Dossier : Les recours au Conseil d’Etat de Zalea Tv contre le CSA
Le dossier complet et commenté des recours déposés par Zalea Tv auprès du Conseil d’Etat contre le CSA, après que ce dernier ait refusé la télé associative sur la TNT (...)
Les trois motifs invoqués dans la lettre du CSA ( ci-jointe) sont erronés, fallacieux et malhonnêtes, comme nous le démontrons dans les documents ci-joints. L’audience concernant le référé-suspension a eu lieu le 25 Octobre dernier.. La décision est intervenue dans l’après-midi. Le référé a été rejeté. Tiens-donc...
Sommaire 1. Résumé
Lire aussi l’article de CQFD : Dissolution du CSA !
2. Rappel : La lettre de Dominique Baudis par laquelle le CSA a motivé son rejet de la candidature de Zalea Tv à la TNT nationale
3. Commentaires de Zalea Tv
4. Annexes : Les recours déposés par Zalea Tv et décision du juge.
Zalea Tv était candidate à la TNT nationale pour la deuxième fois et ça candidature a été rejetée. Lire les épisodes précédentes dans La TNT et Zalea Tv
Zalea TV a déposé le 4 octobre dernier un double recours en Conseil d’Etat contre le rejet par le CSA de sa candidature à la TNT nationale : un Référé-Suspension pour que ce rejet soit suspendu à titre conservatoire,
Le principal motif de ce Recours est le non-respect par le CSA de l’article 29 de la loi du 30 septembre 1986 modifiée (dite "Loi sur la liberté de la communicatiuon audiovisuelle"), dans la mesure où il n’a autorisé aucune chaîne associative ou se consacrant à la diffusion des programmes associatifs, ce qui prive de toutes possibilités de diffusion les programmes audiovisuels "citoyens", à but non-lucratif, non-marchands, non-formatés pour les chaînes commerciales et publico-commerciales, ceux du Tiers Secteur Audiovisuel (programmes des associations, des ONG, des vidéastes et cinéastes amateurs ou censurés, du monde de l’éducation populaire, etc...) : Extrait de l’Appel à Candidatures du CSA pour la TNT nationale, page 10 ( bientôt en ligne )
CRITÈRES DE SÉLECTION :
c) Sauvegarde du pluralisme des courants d’expression socioculturels.
L’article 29 de la loi du 30 septembre 1986 modifiée fait obligation au Conseil supérieur de l’audiovisuel de veiller à la sauvegarde du pluralisme des courants d’expression socioculturels. Plus généralement, le CSA sur son site web résume ainsi ses missions : Les critères d’appréciation du Conseil (CSA) pour l’ensemble de ses missions sont inscrits dans l’article 17-1 de la loi de 86 modifiée : respect du caractère pluraliste de l’expression des courants de pensée et d’opinion, sauvegarde de l’ordre public, exigences de service public, protection du jeune public, dignité de la personne humaine, qualité et diversité des programmes ; caractère objectif, équitable et non discriminatoire des conditions de la mise à disposition du public de l’offre de programmes ou des relations contractuelles entre un éditeur et un distributeur de services. Voir également l’argumentaire général de Zalea TV et les références aux textes de lois et de directives françaises et européennes dans : Le récapitulatif des étapes précedentes depuis la première candidature de Zalea Tv
Paris le 4 Août 2005 Monsieur le Président (de Zalea TV, Boris Perrin, NDLR) Au nom du service dénommé Zalea Tv, vous avez fait acte de candidature dans le cadre de l’appel lancé le 14 décembre 2004 pour l’édition de services de télévision à vocation nationale diffusés par voie hertzienne terrestre en mode numérique. J’ai l’honneur de vous notifier conformément aux dispositions du deuxième alinéa de l’article 32 de la loi n°86-1067 du 30 septembre 1986 modifiée et du point II-1-1 de l’appel aux candidatures ci-dessus rappelé, le rejet de votre candidature. Le Conseil Supérieur de l’Audiovisuel a arrêté sa décision en assemblée plénière du 19 juillet 2005 à l’issue d’un examen d’ensemble des demandes d’autorisation, en se fondant sur les éléments d’appréciation exposés ci-après. Le dossier de candidature de Zalea Tv évoque le recours à deux emprunts. Les courriers en dates des 5 et 7 avril 2005 adressés au Conseil du Crédit Mutuel, de France Active et de la Nef ne peuvent être considérés comme des engagements fermes de la part des prêteurs. (motif 1) Par ailleurs, le dossier comporte des incertitudes sur le mode de distribution du service (pas d’engagements de distributeurs) (motif 2)
et sur les conditions de cette distribution (le plan de financement mentionne une redevance par abonnés de 0,30 euros par mois en moyenne sur la période, prix très élevé pour ce type de service). (motif 3) Le financement du projet n’apparaît donc pas assuré, ce qui a conduit le Conseil à écarter la candidature de ZALEA Tv, sur le fondement des dispositions du 2° de l’article 29 de la loi du 30 septembre 1986 modifiée. Si vous l’estimez illégale, vous pouvez former devant le Conseil d’Etat un recours contre la présente décision dans le délai de deux mois à compter de sa notification. Je vous prie d’agréer, Monsieur le Président, l’expression de ma considération distinguées. Dominique Baudis
Président du CSA Zalea TV formule 3 objections principales à ces 3 motifs de rejet dans son recours au Conseil d’Etat : -1. Recour à des emprunts sans lettres d’engagements fermes : l’Appel à Candidatures du CSA indique explicitement que des lettres d’intention des organismes financeurs suffisent (page 19, point 6) : Chaque financement devra être décrit précisément et justifié, selon la source, par :
C’est exactement ce que nous avons fourni : des lettres d’intention de 3 organismes de financement adossés au Crédit Mutuel, au Crédit Coopératif (la NEF) et à la Caisse des Dépôts et Consignation (France Active). Le CSA face au Conseil d’Etat s’est obstiné à prétendre que par "lettre d’intention", il fallait en réalité entendre "lettre d’engagement". C’est absurde ! -2. Pas d’engagements de distributeurs commerciaux des chaînes payantes de la TNT : le décret permettant au CSA de désigner légalement ces distributeurs n’est toujours pas paru, le projet de décret a été transmis le 19 août 2005 au Conseil d’Etat pour validation avant publication :
et le CSA n’a rendu son avis sur ce projet de décret que le 11 juillet 2005 :
voir sur le site du CSA De plus, ce n’est que le 21 juin 2005 que le CSA a lancé la procédure lui permettant de recenser et d’agréer les distributeurs commerciaux de la TNT payante. Voir le site du CSA à ce sujet. Comment dans ces conditions nous reprocher de ne pas avoir de lettres d’engagement de distributeurs dans un Appel à Candidatures qui a été clos le 11 mars 2005 ? Par ailleurs, aucun distributeur ne pouvait se déclarer avant de savoir qu’elles allaient être les chaînes autorisées finalemenht en TNT payante, c’est à dire avant le terme de l’appel à candidatures en question. On ne peut pas dire qu’on va vendre quelque chose avant de savoir ce que sera cette chose !!!! Et, plus grave, au cas où des distributeurs potentiels, tels que TPS et Canal Satellite (qui sont par ailleurs les plus gros propriétaires de chaînes de la TNT via TF1 et Canal+), avaient dit qu’ils refuseraient de nous distribuer le cas échéant, est-ce que cela veut dire que ce sont eux et non pas le CSA qui in fine décident des chaînes qu’il faut ou ne faut pas autoriser en TNT ??? Qu’en est-il dans ces conditions du rôle réel du CSA dans sa défense du pluralisme ???? Le CSA face au Conseil d’Etat s’est obstiné a affirmer que si les distributeurs potentiels éventuels et non-déclarés ne s’engageaient pas par lettre à distribuer Zalea, il ne pouvait pas nous autoriser. C’est absurde, mais c’est surtout un terrible aveu d’inféodation totale aux intérêts des grands groupes privés. -3. Montant trop élevé de la redevance prévisionnelle par mois et par abonné reversée par le distributeur commercial à Zalea TV : cette moyenne évoquée par le CSA de 0,30 euros sur le 5 premières années n’a pas de sens, puisque la redevance prévisionnelle de Zalea est dégressive au fil de la croissance du nombre d’abonnés (elle ne sert qu’à payer les coûts techniques de diffusion hertzienne numérique) et descend déjà à 0,16 euros en année 5 pour continuer à décroitre ensuite jusqu’à un plancher d’environ 0,10 euros. Le "prix" de Zalea TV est donc très peu élevé par rapport aux tarifs habituellement pratiqués dans ce secteur, dont la moyenne est de 0,4 Euros par mois par abonné, ainsi que le CSA a fini par le reconnaître lui-même face au Conseil d’Etat. Et on ne voit pas à quoi fait référence le CSA quand il parle de "ce type de service", puisqu’aucune télévision associative un tant soit peu "alternative" à l’offre télévisuelle actuelle n’a jamais été autorisée par le CSA à diffuser de manière permanente par voie hertzienne en France. Par ailleurs, là encore, le CSA n’a pas à se laisser dicter ses choix par la défense préventive des intérêts commerciaux et financiers des distributeurs privés de la TNT. La fixation du montant de la redevance relève d’une négociation directe entre les éditeurs de chaînes et les distributeurs, et non pas des prérogatives du CSA. C’est seulement en cas de différend financier entre l’éditeur et le distributeur que le CSA pourra prochainement être amené à intervenir. Et ses critères d’appréciation seront alors les suivants, une fois de plus, selon ses propres mots : Les critères d’appréciation du Conseil, inscrits dans l’article 17-1 de la loi, sont les critères applicables pour l’ensemble de ses missions : respect du caractère pluraliste de l’expression des courants de pensée et d’opinion, sauvegarde de l’ordre public, exigences de service public, protection du jeune public, dignité de la personne humaine, qualité et diversité des programmes ; caractère objectif, équitable et non discriminatoire des conditions de la mise à disposition du public de l’offre de programmes ou des relations contractuelles entre un éditeur et un distributeur de services.
Voir texte intégral de l’Avis du CSA sur le projet de décret portant sur le réglement des différends Le CSA, dans sa défense face au Conseil d’Etat, a fini par reconnaitre que ce dernier motif était érroné, en faisant amende honorable. Dont acte. Finalement, compte tenu de l’extrême fragilité de ses arguments, la défense du CSA a été de dire : sur les 3 motifs invoqués, seul le premier (absence de lettre d’engagement des organismes financiers) est important, les deux autres sont subsidiaires. Ne restait plus qu’un seul argument, le premier, lui-même totalement fallacieux, comme nous l’avons démontré, puisqu’il revenait à modifier la règle du jeu de l’appel à candidatures après coup, ce qui relève quasiment du faux en écriture. Le CSA a alors essayé de démontrer que les emprunts constituaient le financement principal de Zalea TV, ce qui rendaient les engagements juridiques fermes des banques absolument nécessaires. Or c’est tout à fait faux, les emprunts ne représentent que 8% des recettes d’abonnements de la chaîne sur les 5 premières années de diffusion. Les emprunts sont donc marginaux et ne serve qu’à pallier un manque de trésorerie au démarrage. Voila pourquoi nous pensions que le Conseil d’Etat aurait la décence de ne pas rejeter notre requête au fond comme il l’a fait, en couvrant tous les mensonges et toutes les malversations du CSA au nom d’on ne sait quelle raison d’état, comme si nous étions une bande de dangereux terroriste. Nous allons maintenant attendre que le Conseil d’Etat rejette aussi notre requête en annulation (c’est comme si c’était déjà fait !). Nous aurons ainsi épuisé toutes les voies de recours en France, et nous pourrons attaquer le CSA devant la Cour de Justice de l’Union Européenne et la Cour Européenne des Droits de l’Homme. Mais tout cela prendra des années.... LE RÉFÉRE-SUSPENSION DEPOSE PAR ZALEA TV C O N S E I L D’ E T A T - SECTION DU CONTENTIEUX REQUETE ET MEMOIRE POUR : L’association ZALEA TV, dont le siège social est situé 47, rue d’Aubervilliers 75018 PARIS, représentée par son président en exercice S.C.P. H. MASSE-DESSEN et G. THOUVENIN CONTRE : Une décision du 19 juillet 2005 par laquelle le Conseil supérieur de l’audiovisuel a rejeté sa candidature pour l’édition de services de télévision à vocation nationale diffusés par voie hertzienne terrestre en mode numérique, ensemble et en tant que de besoin une décision du 4 août 2005 par laquelle le président du Conseil supérieur de l’audiovisuel lui notifiant ce rejet. 5. 0543 FAITS I. - Par décision du 14 décembre 2004 prise en application des dispositions de l’article 30-1 de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication, modifiée, le Conseil supérieur de l’audiovisuel a lancé un appel à candidatures pour l’édition de services de télévision à vocation nationale diffusés par voie hertzienne terrestre en mode numérique. Trente-cinq candidatures ont été définitivement retenues lors de la clôture, le 11 mars 2005, de l’appel à candidatures du 14 décembre 2004. Réuni en Assemblée Plénière le 9 mai 2005, le Conseil supérieur de l’audiovisuel a, par voie de communiqué de presse en date du 10 mai 2005, a annoncé avoir retenu quatre chaînes gratuites : BFM, chaîne d’information économique en continu ; Gulliver, chaîne pour la jeunesse ; IMCM, chaîne musicale, rebaptisée ensuite Europe 2 TV ; et I-Télé, chaîne d’information en continu et quatre chaînes payantes : Canal J (chaîne pour la jeunesse) ; Canal + Cinéma ; Canal + Sport ; et Planète (chaîne de documentaires). La candidature de l’exposante a ainsi été rejetée. Le Conseil supérieur de l’audiovisuel, réuni en Assemblée Plénière le 19 juillet 2005, a décidé d’autoriser les candidats suivants : quatre chaînes gratuites : BFM, chaîne d’information économique en continu ; Jeunesse TV, chaîne pour la jeunesse ; Europe 2 TV, chaîne musicale ; et I-Télé, chaîne d’information en continu et quatre chaînes payantes : Canal J (chaîne pour la jeunesse) ; Canal + Cinéma ; Canal + Sport ; et Planète (chaîne de documentaires). Cette décision de rejet de sa candidature a été notifiée à l’exposante par le président du Conseil le 4 août 2005, en application des dispositions de l’article 32 de la loi du 9 septembre 1986 modifiée. Telles sont les décisions dont l’exposante demande la suspension. *** DISCUSSION Sur l’urgence II. - Il est constant qu’il y a urgence à suspendre l’exécution d’une décision administrative lorsque celle-ci préjudicie de manière grave et immédiate à un intérêt public, à la situation du requérant ou aux intérêts qu’il entend défendre (cf. CE Sect. 19 janvier 2001 Confédération nationale des radios libres, Rec. 29), et une telle urgence découle de l’objet même et de la portée de la décision attaquée (CE 12 janvier 2001 Société L’Armement Pétrel, req. n° 228.967). III. - Tel est indubitablement le cas en l’espèce. D’une part, les décisions attaquées préjudicient à l’intérêt public en ce que leur exécution porterait atteinte au principe à valeur constitutionnelle de sauvegarde du pluralisme des courants d’expression socioculturels, dont découle la liberté de la communication audiovisuelle (article 11 de la Déclaration des droits de l’Homme et du citoyen ; C. Const. 18 septembre 1986 Liberté de communication, Rec. 141 ; 17 janvier 1989 Liberté de communication, Rec. 18 ; article 29 alinéa 6-4° de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication, modifiée). En effet, les quatre chaînes de télévision payantes autorisées à émettre sur le réseau de la télévision numérique terrestre dans le cadre de l’appel à candidatures du 14 décembre 2004 appartiennent toutes au groupe Canal +. D’autre part, les décisions attaquées préjudicient gravement à la situation financière de l’exposante, et mettent même en cause sa survie. En effet, le montant de son chiffre d’affaires, celui des subventions reçues et celui des apports en nature et en bénévolat sont directement liés aux autorisations de diffusion sur le câble et le satellite accordées par le Conseil supérieur de l’audiovisuel (cf. productions n° 2 et 3). Or il est constant que la gravité des conséquences de la décision attaquée sur les intérêts pécuniaires, financiers et patrimoniaux du requérant (CE Sect. 25 avril 2001 Ministre de l’économie, des finances et de l’industrie c/ SARL Janfin, Rec. 197, concl. Bachellier) justifie le prononcé d’une mesure de suspension provisoire d’exécution. Il en va de même de la perspective imminente de l’impossibilité de continuer à exercer son activité (cf. CE 13 juin 2001 Robinet, req. n° 233.478). C’est le cas en l’espèce, où c’est l’existence même de la requérante qui en jeu. Enfin, l’exécution des décisions attaquées serait difficilement réversible - ce qui est une autre composante de l’urgence (cf. CE 27 juillet 2001 Commune de Tulle c/ Consorts Dufour, Rec. 1115 ; 27 juillet 2001 Commune de Meudon, Rec. 1115) - voire quasiment irréversible pour l’exposante. En effet, aucun autre appel à candidatures n’est prévu pour l’attribution de nouvelles fréquences de télévision numérique terrestre. Il résulte de l’ensemble de ces développements que la condition d’urgence est remplie. Sur l’existence de moyens de nature à faire naître un doute sérieux sur la légalité des décisions attaquées IV. - Outre l’atteinte au principe à valeur constitutionnelle de sauvegarde du pluralisme des courants d’expression socioculturels, dont découle la liberté de la communication audiovisuelle, la requête au fond (cf. production n° 3) invoque un certain nombre de moyens, qui, tous, sont susceptibles d’entraîner l’annulation des décisions attaquées. En premier lieu, le président du Conseil supérieur de l’audiovisuel a statué en lieu et place du Conseil lui-même, qui avait seul compétence pour rejeter la candidature de l’exposante, d’où une incompétence de l’auteur de l’acte et une violation des article 30-1 alinéa 1er et 32 alinéa 2 de la loi n°86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication, modifiée. En deuxième lieu, les deux décisions attaquées ne comportent aucun motif relatif à la nécessité de mettre en œuvre et respecter, au cas présent, ce principe à valeur constitutionnel. En troisième lieu, elles sont entachées d’erreur de droit au regard des dispositions de l’article 29 de la loi du 30 septembre 1986 modifiée, et des dispositions de l’appel à candidatures du 14 décembre 2004 en ce qu’elles ont dénié à l’exposante la possibilité, pour justifier de la viabilité financière de son projet, des lettres d’intention d’un certain nombre d’établissements bancaires, alors que cela est expressément prévu par l’annexe 1, p. 4, point 6 de l’appel à candidatures. En quatrième lieu, les décisions attaquées sont entachées d’erreur de droit au regard des dispositions de l’article 30-2-IV de la loi du 30 septembre 1986 modifiée, en ce qu’elles ont opposé à l’exposante l’absence d’engagements fermes des distributeurs commerciaux pour la diffusion de ses programmes. En effet, le choix des distributeurs dépend d’un décret d’application des dispositions de l’article susvisé. Or, à la date où l’exposante a déposé sa candidature, ce décret n’était pas signé. A cela s’ajoute que ce n’est que le 21 juin 2005 que le Conseil supérieur de l’audiovisuel a ouvert la procédure de déclaration des distributeurs commerciaux de chaînes de télévision payantes. Dans ces conditions, les décisions attaquées ne pouvaient valablement opposer à l’exposante l’absence d’engagements de distributeurs commerciaux qui n’étaient pas encore connus à la date à laquelle l’appel à candidatures du 14 décembre 2004 a été clos, c’est-à-dire le 11 mars 2005. En cinquième lieu, les décisions attaquées sont entachées d’une insuffisance de motivation et de violation de la loi, puisqu’elles se réfèrent, sans plus de précisions, au type de service fourni par l’exposante quand la loi du 30 septembre 1986 modifiée fait référence aux « catégories de services » (diffusion nationale ou locale). Elles sont également entachées d’erreur de droit en ce qu’elles opposent à l’exposante une redevance trop élevée de 0,30 € par mois et par abonné en moyenne sur la période couvrant les cinq années du plan de financement de l’exposante, quand cette redevance est amenée à diminuer au fur et à mesure de l’augmentation du nombre d’abonnés, pour atteindre, à terme, un montant de 0,10 € par abonné. Il existe donc, en l’état de l’instruction, des moyens sérieux d’annulation, que la seconde condition mise à l’application des dispositions de l’article L 521-1 du Code de justice administrative est remplie. *
***
PAR CES MOTIFS et tous autres à produire, déduire ou suppléer, même d’office, l’exposante conclut qu’il plaise au Conseil d’Etat : SUSPENDRE l’exécution des décisions attaquées ; lui ALLOUER une somme de 3.500 € sur le fondement des dispositions de l’article L 761-1 du Code de justice administrative. Le tout avec toutes les conséquences de droit. PRODUCTIONS : 1. Tableau sur l’incidence des périodes d’autorisation de diffusion de ZALEA TV par le Conseil supérieur de l’audiovisuel sur la situation financière de l’exposante ; 2. Convention de diffusion sur le câble et le satellite du 3 août 2000 ; 3. Requête au fond. Société Civile Professionnelle
H. MASSE-DESSEN et G. THOUVENIN
Avocat au Conseil d’Etat RECOURS AU FOND EN ANNULATION C O N S E I L D’ E T A T -SECTION DU CONTENTIEUX REQUETE ET MEMOIRE POUR : L’association ZALEA TV, dont le siège social est situé 47, rue d’Aubervilliers 75018 PARIS, représentée par son président en exercice S.C.P. H. MASSE-DESSEN et G. THOUVENIN CONTRE : Une décision du 19 juillet 2005 par laquelle le Conseil supérieur de l’audiovisuel a rejeté sa candidature pour l’édition de services de télévision à vocation nationale diffusés par voie hertzienne terrestre en mode numérique, ensemble et en tant que de besoin une décision du 4 août 2005 par laquelle le président du Conseil supérieur de l’audiovisuel lui notifiant ce rejet. La requérante défère ces décisions à la censure du Conseil d’Etat en tous les chefs qui lui font grief par les moyens suivants 5. 0543 FAITS I. - Par décision du 14 décembre 2004 (production n° 1) prise en application des dispositions de l’article 30-1 de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication, modifiée, le Conseil supérieur de l’audiovisuel a lancé un appel à candidatures pour l’édition de services de télévision à vocation nationale diffusés par voie hertzienne terrestre en mode numérique. Trente-cinq candidatures ont été définitivement retenues lors de la clôture, le 11 mars 2005, de l’appel à candidatures du 14 décembre 2004 (production n° 2). Réuni en Assemblée Plénière le 9 mai 2005, le Conseil supérieur de l’audiovisuel a, par voie de communiqué de presse en date du 10 mai 2005 (production n° 3), a annoncé avoir retenu quatre chaînes gratuites : BFM, chaîne d’information économique en continu ; Gulliver, chaîne pour la jeunesse ; IMCM, chaîne musicale, rebaptisée ensuite Europe 2 TV ; et I-Télé, chaîne d’information en continu et quatre chaînes payantes : Canal J (chaîne pour la jeunesse) ; Canal + Cinéma ; Canal + Sport ; et Planète (chaîne de documentaires). La candidature de l’exposante a ainsi été rejetée. Le Conseil supérieur de l’audiovisuel, réuni en Assemblée Plénière le 19 juillet 2005 ( production n° 4), a décidé d’autoriser les candidats suivants : quatre chaînes gratuites : BFM, chaîne d’information économique en continu ; Jeunesse TV, chaîne pour la jeunesse ; Europe 2 TV, chaîne musicale ; et I-Télé, chaîne d’information en continu et quatre chaînes payantes : Canal J (chaîne pour la jeunesse) ; Canal + Cinéma ; Canal + Sport ; et Planète (chaîne de documentaires). Cette décision de rejet de sa candidature a été notifiée à l’exposante par le président du Conseil le 4 août 2005 (production n° 5), en application des dispositions de l’article 32 de la loi du 9 septembre 1986 modifiée. Ces deux décisions constituent les décisions attaquées. *
*** DISCUSSION II. - Selon les dispositions de l’article 30-1 alinéa 1er de la loi n°86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication, modifiée : « ... l’usage de la ressource radioélectrique pour la diffusion de tout service de télévision par voie hertzienne terrestre en mode numérique est autorisé par le Conseil supérieur de l’audiovisuel... ». Aux termes, cette fois, des dispositions de l’article 32 alinéa 2 de la loi n°86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication, modifiée : « Les autorisations [d’usage de la ressource radioélectrique pour la diffusion des services de télévision par voie hertzienne terrestre en mode numérique] sont motivées et notifiées aux candidats... ». Il résulte de ces deux textes que si rien ne fait obstacle à ce que le président du Conseil supérieur de l’audiovisuel notifie les refus d’autorisation de la ressource radioélectrique, en revanche, le rejet au fond des demandes d’autorisation relève de la compétence exclusive du Conseil lui-même. III. - Or en l’espèce, le président du Conseil supérieur de l’audiovisuel ne s’est pas borné à notifier la décision de celui-ci. Il ressort en effet du contenu de la lettre du 4 août 2005 que le président du Conseil supérieur de l’audiovisuel s’est attribué le pouvoir, qu’il ne détient pas, de rejeter la candidature de l’exposante à la diffusion d’une chaîne de télévision sur le réseau numérique terrestre. En effet, après avoir indiqué que « le Conseil supérieur de l’audiovisuel a arrêté sa décision en assemblée plénière du 19 juillet 2005, à l’issue d’un examen d’ensemble des demandes d’autorisation, en se fondant sur les éléments d’appréciation ci-après » et après avoir ainsi détaillé les motifs du rejet de la candidature de l’exposante, le président du Conseil supérieur de l’audiovisuel indique qu’un recours devant le Conseil d’Etat est possible dans un délai de deux mois à compter de la présente décision, c’est-à-dire la notification du 4 août 2005. Ainsi le président du Conseil supérieur de l’audiovisuel s’est-il approprié les motifs de la décision prise en Assemblée Plénière le 19 juillet 2005, pour substituer, ou à tout le moins ajouter, à celle-ci sa propre décision, en date du 4 août 2005. Si tel est le cas, la lettre du 4 août 2005 constitue une décision, comme telle entachée d’incompétence et d’une violation des textes précités et l’annulation s’imposera. IV. - L’article 29 alinéa 6 - 4° de la loi du 30 septembre 1986 modifiée impose au Conseil supérieur de l’audiovisuel, dans le choix des candidats à une chaîne de télévision numérique terrestre, de respecter le pluralisme des courants d’expression socioculturels. Les critères d’appréciation que le Conseil supérieur de l’audiovisuel doit mettre en œuvre sont inscrits à l’article 17-1 de la loi du 30 septembre 1986 modifiée : respect du caractère pluraliste de l’expression des courants de pensée et d’opinion, sauvegarde de l’ordre public, exigences de service public, protection du jeune public, dignité de la personne humaine, qualité et diversité des programmes ; caractère objectif, équitable et non discriminatoire des conditions de la mise à disposition du public de l’offre de programmes ou des relations contractuelles entre un éditeur et un distributeur de services. Or les décisions attaquées ne comportent aucun motif relatif à la nécessité de mettre en œuvre et respecter, au cas présent, ce principe à valeur constitutionnel. De ce chef, elles encourent donc l’annulation. V. - Au fond, les décisions attaquées sont ainsi motivées : « Le dossier de candidature de ZALEA TV évoque le recours à deux emprunts. Or les courriers en dates des 5 et 7 avril 2005 adressés au Conseil du Crédit Mutuel, de France Active et de la Nef ne peuvent être considérés comme des engagements fermes de la part des prêteurs. Par ailleurs, le dossier comporte des incertitudes sur le mode de distribution du service (pas d’engagements des distributeurs) et sur les conditions de cette distribution (le plan de financement mentionne une redevance par abonné de 0,30 € par mois en moyenne sur la période, prix très élevé pour ce type de service). Le financement du projet n’apparaît donc pas assuré, ce qui a conduit le Conseil à écarter la candidature de ZALEA TV, sur le fondement des dispositions du 2° de la loi du 30 septembre 1986 modifiée ». VI. - S’agissant, en premier lieu, du recours à l’emprunt, les deux décisions attaquées sont entachées d’erreur de droit. Selon, en effet, les dispositions de l’article 29 de la loi du 30 septembre 1986 modifiée, le Conseil supérieur de l’audiovisuel accorde les autorisations d’usage de la ressource radioélectrique en tenant compte du financement et des perspectives d’exploitation du service. L’appel à candidatures du 14 décembre 2004 a mis en œuvre ce texte, en demandant (annexe 1, p. 4, point 6) aux candidats de fournir, pour justifier du financement de leur projet, des « lettres d’engagement ou lettres d’intention d’établissements financiers en cas de recours à l’emprunt ». Or la seule lecture des lettres adressées à l’exposante les 5 et 7 avril 2005 (production n°6) démontre qu’il s’agit de lettres d’intention, conformément aux exigences posées par l’appel à candidatures. Aussi bien, en opposant à l’exposante l’absence de lettres d’engagement émanant des établissements financiers dont elle avait sollicité le concours, alors que des lettres d’intention suffisaient à attester de la viabilité économique et financière de son projet, les décisions attaquées sont clairement entachées d’erreur de droit et leur annulation est donc justifiée. VII. - Pour ce qui concerne, en deuxième lieu, la distribution du service de télévision de ZALEA TV, et s’agissant, tout d’abord, des prétendues incertitudes pesant sur le mode de distribution du service résultant de l’absence d’engagements des distributeurs, les décisions attaquées sont entachées d’erreur de droit au regard des dispositions de l’article 30-2-IV de la loi du 30 septembre 1986 modifiée, qui dispose : « La commercialisation auprès du public de programmes des éditeurs de services autorisés en application de l’article 30-1 est assurée par une société distincte des éditeurs. Cette société est regardée comme un distributeur de services au sens de l’article 2-1 et doit effectuer une déclaration préalable auprès du Conseil supérieur de l’audiovisuel. Cette déclaration comporte les éléments prévus par le décret mentionné au dernier alinéa du I de l’article 34 ». La déclaration visée par ce texte est présentée à partir d’un dossier dont la composition doit être précisée par décret. Or, d’une part, ce décret n’a toujours pas été signé. Le projet de décret a été soumis au Conseil supérieur de l’audiovisuel, qui n’a rendu son avis que le 11 juillet 2005 (production n° 7). Puis il a été transmis pour avis au Conseil d’Etat le 19 août 2005 seulement (production n° 8). D’autre part, ce n’est que le 21 juin 2005 que le Conseil supérieur de l’audiovisuel a ouvert la procédure de déclaration des distributeurs commerciaux de chaînes de télévision payantes (production n° 9). Dans ces conditions, les décisions attaquées ne pouvaient valablement opposer à l’exposante l’absence d’engagements de distributeurs commerciaux qui n’étaient pas connus à la date à laquelle l’appel à candidatures du 14 décembre 2004 a été clos, c’est-à-dire le 11 mars 2005. L’annulation s’impose encore de ces chefs. VIII. - S’agissant, ensuite, des conditions de cette distribution, les décisions attaquées sont insuffisamment motivées et entachées d’une violation de la loi. Elles font en effet référence au plan de financement, qui mentionne une redevance par abonnés de 0,30 € par mois en moyenne sur la période des cinq premières années seulement, seule période pour laquelle ces informations étaient demandées par l’appel à candidatures du Conseil supérieur de l’audiovisuel (annexe 1 de l’appel à candidatures du 14 décembre 2004, p. 4, point 6), pour en déduire que ce prix très élevé pour ce type de service. Mais ces décisions n’indiquent pas ce qu’il faut entendre par « type de service », alors que l’article 30-I de 1a loi du 30 septembre 1986 ne mentionne que les « catégories de services » (diffusion nationale ou locale). Et, en tout état de cause, ces décisions sont entachées d’erreur de droit, car la moyenne de 0,30 € sur les seules cinq premières années du plan de financement demandées par le Conseil supérieur de l’audiovisuel (production n° 10) n’a pas de sens. En effet, cette redevance diminue d’année en année au fur et à mesure de l’augmentation du nombre d’abonnés, pour atteindre, en année 5, un montant de 0,17 € par mois par abonné, puis, au-delà de l’année 5 et par extrapolation, un montant de l’ordre de 0,10 € par mois par abonné. IX. - En effet, il ressort du communiqué de presse du 9 mai 2005 et des décisions attaquées que les quatre chaînes de télévision payantes autorisées à émettre sur le réseau de la télévision numérique terrestre dans le cadre de l’appel à candidatures du 14 décembre 2004 appartiennent au groupe Canal + pour trois d’entre elles et au groupe Lagardère pour la quatrième (Canal J), groupe qui est étroitement lié au groupe Canal + et de ses filiales pour ce qui est de l’édition et de la distribution de chaînes de télévision. Ce choix est indubitablement contraire au principe à valeur constitutionnelle de sauvegarde du pluralisme des courants d’expression socioculturels, dont découle la liberté de la communication audiovisuelle (article 11 de la Déclaration des droits de l’Homme et du citoyen ; C. Const. 18 septembre 1986 Liberté de communication, Rec. 141 ; 17 janvier 1989 Liberté de communication, Rec. 18 ; article 29-4° de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication, modifiée). Ainsi l’annulation s’impose-t-elle de ce dernier chef et à tous égards. *** PAR CES MOTIFS et tous autres à produire, déduire ou suppléer, même d’office, l’exposante conclut qu’il plaise au Conseil d’Etat : ANNULER les décisions attaquées ; lui ALLOUER une somme de 3.500 € sur le fondement des dispositions de l’article L 761-1 du Code de justice administrative. Le tout avec toutes les conséquences de droit. PRODUCTIONS : 1. Appel à candidatures du 14 décembre 2004 ; 2. Communiqué de presse relatif à l’acte de clôture de l’appel à candidatures du 11 mars 2005 ; 3. Communiqué de presse en date du 10 mai 2005 ; 4. Communiqué de presse relatif à la décision du 19 juillet 2005 ; 5. Décision du 4 août 2005 ; 6. Lettres adressées à l’exposante les 5 et 7 avril 2005 par les organismes de crédit France Active, la Nef et Crédit Mutuel ; 7. Avis du Conseil supérieur de l’audiovisuel du 11 juillet 2005 sur le projet de décret visé à l’article 30-2-IV de la loi du 30 septembre 1986 modifiée ; 8. Transmission du projet de décret au Conseil d’Etat le 19 août 2005 ; 9. Lancement de la procédure de déclaration des distributeurs commerciaux de chaînes de télévision payantes par le Conseil supérieur de l’audiovisuel le 21 juin 2005 ; 10. Plan de financement de l’exposante. Société Civile Professionnelle
H. MASSE-DESSEN et G. THOUVENIN
Avocat au Conseil d’Etat A ce stade de la procédure, le CSA s’est défendu (ces documents ne sont pas encore disponibles en ligne) et Zalea Tv réplique avant l’audition du 25 Octobre 2005 REPONSE EN MEMOIRE EN DEFENSE DU CSA REFERE-SUSPENSION -C O N S E I L D’ E T A T -SECTION DU CONTENTIEUX REPLIQUE POUR : L’association ZALEA TV S.C.P. H. MASSE-DESSEN et G. THOUVENIN CONTRE : Le Conseil Supérieur de l’Audiovisuel Sur la requête n° 285 750 5. 0543 Le mémoire en réplique déposé le 20 octobre par le CSA appelle quelques précisions. Sans rien retirer à ses précédentes observations, entièrement confirmées, ZALEA TV soulignera quelques points qui paraissent essentiels à la solution du présent litige. I SUR L’URGENCE I-1 Sur l’atteinte à un intérêt public Le CSA ne peut contester que les chaînes payantes autorisées dépendent, pour 3 d’entre elles du groupe CANAL + et pour la quatrième du groupe LAGARDERE, dont les liens avec le premier ont été soulignés, en sorte qu’il n’existe aucun pluralisme. Aussi soutient-il qu’il faut se référer à l’ensemble des chaînes déjà autorisées. Mais même à le suivre sur ce terrain, force est de constater qu’il n’existe encore aucun pluralisme : Aucune chaîne associative, ou consacrée à la diffusion des programmes associatifs n’a été autorisée, ni dans le cadre du précédent appel à candidatures ni dans le cadre de celui-ci, aucune chaîne commerciale ou de service public ne s’y consacre non plus, et ceci conduisant à l’exclusion de tout le secteur associatif, l’intérêt public est certes mis en cause. ZALEA TV étant la seule chaîne associative nationale candidate à la TNT qui soit déjà expérimentée, la seule déjà autorisée par le CSA à diffuser sur le câble et par satellite (depuis août 2000), la seule déjà autorisée deux fois par le CSA à diffuser temporairement par voie hertzienne en région parisienne, la seule qui était déjà candidate au premier appel à candidatures du CSA pour la TNT nationale (ZALEA avait d’ailleurs veillée à corriger les faiblesses de son premier dossier de candidature qui avaient motivé son rejet par le CSA), elle avait une légitimité certaine à devenir LA chaîne associative de la TNT, et objectivement une grande chance de le devenir, puisqu’il paraissait impensable qu’il n’y ait aucune chaîne associative sur les 22 chaînes privées autorisées par le CSA I - 2 Sur l’atteinte à la situation de ZALEA TV I-2-1 Sur la date de dépôt du recours En premier lieu, le CSA soutient qu’il n’y aurait pas urgence en raison de la date du dépôt de la requête. L’exposante, qui souligne au demeurant que la décision ne lui a pas été notifiée par une lettre reçue le 5 août mais le 16, répondra que sa situation au regard du renouvellement par le CSA de son autorisation de diffusion par satellite et par câble n’étant pas, avant fin septembre, réglée, elle a été obligée d’agir avec prudence, quelle que soit l’urgence. De plus, réunir les éléments comptables nécessitait un certain délai, qui a été utilisé pour déposer un recours motivé. I-2-2 Sur la situation financière de ZALEA TV Le CSA soutient que la requérante se fonderait sur le risque de mise en cause de sa survie en raison du fait que le montant de son chiffre d’affaires, des subventions reçus, et des apports en nature et en bénévolat seraient liés aux autorisations de diffusion temporaires par voie hertzienne locale, sur le câble et par satellite, alors qu’il ne s’agirait pas en l’espèce de telles autorisations, mais d’un service national de TNT. L’objection est inopérante. Certes, l’exposante n’est-elle pas en mesure de produire des chiffres relatifs à l’exploitation d’un service national de TNT pour lequel, précisément, elle n’a pas reçu l’autorisation nécessaire. Mais elle a justement démontré non par des extrapolations sur une activité qui n’a pas encore existé, mais par l’analyse de son activité réelle, même différente, que les recettes qu’elle perçoit, et son équilibre financier sont, s’agissant d’une télévision associative, directement liées à l’existence de sa diffusion hertzienne. Elle a ainsi montré que seule une autorisation d’émettre de manière permanente permettrait d’atteindre l’équilibre, et de remplir la mission qui est la sienne, de diffuser des programmes associatifs, non diffusés par ailleurs. Ce n’est donc qu’en faisant une analyse erronée du moyen que le CSA y répond. Or force est de constater que, sur la base des chiffres disponibles, le danger pour la survie de la requérante est démontré. Aussi le CSA soutient-il, par ailleurs, qu’en toute hypothèse, le refus d’autorisation ne porterait pas atteinte aux intérêts collectifs défendus par la personne morale ZALEA TV, au regard des buts de cette association, ce refus ne l’empêchant pas de remplir ses objectifs statutaires, alors qu’elle a déjà eu des activités et des recettes. En premier lieu, une telle objection ne manque pas d’étonner : on imagine mal comment une personne morale, surtout associative, pourrait prétendre à une autorisation si elle n’avait aucune activité, comme il sera démontré ci dessous, à l’occasion de l’examen des moyens, et si l’autorisation demandée devait être le support de sa première et exclusive activité. Mais surtout, il est exclu qu’une nouvelle chaîne nationale hertzienne puisse atteindre le grand public autrement que par la TNT nationale, en sorte que le rejet de la candidature de ZALEA TV porte atteinte à son existence même. Or, contrairement à ce que semble soutenir le CSA, ZALEA TV est une chaîne de télévision, et n’a que ce but. En témoignent les éléments suivants : Le nom de l’association, dont le sigle ZALEA TV, est : Télévision d’Action pour la Liberté d’Expression.
Les objections ainsi soulevées par le CSA laissent entière la démonstration faite par l’exposante : la décision attaquée met en péril sa survie même. I-2-3 Sur le caractère irréversible de la décision, et l’absence d’appel à candidatures pour de nouvelles fréquences A cet égard encore, l’argumentation du CSA s’avère inopérante et/ou mal fondée. Il est tout d’abord parfaitement inopérant d’alléguer l’éventualité de nouvelles autorisations en Ile de France, alors que le débat porte sur une autorisation nationale, les explications du CSA confirmant à cet égard que la situation est bien irréversible. Car, pour le surplus, et le contraire n’est nullement démontré, ni démontrable, aucune décision du CSA n’indique que de nouveaux appels à candidatures soient envisagés et encore moins décidés pour de nouvelles chaînes de télévision nationales en TNT. Au contraire, le CSA vient d’autoriser des expérimentations à grande échelle utilisant les ressources hertziennes résiduelles en TNT pour la diffusion de programmes audiovisuels à destination des téléphones portables. Ces programmes sont actuellement édités et diffusés par les chaînes déjà autorisées par le CSA (numérique ou analogique) ainsi que par les opérateurs de téléphonie mobile ainsi qu’en fait foi la décision du CSA réuni en assemblée plénière le 13 septembre 2005, (production : communiqué de presse du CSA, consultable sur son site : (http://www.csa.fr/actualite/communiques/communiques_detail.php ?id=30238 ). Le CSA s’oriente donc très concrètement vers l’autorisation en TNT, sur la capacité hertzienne résiduelle, de déclinaisons des chaînes existantes à destination des téléphones portables, et non pas vers de nouvelles chaînes nationales. En tout état de cause, ZALEA TV n’est pas une chaîne destinée à être regardée exclusivement sur des téléphones portables mais sur des téléviseurs, comme toutes les autres chaînes nationales. En l’état actuel des choses, ZALEA TV peut donc soutenir, sans qu’aucun engagement ni aucun acte du CSA ne vienne la démentir, que "l’exécution de la décision attaquée présente un caractère irréversible" A tous égards, donc la première condition de la suspension est remplie II SUR LE SERIEUX DES MOYENS SOULEVES II-1 SUR LA LEGALITE EXTERNE L’exposante s’en réfère à ses précédentes observations, non sérieusement discutées. S’agissant particulièrement de l’insuffisance de motivation, le CSA avance qu’il n’y aurait pas eu lieu, dès lors que la décision est fondée sur le critère du financement, de motiver la décision sur les autres critères, notamment le principe du pluralisme. Mais on rappellera que le critère du pluralisme est l’un des impératifs prioritaires fixés par la loi, et que, par conséquent, il doit être pris en compte, notamment dans l’appréciation de la viabilité comparée des projets soumis.
Il avance encore qu’il n’y avait pas lieu, dans la sauvegarde du pluralisme, d’accorder une priorité particulière aux projets associatifs. On reviendra sur cette affirmation erronée dans la discussion de la légalité externe de la décision. Mais à ce stade, elle démontre que le CSA ne s’est pas suffisamment expliqué sur le critère de pluralisme dans la décision déférée. Quant à la référence au seul type de service plutôt qu’à la catégorie de service, l’exposante étant une chaîne associative citoyenne de proximité, force est de constater que le CSA n’a aucunement motivé sa décision à cet égard. II-2 SUR LA LEGALITE INTERNE II-2-1 Sur le pluralisme On ne manquera pas d’observer que le CSA n’examine pas à ce stade la violation du principe de pluralisme, que sa décision était tenue de respecter. On a déjà démontré que la sauvegarde du pluralisme est l’un des objectifs essentiels de la loi, et que cet objectif est violé par la décision attaquée qui n’accorde aucune autorisation à une télévision associative, ou diffusant des programmes associatifs (cf. supra) Mais les observations du CSA concernant la régularité externe de la décision démontrent au demeurant qu’à cet égard, la décision est entachée d’erreur de droit. Le CSA affirme en effet qu’aucune disposition ne lui imposait de sauvegarder le pluralisme en accordant une priorité particulière aux projets associatifs accomplissant une mission à dimension sociale ou citoyenne. Or, la loi est ainsi libellée : Article 30-1 (relatif à l’autorisation des chaînes de la TNT) - Partie III - alinéa 3 :
« Le Conseil accorde les autres autorisations d’usage de la ressource radioélectrique en appréciant l’intérêt de chaque projet pour le public au regard des impératifs prioritaires et des critères mentionnés aux articles 29 et 30... ». Il faut à cet égard préciser que par « autres autorisations », cet article fait références aux autres chaînes que celles déjà existantes et déjà diffusées par voie hertzienne, en mode analogique donc, comme l’indique les deux alinéas précédents. Article 29 - alinéa 5 et avant dernier alinéa
« Le conseil accorde les autorisations en appréciant l’intérêt de chaque projet pour le public, au regard des impératifs prioritaires que sont la sauvegarde du pluralisme des courants d’expression socioculturels, la diversification des opérateurs, et la nécessité d’éviter les abus de position dominante ainsi que les pratiques entravant le libre exercice de la concurrence. Le Conseil supérieur de l’audiovisuel veille, sur l’ensemble du territoire, à ce qu’une part suffisante des ressources en fréquences soit attribuée aux services édités par une association et accomplissant une mission de communication sociale de proximité, entendue comme le fait de favoriser les échanges entre les groupes sociaux et culturels, l’expression des différents courants socioculturels, le soutien au développement local, la protection de l’environnement ou la lutte contre l’exclusion ». De ces principes, il n’a été tenu aucun compte, de l’aveu même du CSA, et le moyen soulevé est donc sérieux. II-2-2 Sur les garanties financières et particulièrement les lettres d’intention Le CSA rappelle dans ses observations que leur insuffisance est l’élément principal de sa décision, les incertitudes relatives aux modalités et conditions de distribution n’étant que subsidiaires. Il a antérieurement indiqué que c’est en raison de ce critère qu’il s’est cru dispensé d’examiner les critères de pluralisme. L’examen de ce motif est donc essentiel. Or, sur ce point, la défense confirme l’erreur de droit, et l’erreur d’appréciation commises. En premier lieu, en effet, il faut souligner que l’annexe 1 à la décision du 14 décembre 2004 organisant l’appel de candidature, et qui fixait le modèle de dossier de candidature demandait, à sa page 4, non pas une lettre d’engagement ferme mais des « lettres d’engagement ou lettres d’intention des établissements financiers en cas de recours à l’emprunt ». N’était donc nullement exigé un engagement ferme. Une lettre d’intention, en effet, n’est pas un engagement ferme, comme l’indique ce document lui-même. Elle doit seulement indiquer l’intention de l’établissement bancaire de donner suite à un projet, s’il se concrétise. Dès lors, le CSA ne pouvait, sans erreur de droit, exclure ZALEA TV pour avoir produit des lettres d’intention, comme il était expressément prévu dans cet appel de candidatures. Les explications du CSA qui se fonde sur l’absence d’engagements fermes des établissements de crédit, et démontrent que tel a été le critère retenu ( « Au regard de ces éléments, il n’est pas douteux que ces trois lettres ne renferment aucune obligation juridique et relèvent plus d’un simple engagement moral à l’égard de l’association »). sont l’aveu qu’il n’a pas été tenu compte de la règle qu’il avait lui-même énoncée en sorte que la décision est irrégulière. Au demeurant, les lettres produites sont très exactement des lettres d’intention, qui ne sont nullement conditionnelles, mais libellées comme il est d’usage en la matière. Un tel engagement, émanant des établissements en cause ne se limite nullement à un engagement moral. En le soutenant, pour tenter d’éviter l’illégalité ainsi commise, le CSA les dénature. D’autre part, et surtout, il est inexact de soutenir que ces emprunts auraient été déterminants pour le financement du projet : En effet, les emprunts prévus sont de 0,9 ME (millions d’Euros) en année 1 et 2 alors que les recettes propres de la chaîne (hors emprunts donc) sont de :
année 1 : 1,43 ME
année 2 : 3,84 ME
année 3 : 5,5 ME
année 4 : 5,52 ME
année 5 : 4,60 ME
(voir la partie "Comptes de résultats prévisionnels" du dossier de candidature de ZALEA TV) Sur la période de 5 ans prise en compte par le CSA, les emprunts ne représentent ainsi que 8,6% du chiffre d’affaire de la chaîne, et ils sont intégralement remboursés dès la fin de l’année 3. Ces emprunts sont donc seulement destinés à pallier un problème de trésorerie au lancement de la chaîne, mais nullement à faire face à un problème de déficit structurel. Le projet est financièrement viable en lui-même. Ainsi, le modèle économique de ZALEA TV est viable car il repose principalement sur les recettes de l’abonnement et non pas sur des emprunts. Le taux d’endettement de ZALEA TV durant ses 3 premiers exercices est mineur au regard de son chiffre d’affaires et des perspectives évidentes de développement commercial de la TNT. Telle est au demeurant la raison des engagements non ambigus pris pour des montants peu importants, par les gros organismes de financement adossés à de grandes banques et à la Caisse des Dépôts et Consignation, parfaitement au courant de l’objet de la demande, et de la procédure en cours devant le CSA, qui exclut qu’ils se soient engagés à la légère. Ainsi, d’une part, en affirmant que les emprunts étaient déterminants pour la viabilité du projet, d’autre part que les organismes n’étaient pas engagés, le CSA a commis une erreur d’appréciation et une erreur de droit, qui, cette appréciation étant de son propre aveu, le motif essentiel de la décision critiquée, expose sa décision à la censure. Il existe en tout cas, à cet égard, un doute très sérieux sur sa légalité. II-2-3- Sur l’engagement des distributeurs commerciaux Le CSA doit admettre que l’exigence posée à cet égard était impossible à réaliser, en l’absence de publication du décret nécessaire Au demeurant, au moment de l’appel à candidatures du CSA, aucun "distributeur commercial potentiel" ne s’était publiquement et officiellement déclaré comme tel. La raison évidente en était la suivante : ils attendaient de savoir quelles chaînes allaient être autorisées par le CSA au terme de cet appel à candidatures pour savoir s’il serait intéressant d’en être les distributeurs commerciaux. Aucun commerçant ne peut dire s’il va vendre quelque chose avant de savoir ce dont il s’agit. Il était donc impossible d’obtenir et à fortiori de fournir au CSA des éléments tangibles "sur l’état des négociations engagées pour la commercialisation de son projet de service payant". L’utilisation de ce critère revenait non seulement à poser une exigence impossible, mais surtout, il conduisait à donner nécessairement la préférence aux chaînes liées à des distributeurs potentiels, seules en mesure de disposer d’engagements précis et fermes. Et tel a bien été le cas puisque sur les 11 chaînes payantes autorisées par le CSA, 4 appartiennent au distributeur potentiel Canal+ - Canal Satellite (Canal+, Canal+ Cinéma, Cana+ Sport, Planète) et 4 appartiennent au distributeur potentiel TF1 - TPS (Eurosport, LCI, TPS Star, TF6). En sorte que le refus ne pouvait être légalement fondé sur ce critère, impossible et de nature à entraver la libre candidature et le principe de pluralisme, et à défavoriser les candidats indépendants et/ou associatifs. II-2-3- Sur et le montant de la redevance par abonné. Les mêmes observations peuvent être faites quant au montant de la redevance mensuelle. Pour ce qui concerne l’exposante, pour les raisons ci-dessus exposées, elle n’a pu se fonder que sur des échanges informels avec les distributeurs potentiels officieux qui lui ont simplement permis de faire figurer des montants de redevance crédibles et conformes aux pratiques en vigueur sur le marché de la télévision payante dans son étude budgétaire, ce que le CSA confirme d’ailleurs dans la partie 2.2.3 de son mémoire en défense Ainsi, le montant de la redevance constituait nécessairement une supputation et ne pouvait servir légalement de critère. Au demeurant, il résulte des observations du CSA qu’il a pris en compte ce critère de manière erronée en droit et en fait. EN effet, à cet égard, rien ne permettait au CSA, parlant en lieu et place des futurs distributeurs commerciaux de la TNT, de défendre préventivement l’intérêt commercial évident qu’ils auraient à rémunérer une chaîne associative et citoyenne comme ZALEA TV moins cher que des chaînes commerciales dont ils sont souvent propriétaires : de telles pratiques discriminatoires, fondées sur une négation du principe d’égalité de traitement entre chaînes commerciales et chaînes associatives, seraient totalement contraires à la loi de 1986 modifiée, où chaînes associatives et chaînes privées commerciales sont toujours traitées sur un pied d’égalité de droits. De surcroît, ses supputations sont privées de fondement : le CSA indique que la grille de programme de ZALEA est peu coûteuse : en effet, une chaîne associative fonctionne sur le principe du bénévolat, de l’engagement désintéressé et de la gratuité des programmes non-marchands (associatifs)., C’est la diffusion nationale qui est coûteuse, et c’est pourquoi ZALEA demandait de manière réaliste aux distributeurs de la rémunérer de manière à couvrir ces coûts de diffusion, mais pas plus. Et à ce sujet, le CSA convient que les chaînes payantes perçoivent en moyenne 0,4 Euros par mois par abonné. ZALEA TV ne demandait que 0,3 E en moyenne sur les 5 premières années, et comme sa redevance est dégressive au fil des ans, cette moyenne baissait encore si on la calcule sur 6 ans (0,25), puis sur 7 ans (0,20), etc... De fait, la redevance envisagée par ZALEA était bien inférieure à la moyenne du marché. Il était donc clair que ZALEA TV avait anticipé la conclusion du CSA (dernier alinéa) : "il est très improbable qu’un distributeur TNT accepte de pratiquer à l’égard de ZALEA TV un taux de redevance à la hauteur de celui accordé à des chaînes plus connues et structurées". Précisément, ZALEA TV avait prétendu à moins... ce qui ne saurait lui être reproché. Le montant de la redevance ne pouvait donc légalement être pris en compte, et ne pouvait sans erreur être considéré comme trop élevé. II-2-4- Conscient, sans doute, de l’illégalité de la prise en compte des deux critères du montant de la redevance et des engagements des distributeurs, le CSA tente d’objecter que le motif tiré de l’insuffisance du dossier de ZALEA à cet égard serait un motif purement subsidiaire. Or rien de tel ne résulte de la décision attaquée, selon laquelle le refus est fondé sur l’analyse des lettres d’engagement et "par ailleurs" sur cette incertitude. Si les mots "par ailleurs" ont un sens, ils signifient qu’il s’agit non d’un critère subsidiaire, mais bien cumulatif, « pour une autre raison », selon le dictionnaire ROBERT. Or rien ne permet d’admettre que le seul critère de la prétendue insuffisance des lettres d’engagement auraient suffi à justifier la décision attaquée, et à permettre de ne pas tenir compte de la nécessaire pluralité. Il peut donc être sérieusement soutenu que la décision attaquée est illégale. Ainsi le second critère nécessaire à la suspension de la décision attaquée est-il parfaitement rempli et il sera fait droit à la requête de l’exposante. *
***
PAR CES MOTIFS et tous autres à produire, déduire ou suppléer, même d’office, l’exposante persiste dans ses précédentes conclusions. : PRODUCTION : Communiqué du CSA du 13 septembre 2005 Société Civile Professionnelle
H. MASSE-DESSEN et G. THOUVENIN
Avocat au Conseil d’Etat RÉFÉRE-SUSPENSION C O N S E I L D’ E T A T - SECTION DU CONTENTIEUX DECISION DU JUGE DES REFERES RÉPUBLIQUE
FRANÇAISE CONSEIL D’ETAT
Statuant
au contentieux N° 285750 Association ZALEA TV Ordonnance du 25 octobre 2005 AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS LE JUGE DES REPÉRÉS Vu la requête, enregistrée le 4 octobre 2005 au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat présentée pour l’association ZALEA TV, dont le siège est 47, rue d’Aubervilliers à Paris (75018), représentée par son président en exercice ; l’association ZALEA TV demande au juge des référés du Conseil d’Etat, sur le fondement de l’article L 521,1 du code de justice administrative : 1°) de suspendre la décision du 19 juillet 2005 par laquelle le Conseil supérieur de l’audiovisuel (CSA) a rejeté sa candidature pour l’édition de services de télévision à vocation nationale diffusés par voie hertzienne terrestre en mode numérique ; 2°) de mettre à la charge de l’Etat la somme de 3 500 euros au titre de l’article L. 7614 du code de justice administrative ; L’association soutient qu’il y a urgence : que les quatre chaînes de télévision payantes autorisées à émettre sur le réseau de la télévision numérique terrestre (TNT) dans le cadre de l’appel â candidatures lancé par le CSA le 14 décembre 2004 appartiennent toutes au groupe Canal + ; que l’intérêt public tenant à la sauvegarde du pluralisme des courants d’expression socioculturels commande donc la suspension de la décision attaquée ; qu’en outre, la mesure contestée préjudicie de manière grave et immédiate à la situation financière de l’association dont le chiffre d’affaires, les subventions, les apports en nature et les recettes de bénévolat sont directement liés aux autorisations de diffusion accordées par le CSA ; que le préjudice consécutif au refus contesté est irréversible dans la mesure où il n’est pas prévu d’autre appel à candidatures pour l’attribution de nouvelles fréquences de TNT ; que plusieurs moyens sont, en l’état de l’instruction, de nature à créer un doute sérieux quant â la légalité de la décision litigieuse ; que le président du CSA n’est pas compétent pour prendre une telle mesure qui relève du Conseil en formation collégiale ; que la décision attaquée est insuffisamment motivée en ce qu’elle ne comporte aucun motif relatif à la nécessité de mettre en oeuvre le principe constitutionnel de pluralisme des courants d’expression socioculturels et en ce qu’elle se réfère au type de service fourni par l’association et non aux « catégories » de services ; qu’elle est contraire au principe du pluralisme des courants d’expression socioculturels ; qu’elle a dénié à la requérante la possibilité, prévu par la loi du 30 septembre 1986 et par l’appel à candidatures, de présenter les lettres d’intention d’un certain nombre d’établissements bancaires pour justifier de sa viabilité financière ; qu’elle a opposé â la requérante l’absence d’engagement de distributeurs commerciaux pour la diffusion de ses programmes alors que, d’une part, le choix de distributeurs dépendait d’un décret d’application non encore entré en vigueur à la date du dépôt des candidatures et que, d’autre part, le CSA n’a ouvert la procédure de déclaration des distributeurs commerciaux de chaînes de télévisions payantes que le 21 juin 2005 ; qu’elle repose sur une surévaluation du montant moyen de redevance mensuelle par abonné ; Vu la décision dont la suspension est demandée ;
Vu la copie de la requête 4 fin d’annulation présentée à l’encontre de cette décision ; Vu le mémoire en défense enregistré le 20 octobre 2005, présenté par le
Conseil supérieur de l’audiovisuel, représenté par son président. qui tend au rejet de la requête ; il soutient qu’il n’y a pas urgence ; qu’en effet, aucun intérêt public ne commande la suspension de la décision contestée ; que toutes les chaînes payantes autorisées à émettre dans le cadre de cet appel à candidatures n’appartiennent pas au groupe Canal + dès lors que le service de Canai J relève du contrôle du groupe Lagardère ; que la sauvegarde du pluralisme des courants d’expression socioculturels s’apprécie non pas au vu des seules autorisations d’émettre délivrées dans le cadre de l’appel à candidatures en cours mais au regard de l’ensemble des autorisations accordées à l’issue d’un précédent appel à candidatures datant de juillet 2001 ; que le groupe Canal + n’atteint pas le seuil fixé par le 4ème alinéa de l’article 41 de la loi du 30 septembre 1986 qui limite â 7 le nombre d’autorisations délivrées dont peut être titulaire la même personne pour l’exploitation des services de la TNT ; qu’en outre, la décision de rejet de candidature contestée, qui ne prive son destinataire d’aucun droit, ne peut, par principe, être considérée comme portant atteinte â la situation de la requérante ; qu’en tout état de cause, aucun préjudice grave, immédiat et irréversible ne lui est porté : que l’association a tardé à introduire sa demande de référé ; que les justificatifs produits par la requérante, qui font état des incidences consécutives à des autorisations de diffusion sur le câble et par satellite ou d’autorisations de diffusion temporaries par voie hertzienne locale, ne permettent pas de démontrer que la décision contestée mettrait en cause la survie de l’association dés lors que ces précédentes activités relèvent d’un régime juridique différent de celui de la TNT nationale ; que la mesure litigieuse n’a pas pour effet de priver l’association de la possibilité d’exercer ses activités statutaires, qui ne sont pas circonscrites à l’édition d’un service payant de télévision diffusé par voie hertzienne terrestre en mode numérique ; que d’autres appels à candidatures pour l’attribution de nouvelles fréquences de TNT sont envisagés ; qu’il n’existe pas, en l’état de l’instruction, de moyen susceptible de créer un doute sérieux quant à la légalité de la décision litigieuse ; que la mesure attaquée à été régulièrement adoptée par le CSA en formation collégiale ; que la requérante n’est pas fondée à soutenir que la décision est insuffisamment motivée ; que si le pluralisme des courants d’expression socioculturels constitue l’un des impératifs prioritaires poursuivis par le Conseil, aucune disposition ne lui impose de sélectionner les candidats en se fondant expressément sur ce principe : que les trois lettres d’intention fournies par l’association relèvent d’un simple engagement moral à l’égard de la requérante dont la viabilité financière du projet repose essentiellement sur l’emprunt ; que le moyen tiré de la non publication du décret d’application relatif au choix des distributeurs ne saurait affecter la légalité de la décision dès lors d’une part, que le CSA ne s’est fondé qu’à titre subsidiaire sur les incertitudes relatives au mode de distribution du service et, d’autre part, que l’absence de publication du décret ne faisait pas obstacle à ce que l’association indique au CSA l’état d’avancement des négociations avec les distributeurs commerciaux potentiels de la TNT ; que le montant moyen de redevance mensuelle par abonné évalué par le CSA n’est pas erroné ; Vu le mémoire en réplique, enregistré le 24 octobre 2005. présenté pour l’association ZALEA TV ; elle reprend les conclusions et les moyens de sa requête ; elle ajoute que le principe du pluralisme a été méconnu eu égard, d’une part, au lien existant entre les groupes Lagardère et Canal et, d’autre part, au fait qu’aucune chaîne associative ou consacrée à la diffusion de programmes associatifs n’a été autorisée dans le cadre de l’appel à candidatures en cours ou dans le précèdent ; que la tardiveté de son recours résulte du délai nécessaire à la réunion des éléments comptables à produire et de sa volonté d’attendre que la procédure de renouvellement par le CSA de son autorisation de diffusion par satellite et par câble soit achevée ; que ZALEA TV, qui est une chaîne de télévision et n’a que ce but, ne pourra atteindre le grand public autrement que par la TNT nationale ; qu’aucune décision du CSA n’atteste que de nouveaux appels à candidatures sont envisagés pour de nouvelles chaînes nationales en TNT ; qu’au titre de l’article 29 de la loi de 1986, une priorité particulière aurait dû être accordée aux projets associatifs accomplissant une mission à dimension sociale ou citoyenne dans le cadre de la sauvegarde du pluralisme des courants d’expression socioculturels ; que s’agissant des letters d’intention prévues par l’appel â candidatures, aucun engagement ferme n’est exigé : qu’en tout état de cause, les engagements produits par la requérante ne sont pas conditionnels ; que les emprunts ne sont pas déterminants pour la viabilité de son projet qui repose principalement sur les recettes d’abonnement ; qu’il était impossible â la requérante de fournir au CSA des élèments sur l’état d’avancement de ses négociations avec les distributeurs puisque ces derniers ne se font publiquement connaître qu’au terme de l’appel à candidatures ; qu’une telle exigence est illégale en ce qu’elle est de nature favoriser les chaînes déjà liées à des distributeurs potentiels au détriment des candidats indépendants et associatifs ; que la prise en compte du montant prévisionnel de la redevance, qui repose sur des échanges informels avec des distributeurs potentiels, constitue également une pratique discriminatoire ; que le motif tiré des insuffisances du dossier de ZALEA TV sur le mode et les conditions de distribution du service n’est pas subsidiaire dans la décision contestée ; Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la loi n° 86 1067 du 30 septembre 1986 modifiée relative à la liberté
de la Vu le code de justice administrative ; Après avoir convoqué à une audience publique, d’une part, l’association ZALEA TV et d’autre part, le Conseil supérieur de l’audiovisuel ; Vu le procès verbal de l’audience publique du 25 octobre 2005
à 10 heures au cours de laquelle ont été entendus : Mc Masse Dessen, avocat au Conseil d’Etat et à la Cour de cassation, avocat
de l’association ZALEA TV ; les représentants de l’association ZALEA TV : les représentants du conseil supérieur de l’audiovisuel ; Considérant qu’en vertu de l’article L. 521 1 du code de justice administrative, le juge des référés, saisi d’une demande en ce sens, peut ordonner la suspension dc l’exécution d’une décision administrative lorsque l’urgence le justifie et qu’il est fait état d’un moyen propre â créer, en l’état de l’instruction, un doute sérieux quant à la légalité de cette décision ; qu’à l’appui de sa demande de suspension, l’association ZALEA TV invoque des moyens tant de légalité externe que de légalité interne ; En ce qui concerne les moyens de légalité externe : Considérant qu’il ressort des pièces du dossier soumis au juge des référés que la décision dont l’association ZALEA TV demande la suspension a été prise par le Conseil supérieur de l’audiovisuel délibérant de manière collégiale, et non par le seul président de cette autorité, qui s’est borné à la porter à la connaissance de l’association ; que le moyen tiré de ce que cette décision aurait été prise par une autorité incompétente n’est, dès lors, pas de nature à faire naître un doute sérieux sur sa légalité ; que n’est pas davantage de nature à créer un tel doute le moyen selon lequel cette décision serait insuffisamment motivée ; En ce qui concerne les moyens de légalité interne ; Considérant qu’il appartient au Conseil supérieur de l’audiovisuel de subordonner l’octroi des autorisations qu’il délivre aux garanties offertes par le demandeur quant à sa capacité d’assurer de façon durable l’exploitation du service : qu’il résulte tant de l’instruction que des débats au cours de l’audience publique que la décision de refus du Conseil supérieur de l’audiovisuel a été motivée â titre principal par l’insuffisance des garanties de financement apportées par l’association ZALEA TV à l’appui de son projet ; qu’un tel motif est au nombre de ceux qui peuvent justifier légalement la décision contestée : qu’en l’état de l’instruction, et eu égard à la portée des lettres émanant d’établissements financiers dont se prévaut l’association requérante, le moyen tiré de ce que le Conseil supérieur de l’audiovisuel aurait porté sur ce point une appréciation inexacte n’est pas de nature à créer un doute sérieux sur la légalité de sa décision ; que ne sont pas non plus de nature à faire naître un tel doute les moyens tirés de ce qu’il aurait méconnu les exigences du pluralisme des courants d’expression socioculturels, de ce qu’il aurait illégalement fait application par anticipation de règles relatives à la distribution commerciale des programmes diffusés par la télévision numérique terrestre et de ce qu’il aurait inexactement apprécié le montant moyen envisagé de la redevance mensuelle par abonné ; Considérant qu’il résulte de ce qui précède qu’aucun des moyens invoqués par l’association ZALEA TV n’est en l’état de l’instruction, de nature â créer un doute sérieux sur la légalité de la décision dont elle demande la suspension ; que, par suite, et sans qu’il soit besoin de se prononcer sur l’urgence. sa requête, y compris ses conclusions à fin d’application de l’article L. 761 l du code de justice administrative, ne peut qu’être rejetée ; ORDONNE ; Article 1er La requête de l’association ZALEA TV est rejetée. Article 2 La présente ordonnance sera notifiée à l’association ZALEA TV et au Conseil supérieur de l’audiovisuel. Une copie en sera transmise pour information au ministre de la culture et de la communication. Fait à Paris, le 25 octobre
2005 Signé ; B. Stirn Pour expédition conforme, Le secrétaire, Françoise Longuet1. Résumé :
Lire juste le CP de Zalea tv du 11 Mars 2005
une Requête en Annulation, pour que ce rejet soit annulé après jugement au fond.
voir cet Appel publié au J.O. sur le site du CSA :
Le Communiqué de Presse annonçant le rejet de Zalea Tv par le CSA
2. Rappel : La lettre de Dominique Baudis par laquelle le CSA a motivé son rejet de la candidature de Zalea Tv à la TNT nationale
3. Commentaires de Zalea Tv :
les lettres d’engagement ou lettres d’intention d’établissements financiers en cas de recours à l’emprunt.
Voir sur le site de la DDM
4. Annexes :
Les recours déposés par Zalea Tv
Décision du Juge
Le sigle lui-même, par la présence de "TV", qui est bien celui d’une chaîne de télévision.
L’ensemble de l’objet social et des moyens d’action de l’association (article 2 et 3 des statuts) qui sont bien ceux d’une chaîne de télévision associative dont l’activité est centrée sur la diffusion vers le grand public, notamment et surtout par voie hertzienne, puisque c’est ainsi que le grand public regarde très majoritairement la télévision.
Le fait qu’à l’INSEE, l’association ZALEA TV est enregistrée sous le Code APE (Activité Principale Exercée) : 642 D , ce qui correspond dans la Nomenclature d’Activité Française (NAF) à : "transmission d’émissions de radio et de télévision par tous moyens (voie hertzienne, satellite, câble, etc.)."
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