J'y
suis, j'y vote!
la lutte pour les droits politiques aux résidents étrangers*
par Mogniss H. ABDALLAH, l'Agence IM'média
"La
citoyenneté est indivisible". Cette maxime pourrait
résumer le pamphlet(*)
que vient de publier le sociologue et militant associatif
Saïd Bouamama aux éditions
l'Esprit Frappeur. "J'y suis, j'y vote!" relate
les différentes étapes de la lutte pour les
droits politiques non seulement pour les résidents
étrangers, mais aussi en remontant dans le temps, pour
les esclaves, les pauvres, les travailleurs et les femmes.
N'en déplaise aux tenants du "républicainement
correct", l'étendard de l'égalité
des droits de l'homme porté par la Révolution
française de 1789 est entâché d'exclusions.
Si la République des débuts reconnaît
en principe à tous de jouir des droits de "citoyens
passifs" (protection de leur personne, de leur propriété,
de leur liberté...), elle récuse pour les femmes,
les enfants et les jeunes, les étrangers et les oisifs,
une citoyenneté active, c'est-à-dire les droits
politiques et le pouvoir d'influer sur la chose publique.
Et cela au nom d'une "logique capacitaire", qui prétend
que certaines catégories de la population sont incapables
d'exercer ces droits politiques ou qui considère à
tout le moins qu'elles doivent être soumises à
une période probatoire plus ou moins longue. Tout au
long des XIXème et XXème siècles, cette
indignité citoyenne "va marquer nettement une inégalité
des droits" qui ancre dans les esprits et les comportements
le principe de droits différenciés entre citoyens,
entre citoyens et non-citoyens. La hiérarchisation
de la citoyenneté ainsi pérennisée conduit
inévitablement aujourd'hui à des phénomènes
comme la catégorie des immigrés sans-papiers
qui, bien que partie-prenante de la société
française, se différencie en droits des résidents
immigrés en situation régulière, eux-mêmes
soumis à un régime de lois spéciales
différencié selon leur appartenance à
l'Union européenne, à des "pays sûrs"
ou des "pays à risques" etc.
Face
à cette citoyenneté à étages justifiée
par des personnages illustres comme Condorcet ou Siéyès
hier et par de grands ténors socialistes aujourd'hui,
Saïd Bouamama préconise la réaffirmation
de l'égalité des droits pour tous. Il appuie
son argumentaire sur les droits historiques acquis par la
lutte des esclaves, des travailleurs et des femmes. Concernant
l'accès des immigrés au droit de vote et à
la nationalité, il rappelle que la Constitution de
1793 et les propositions du parti communiste français
en 1930 ou à la veille du Front populaire allaient
bien au-delà des attermoiements d'aujourd'hui. Il met
en garde contre les tentations de démonstration "capacitaire"
(conseils municipaux consultatifs, droit de vote limité
aux élections locales, etc.) et avance le mot d'ordre
de pleine égalité des droits politiques à
tous les échelons. Il réclame même l'accès
automatique à la nationalité française
par simple déclaration comme cela se pratique désormais
en Belgique. Or, cet accès en France n'est toujours
pas un droit, mais une option soumise au pouvoir discrétionnaire
de l'administration. Selon Saïd Bouamama, ce cadre permet
de réunifier les luttes des différentes composantes
de l'immigration et du mouvement social, en écartant
les velléités de division comme celles qui voudraient
par exemple opposer la question du droit de vote au mouvement
des sans-papiers. A cet égard, le titre du pamphlet
est explicite. Le slogan "J'y suis, j'y vote!" renvoie
directement à celui des immigrés avec ou sans
papiers : "J'y suis, j'y reste !" (tous deux renvoient
d'ailleurs à des campagnes sur ces thèmes entre
1986 et 1989 -cf. aussi le livre de Mogniss H. Abdallah "J'y
suis, j'y reste! les luttes de l'immigration en France depuis
les années 60, éditions Reflex). Cependant,
le droit de vote et d'éligibilité à tous
les échelons n'est pas une fin en soi. "C'est,
conclut l'auteur, une condition nécessaire mais
pas suffisante pour l'égalité des droits et
pour une transformation sociale et politique radicale de la
société, sous l'impulsion de l'ensemble des
citoyens actifs et solidaires".
Mogniss
H. Abdallah agence IM'média
*J'y
suis, j'y vote La lutte pour les droits politiques aux résidents
étrangers par Saïd
Bouamama,
Editions
L'Esprit frappeur, Paris, 2000. 10 FF. retour
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