur état actuel,
nous n'y arriverons jamais.
J'ai
réalisé la Commune pour soulever ces questions,
en lien avec les thème de l'engagement personnel et de
la Commune de Paris. Ce que j'espère, c'est que les gens,
vous mêmes, pourrez vous servir de ce film comme d'une
ressource et d'un outil. Certaines personnes, peut-être
même un certain nombre, trouvent sa longueur très
bizarre : s'il vous plaît, considérez cette durée
comme une ressource, et non une menace ou une manie personnelle,
voyez le comme une ressource, comme un défi. Cela ne
veut pas dire que tous les films alternatifs doivent durer 5
heures, loin de là. Celui-ci est de cette durée,
et pour de bonnes raisons. Le fait de le regarder, d'avoir la
patience de vivre cette expérience si vous voulez, de
traverser tranquillement et de façon fluide le processus
de ce film pourrait être perçu comme une démarche
très positive et originale car cela transforme totalement
la relation traditionnelle entre le public et le spectateur
individuel. La Commune possède une forme narrative très
particulière. L'on y trouve la Monoforme par endroits,
et en cela je peux être critiqué. Le film a certainement
des défauts, car il contient également un aspect
hiérarchique, mais tout cela est ouvert à débat.
L'on y trouve ces très longs "plans séquence"
comme disent les Français, de longues séquences
où je ne savais souvent pas ce qui allait se passer,
les comédiens non plus d'ailleurs. Mais cela permettait
de créer un espace où les gens pouvaient s'exprimer
librement et installait un changement. Il y a là une
idée de générosité. La plupart des
mass médias son totalement étrangers à
cela puisqu'ils ne veulent pas de réflexion spontanée
; ils veulent des réponses instantanées et pré-emballées.
La Monoforme c'est ça. La Commune contient également
un processus très important et complexe, à la
fois avec les spectateurs à travers ses forme et contenu,
mais aussi avec les gens qui y apparaissent, qu'il conviendrait
mieux d'appeler des participants que des acteurs, qui ont travaillé
en apportant un énorme investissement personnel dans
ce film. Et c'est là un autre exemple de la formidable
générosité de ce film ce que les
gens qui y apparaissent donnent d'eux-mêmes, se sachant
exposés, s'exposant eux-mêmes ainsi publiquement
à l'écran. Je crois que si nous somme prêts,
si vous êtes prêts, à travailler avec ce
film, il pourrait devenir une ressource et un outil formidable,
non pas simplement pour déconstruire les mass médias
audiovisuels, mais aussi comme une vision alternative parmi
d'autres de ce que la télévision aurait pu devenir
si elle n'en avait pas été empêchée
par les requins qui la dirigent depuis 30 ans.
Je
vais terminer en disant qu'il existe trois types d'approches
pour travailler avec ce film. Il en existe de très nombreuses
en fait, mais de façon hiérarchique je commencerai
avec une chose que je peux vous proposer. J'ai écrit
des pistes de réflexion pour les écoles qui seront
bientôt disponibles en français. Les enseignants
ou les groupes travaillant avec le film qui voudraient voir
quelques unes des idées qui pourraient être soulevées
lors d'une discussion peuvent s'en servir. Mais comme je l'ai
souligné dans ces notes, ce document ne servira qu'à
" briser la glace " pour démarrer, les informations et
idées les plus importantes viendront du débat
lui-même. Certains des participants du film ont créé
un groupe intitulé "Rebond pour la Commune" Rebond comme
rebondir c'est un peu difficile à traduire en anglais
alors je garde le français parce qu'ils avaient
été motivés et intéressés
par le processus de réalisation du film, qui a démarré
bien avant le tournage et s'est poursuivi par la suite. Les
" Rebonders ", comme on les appelle, ont poursuivi ce processus
collectif en créant récemment en France une association.
Ils sont là pour aider, avec des pistes de réflexion
ou plus simplement pour vous aider à démarrer,
pas seulement pour montrer le film, là n'est pas l'objectif
ultime. Le but est d'aller beaucoup plus loin que La Commune,
afin d'explorer des nouvelles manières de revitaliser
ou de réinventer le processus civique, débattre
de nos désaccords mais surtout faire émerger une
véritable participation citoyenne à notre histoire.
Je
ne sais pas si nous aurons finalement la chance d'éviter
de devoir se retrouver assis dans un parc à thème
consacré à la mondialisation, j'en doute un peu,
mais espérons au moins que ce parc sera construit prochainement,
d'ici un ou deux ans avec votre aide. Moi, ou plutôt quelqu'un
d'autre que moi sera installé sur un poste de télévision
à manger des chips de préférence
pas des chips en fait regardant au loin. Mais il faut
vraiment que nous sortions de cet état de passivité
dans lequel les médias nous ont mis. Et malheureusement
une grande partie du système éducatif collabore
désormais activement avec les médias en favorisant
l'absence de débat, l'acceptation passive de la sous-culture
populaire médiatique. Comme s'il n'existait rien d'autre.
Mais il existe tout un monde d'alternatives, de processus alternatifs.
Je
vais m'arrêter là, je m'excuse pour ce monologue
mais j'espère que vous pourrez le diluer dans vos propres
débats. Au revoir donc, et merci beaucoup pour votre
aide et votre travail avec ce film. Peter Watkins, Lithuanie,
2001
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