Ci dessous une lettre envoyée aux lecteurs.

Le magazine l’oeil électrique existe depuis maintenant 6 ans (son premiernuméro est sorti fin 1997).

Il est le résultat du travail bénévole de nombreuses personnes, relayéesdepuis 1999 dans les tâches administratives par 3 salariés ayant le statut d’emploi jeunes.

C’est dans une volonté de réappropriation citoyenne des médias qu’est née l’ idée de l’association « les éditions électriques », éditrice du magazine. Des expériences similaires ont été tentées ailleurs avec d’autres supports (télévisions associatives, radios associatives, maisons d’éditions, sites Internet indépendants.). Une poignée de bénévoles motivés, rejointe rapidement par de nouveaux éléments, à Rennes où se trouve le siège de l’association, mais aussi partout ailleurs en France grâce aux contacts favorisés par Internet, crée tous les deux mois l’oeil électrique. Le magazine propose en effet à ses lecteurs de participer à sa réalisation (écriture, photographie, mise en page, promotion, relecture.) et un réseau qui au total comptabilise plus de 400 participants se monte.

La publication de l’oeil électrique diffusée nationalement dès le n°4, est ambitieuse : elle se base sur le principe que l’oeil électrique et les idées qui ont présidé à sa création doivent être présents sur tout le territoire, pas seulement dans les grandes villes et dans les librairies spécialisées.

Bientôt l’association se structure, et le magazine arrive tant bien que mal à perdurer. En 2001, l’association voit naître le projet Antenne, continuité logique de l’oeil électrique : il s’agit d’un espace de partage des savoirs, cette fois-ci envers des publics plus défavorisés : prison des femmes de Rennes, lycées techniques, quartiers, et la réalisation par ces derniers où les participants sont invités à réaliser un objet éditorial en bénéficiant des compétences acquises par les membres de l’oeil électrique.

Cependant, plusieurs éléments nous amènent à changer la donne pour l’avenir :

Le premier étant que le magazine n’est pas rentable. Il ne l’a d’ailleurs jamais été. Ceci ne signifie pas que nos actionnaires n’obtiennent pas assez de bénéfices ( !) mais tout simplement que le coût de l’oeil électrique est plus élevé que ce qu’il rapporte : nous perdons de l’argent à chaque parution. Nous n’avons pas réussi à augmenter suffisamment nos ventes, par manque d’argent donc par manque de promotion de notre part, peut-être par manque d’accessibilité du fond et de la forme, mais aussi parce que nous n’avons pas réussi à y voir clair dans les méandres de la distribution et de la vente de la presse. Les NMPP, distributeurs quasi monopolistiques de la presse en France ont un fonctionnement opaque et chaque action de leur part qui pourrait augmenter nos ventes est payante. Les magasins de presse quant à eux préfèrent mettre en avant les offres avec cassettes vidéos et les collections sur les voitures de pompiers à monter soi-même, ce qui laisse peu de place à la presse indépendante quelle qu’elle soit.

L’ouverture des pages du magazine à la publicité devait, elle aussi, rapporter de l’argent. Cependant quasiment aucun gros annonceur n’a voulu investir de l’argent dans l’oeil électrique. Nous sommes catalogués comme étant altermondialistes (antimondialistes, comme disent les agences de pub), et la réflexion proposée par la lecture du magazine allait à l’encontre de la consommation vantée par la pub - nous en avons eu des exemples très concrets lorsque nous avons fait des couvertures sur la mort ou sur les toilettes. C’est peut-être flatteur mais c’est une manne financière qui nous échappe. La presse magazine vit en effet généralement autant, voire plus, grâce à la publicité que grâce à ses ventes. Nous n’avons à ce sujet jamais vendu de couvertures, ni d’articles, ni de chroniques de disques ou de livres, en échange de publicités comme cela se fait dans nombre de magazines.

L’association a fait appel aux subventions pour fonctionner. Mais là aussi la donne a changé. Les subventions publiques ont largement diminué depuis les dernières élections. De plus, le non-renouvellement des emplois-jeunes (dont bénéficiait l’association) va diminuer le temps consacré aux tâches administratives (donc de gestion des propositions, de promotion, de comptabilité, de réponses aux mails des lecteurs, de la diffusion, des abonnements.), ce qui aboutit à une diminution des possibilités de l’ association.

Enfin, un épuisement des bénévoles au quotidien s’est fait sentir au fur et à mesure des années, le niveau d’implication de tous les participants n’étant pas le même. Et la petite dizaine de personnes sur qui repose le fonctionnement de base du magazine s’est usée en réunions de CA, de rédaction, de responsables de rubriques, d’AG, en relecture de dernière minute, en corrections, en re-corrections, etc... Avec hélas en face une participation de plus en plus intéressée de la part des nouveaux arrivants : envie de publier son article dans l’oeil électrique (parce que c’est une publication qui a acquis un certain crédit), sans volonté de participer d’avantage au fonctionnement, aux décisions, et au renouvellement de l’équipe.

C’est ainsi que nous avons pris récemment la décision d’arrêter l’oeil électrique avec le n°32.

Il reste donc encore un numéro à Noël 2003 (n°31), et un numéro final en février 2004 (n°32).

Nous tenions à vous prévenir le plus rapidement possible plutôt que de vous mettre devant le fait accompli, comme cela se passe souvent, afin aussi de vous préciser les raisons de l’arrêt du magazine.

Enfin, malgré l’arrêt de l’activité principale que constituait le magazine,une partie des membres de l’association Les éditions électriques a décidé de poursuivre les ateliers Antenne déjà mis en place ou à venir. Sur le plan éditorial, d’autres projets doivent voir le jour au cours de l’année 2004. Des livres sont prévus, qui seront pour certains associés à des débats ou des expositions. Enfin, pour continuer dans l’esprit du magazine tout en n’ ayant plus les mêmes contraintes liées à ce type de format, une revue est prévue dont la parution serait cette fois-ci annuelle. Ainsi, les éditions électriques ne perdent pas l’esprit qui était le leur lors de leur création, elles changent de supports et partent explorer d’autres voies éditoriales.

Nous comptons sur votre compréhension, et vous remercions d’avoir participé de près ou de loin à cette aventure que fut l’oeil électrique. Nous espérons également que vous avez pris autant de plaisir à le lire que nous tous à le faire. L’OEIL ELECTRIQUE

Voir site de l’oeil electrique