Droit de
réponse à l'article du Monde
Montreuil
le 30 avril 2000
Lettre recommandée avec A.R. à
l'attention de la Rédaction du Monde
En
application de l'article 13 de la loi du 29 juillet 1881,
Demande de droit de réponse à l'article de Thomas
Sotinel : De quel coté de la barricade ? De quel coté
de la caméra ?
A propos du film de Peter Watkins " La Commune (Paris 1871)
" (Le Monde du 23/03/2000)
Il
n'est évidemment pas dans notre intention de discuter
ici des raisons esthétiques ou politiques qui ont influencé
le (mauvais) jugement porté par M. Thomas Sotinel sur
le film de Peter Watkins, même si l'on pourrait regretter
l'absence de clairvoyance d'un article qui évite d'aborder
l'un des aspects essentiels de l'Ïuvre, c'est à dire
la critique radicale du rôle des médias et la remise
en cause des formes traditionnelles du langage audio-visuel
commercial. Monsieur Sotinel est parfaitement en droit de ne
pas aimer ce film, si différent des autres, et peut-être
irritant pour certains. Toutefois, il nous paraît indispensable
de rectifier certaines contre-vérités relevées
dans sa critique.
Que
M. Sotinel ait personnellement perçu le film comme un
acte de propagande cryptocommuniste, c'est son doit le plus
strict. Mais lorsqu'il écrit que ce film est "si visiblement
inspiré de La Guerre Civile en France en 1871 de Karl
Marx", ce journaliste implique que le traitement du sujet
est largement dominé par une interprétation marxiste.
Or, pour qui connaît un tant soit peu l'histoire de la
Commune et les visions politiques qui en ont découlé
(communiste, anarchiste, etc.), il semble difficile d'affirmer
que le film de Peter Watkins penche du côté de
la première internationale. Les conseillers historiques
qui ont collaboré ‡ ce projet, de l'anglais Robert Tombs
à Alain Dalotel en passant par Marcel Cerf ou l'incontournable
Jacques Rougerie, ne sauraient en effet être taxés
de marxisme.
Dans le film lui-même, Marx n'est cité qu'une fois,
et cela uniquement dans le contexte de dénonciation du
complot étranger par le journaliste versaillais. Pour
l'anecdote, lors de la première projection au Musée
d'Orsay, Madeleine Rebeyrioux, qui a par ailleurs avoué
à l'un des acteurs n'avoir pas particulièrement
apprécié le film, soulignait qu'à son goût
les rôles de Marx et de l'Association Internationale des
Travailleurs y étaient singulièrement sous-évalués
... Ajoutons que ces remarques s'appliquent également
au contenu historique de la centaine de cartons, à propos
desquels M.Sotinel déclare qu'ils "développent
de manière très magistrale des thèses proches
de la vulgate marxiste", d'autant plus que sur le plan des
informations contemporaines, l'essentiel des sources et des
statistiques proviennent du rapport 1999 du PNUD.
Beaucoup
plus grave, nous semble-t-il, est la volonté manifeste
du journaliste de réduire les 212 comédiens non-professionnels
(dont 30% tout de même sont des intermittents du spectacle)
à de simples "volontaires ... déjà
convertis". Au contraire, l'ensemble des acteurs de ce film
se distinguait particulièrement par son extrême
diversité sociale, politique et culturelle. On pouvait
trouver sur le plateau, parmi les ouvriers, les intellectuels,
les chômeurs, les étudiants ou les artistes : des
gaullistes, des centristes, des socialistes, des gauchistes,
des anarchistes, des jm'enfoutistes, des abstentionnistes, des
sans domicile fixe, etc. Pour garantir cette diversité,
le réalisateur s'était lui-même donné
la peine de recruter une partie des comédiens sur la
base de leur opposition déclarée aux idéaux
de la Commune en faisant passer des annonces dans divers journaux
de droite tels que, par exemple, Le Figaro. Sans parler de guerre
civile, sur le plateau comme en coulisses, les tensions furent
parfois vives et les échanges nombreux.
Quant
à l'absence de ce que M. Sotinel appelle les "héritiers
présomptifs de la Commune : la jeunesse issue de l'immigration
ou les exclus du système scolaire", on est en droit
de se demander si l'auteur ne s'est pas trompé de salle
de projection. Non seulement plusieurs des enfants et adolescents
ayant participé au tournage sont d'origine étrangère,
mais des étrangers ou ex-immigrés (Africains,
Maghrébins, Polonais, Italiens, etc.) apparaissent et
s'expriment dans la quasi-totalité des scènes
du film. Sans compter la scène spécifique des
Algériens de la Commune, qui s'achève par une
évocation de l'occupation de l'église Saint-Ambroise
par les "clandestins". Peut-être considère-t-il
que les sans-papiers qui interprètent ces personnages
ne sont pas suffisamment exclus pour incarner de dignes héritiers
de la Commune ?
Enfin,
le fait le plus remarquable de cet article, et le plus révélateur
de l'esprit de son auteur, réside certainement dans son
unique (et involontaire) compliment à l'égard
du film. En soulignant "la culture" et "la facilité
d'expression" des participants, M. Sotinel croit fournir
la preuve de ses propos en dénonçant les comédiens
comme autant de militants politiques rompus à l'art de
la dialectique et issus du même moule idéologique.
Rien n'est plus faux, Monsieur ! Le fait que 90% d'entre nous
n'avaient aucune connaissance historique précise sur
le sujet (en partie grâce à la discrétion
de l'Education nationale en ce domaine ...) ne nous a pas
empêché de nous exprimer avec force et conviction
sur notre histoire passée et présente. Et l'une
des grandes leçons de ce film, que nombre de professionnels
feraient bien de méditer, c'est justement que les gens
(le public) savent parler et ont des choses à dire, pour
peu que l'on daigne leur donner l'espace suffisant et le temps
nécessaire. Cela au moins, tous ceux qui ont participé
à cette expérience unique, en sont désormais
convaincus. Nul doute qu'il s'agit là encore, Monsieur
Sotinel, des signes d'une évidente "conversion".
Collectif
des comédiens de La Commune (Paris 1871)
Pour
tout contact : Rebond pour la Commune 51, Rue Doudeauville 75018
Paris
Tel/Fax : 01 53 41 62 28 E-mail : azazelo@web.de
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