MÉDIAS TÉLÉ

Article paru dans l’édition du 15 novembre 2005.

Il en manquait un. Olivier Cyran et Mehdi Ba l’ont fait. L’Almanach critique des médias vient d’être publié aux éditions Les Arènes. Ils n’ont pas attendu l’affaire du RER D pour lancer ce livre qui reprend des articles de décryptage des médias. « Mais ce dérapage nous a confortés dans la nécessité de rassembler le travail critique déjà bien entamé par des associations comme Acrimed, Zalea Tv ou des journaux indépendants comme PLPL », explique l’éditeur Mehdi Ba. Épais, très illustré, presque « bordélique », selon les termes de ce dernier, l’Almanach se lit par tous les bouts, comme un journal. Des brèves, des citations, des entretiens, des articles et des contributions inédites sont répertoriés selon différents genres journalistiques (journalisme de faits divers, journalisme de connivence, journalisme d’auto-absolution...). Ainsi, des journalistes tels que Mona Cholet, Laurence Lacour, François Ruffin ou Jean-Baptiste Rivoire ont accepté d’y participer. Journaliste à Canal Plus, Jean-Baptiste Rivoire a enquêté sur les massacres en Algérie. En 2003, il a publié un livre intitulé Françalgérie. Crimes et mensonges d’État. Collaborer à cet Almanach était pour lui une évidence : « Il me semble normal de s’interroger sur le fonctionnement du milieu médiatique, en particulier parce qu’il a du pouvoir. L’exemple du traitement du référendum de la constitution était flagrant. La majorité des médias ont passé leur temps à nous dire ce qu’il fallait penser. Je paie la redevance comme tous les citoyens. Il est anormal que le service public ne soit pas davantage soumis à des règles de déontologie. Dans ces conditions, l’Almanach relève d’une démarche saine. » Laurence Lacour est ancienne journaliste à Europe 1. Elle a couvert l’affaire du petit Grégory Villemin et a assisté à la tempête médiatique et judiciaire qui s’est abattue autour de ce fait divers. Après avoir démissionné, elle écrit un livre, intitulé le Bûcher des innocents. Elle a répondu bien volontiers à l’entretien que lui a proposé l’Almanach. « Cette démarche satirique et gênante de remise en question du journalisme, j’y suis sensible. Les journaux indépendants, même s’ils sont parfois excessifs et caricaturaux, bousculent et font réfléchir. » Pour Laurence Lacour, ce qui a changé « en mieux » depuis vingt ans, en ce qui concerne le traitement des affaires judiciaires, c’est « une meilleure maîtrise par les journalistes du fonctionnement de la justice ». Aujourd’hui, les erreurs, qui ont des impacts aussi graves (le bagagiste de Roissy ou la fausse agression du RER D), proviennent, selon elle, « de la rapidité du traitement de l’information et de la tentation de rapporter un fait divers à un fait de société, comme s’il avait valeur d’exemplarité ». À l’origine de l’ouvrage, Olivier Cyran, journaliste indépendant, avait envie de « regrouper des auteurs très différents » pour élargir les points de vue. La démarche relève d’une volonté citoyenne de défendre le journalisme : « En ce sens, la critique des médias constitue (...) une contribution pour sauver ce qui peut l’être et l’encourager à ne pas se confondre avec ses avatars dominants. » Ixchel Delaporte