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En sirotant un bon Pernaut



Le Journal du Pays Basque

En sirotant un bon Pernaut

12 Avril 2005

Jouissif et jubilatoire, le "désentubage cathodique" proposé vendredi soir par le cinéma l’Atalante, dans le cadre d’une semaine sans télé, aura tenu ses promesses, dans une salle bondée, en permettant à chacun de communier son aversion profane des grand-messes télévisées. Grand ordonnateur de cette saine hérésie, qui malmène les cérémonies de journaux télévisés en proposant un décryptage salvateur, Pierre Carles était accompagné de Didier Inowlocki réalisateur de Zalea TV qui porte le projet d’une télé libre sur le modèle des radios du même nom. Mais au fil de ce documentaire collectif, fait de plusieurs courts-métrages, il ne s’agissait pas non plus de se gausser à moindre coût de la soupe quotidienne servie par Jean-Pierre Pernaut à 13h sur TF1, ni de prêcher pour une paroisse déjà acquise. Le commun des spectateurs de l’Atalante est déjà vacciné ou a déjà mis beaucoup d’eau dans son Pernaut.

Loin de glisser sur la pente savonneuse des "tous pourris", Pierre Carles et Didier Inowlocki entendaient plutôt montrer le "comment" et soumettre au débat public le "pourquoi". Entendu qu’on ne peut critiquer la télévision à la télévision, comme l’a montré le sociologue Pierre Bourdieu, objet du documentaire La sociologie est un sport de combat du même Pierre Carles, c’est dans le réseau des cinémas indépendants que cette réflexion est menée. Un genre d’Arrêt sur images enfin subversif, du nom de l’émission de Daniel Schneidermann également cible du courroux carlien dans Enfin pris.

Le sens des mots

En partant du principe, élémentaire en communication, que les mots ont un sens, les joyeux réalisateurs proposent de s’attarder au décryptage de ce qui par principe est éphémère, l’information quotidienne. Jean-Pierre Pernaut y tient l’un des rôles principaux, à juste titre si l’on considère que son journal télévisé trône en tête de l’audimat, avec 54% des parts de marché. Et c’est drôle de voir le présentateur vedette, journaliste dans l’idée commune, confronté à ses propres contradictions de langage. Un fol en christ qui vaticine à tour de bras, appuie son argumentation de tout son poids sur du vent jusqu’à dire tout et son contraire ou donner de fausses informations comme on s’en aperçoit après coup. De là l’intérêt de revenir sur le traitement de la "libération" des otages russes aux mains des Tchétchènes, ou sur cette affaire d’agression antisémite dans le RER dont la presse fit ses choux gras sans la moindre prudence et qui s’avéra imaginaire. On attend toujours un mea culpa. Jean-Pierre Pernaut ira au-delà de cette espérance en voyant dans cette fausse information "la preuve" qu’il y a un problème de violence dans le RER. Quant à la jeune femme mythomane à l’origine de ce vilain dérapage, elle expliquera avoir accusé la communauté maghrébine pour être crédible en s’inspirant de discours entendus à la télé. La boucle est bouclée.

Travail de journaliste

Au-delà des éclats de rires offusqués que suscite l’explication de texte des JT, c’est bien le travail de journaliste qui est pointé. En prélude au débat qui a suivi la projection dans ce sens, Pierre Carles avait déblayé le terrain en s’attardant sur le traitement de la candidature d’Alain Juppé à la mairie de Bordeaux par Sud Ouest et France 3 Aquitaine. Pris en flagrant délit de traitement avantageux du futur maire de la ville, les deux rédactions se renvoient mutuellement les patates chaudes. Et c’est bien là que le bât blesse. Les médias sont-ils capables d’autocritique ? Didier Inowlocki penche pour le non en revenant en images sur cette sombre affaire de "mobilisation" d’étudiants pour la prévention routière, étudiants qui n’étaient en fait que des acteurs payés pour mettre en scène cette "mobilisation", "faire des images" pour les télés et assister aux discours des ministres à 15 euros de l’heure. Dans les rushes pris par France 2, mais non diffusés ce jour là, certains de ces "étudiants mobilisés" répondent au journaliste qu’ils sont là pour de l’argent. Mais le reportage préférera donner la parole à ceux ou celles qui donnent le discours convenu sur les dangers de la route.

Erreur de communication

"Je n’étais pas là pour ça" se justifie le journaliste chargé du reportage. La télévision reviendra sur cette "erreur" imputée à une grosse entreprise de communication, sans plus d’explications et surtout sans aller chercher plus loin les causes de cette fausse information ni les mécanismes qui permettent encore de les diffuser. A l’Atalante, on évoquera la précarité du métier de journaliste, les conditions de travail qui se dégradent, jusqu’à cerner sans la nommer la réalité d’une mutation de la profession. Aux Etats-Unis, avec moins de complexes, un subtil glissement sémantique annonce déjà ces bouleversements. Au terme de "Journalist", se substitue peu à peu celui de "media worker", genre de technicien téléguidé par téléphone qui ramène les images, les textes ou les sons qu’on lui commande à distance.

Une information qui va à contresens, des rédactions au terrain, et impose un format dans lequel se plie le journaliste. Et lorsque la preuve par l’image est enfin faite que quelque chose ne tourne pas rond, alors oui, c’est jubilatoire et il devient du même coup évident qu’à défaut d’une critique de la télé à la télé, une télé libre peut contribuer à apporter une bouffée d’air critique.


Auteur(s) : Presse