Les Inrockuptibles du 26 mars 2001
INTERVIEW

zalea tv, c'est parti pour faire du bruit

Depuis la semaine dernière, Zaléa TV émet sur Canal Satellite. Petits moyens, bricolage ... mais télé de qualité, où l'on diffuse des œuvres de Pierre Carles, René Vautier ou Peter Watkins. Rym Morgan, l'un des instigateurs de ce projet, revient sur la philosophie et les ambitions de cette expérience télévisuelle inédite et passionnante. Par Pierre Siankowski

A quoi se résume la philosophie de Zaléa TV ?
Quand on fait une observation fine ou grossière de la situation du paysage audiovisuel français, on fait le constat d'une télévision émolliente, qui n'arrive pas à se renouveler. Ou alors d'une autre télévision, qui ne reste accessible qu'à un public limité. Avec Zaléa, ce qu'on veut faire, c'est démocratiser l'accès à la télévision, et faire en sorte que des documents, qui n'ont jamais eu l'opportunité, pour des raisons politiques ou financières, d'être diffusés, puissent l'être enfin. Nous souhaitons jouer un rôle de contre-pouvoir. Comme il ne peut y avoir de démocratie sans contre-pouvoir, il ne peut y avoir de démocratie télévisuelle sans contre-pouvoir télévisuel. Zaléa se définit comme un ONG d'action audiovisuelle d'urgence, et s'attachera à promouvoir et développer ce qu'on appelle le Tiers secteur audiovisuel.

On a le sentiment que Zaléa, c'est un bricolage de tous les instants, un exploit télévisuel permanent ?

Effectivement, Zaléa ressemble à tout sauf à une télévision conventionnelle. C'est volontaire. Quand on a besoin de faire une pause, on fait une pause. Quand on a besoin de s'arrêter sur un document, on s'arrête sur un document. Ou on le reprogramme. Les choses que nous montrons sont parfois réalisés avec des bouts de chandelles, c'est vrai. Mais on s'est aperçu que malgré le bidouillage, les documents que nous avons reçus n'ont à aucun moment manqué de qualité. Pour nous, c'est une excellente surprise, et la preuve qu'on peut faire une bonne télévision avec de petits moyens.

Comment réagissent les téléspectateurs ?

Nous allons essayer de montrer qu'on peut captiver un public non pas simplement par des Ïuvres marketing, mais par un contenu, et par la manière dont on présente ce contenu. Nous voulons essayer de satisfaire des gens qui ne trouvent plus leur compte à la télévision. Depuis trois jours, malgré quelques critiques, des gens nous appellent pour dire qu'ils sont scotchés sur Zaléa depuis l'ouverture. L'autre jour, nous avions fait, et nous avons dit aux téléspectateurs : "On va manger, on délaisse l'antenne quelques instants". Et tout de suite, des coups de téléphone, pour nous dire : "Vous ne pouvez pas nous passer une émission pendant que vous êtes à table". Personne n'avait jamais imaginé qu'une interactivité de ce type puisse naître entre une chaîne et des téléspectateurs. Vous diffusez un documentaire consacré à l'histoire de Carbone 14.

Existe-t-il une comparaison possible entre Carbone 14 et Zaléa ?

Il y a des points communs entre Carbone 14 et Zalea. Est-ce que Zaléa bouleversera la télé comme Carbone  14 a réussi à changer la radio ? Je le crois, même si nous ne menons pas les mêmes combats que ceux de Carbone 14. Eux, dans les années 70, défendait la liberté sexuelle, ou essayait de pousser le plus loin possible la provocation. Nos combats sont ailleurs, je pense, dans un registre un peu moins "déconnade". Pour la diffusion, par exemple, d'Afrique 50, un documentaire consacré à la décolonisation de René Vautier, nous avons souhaité associer une intervention de François-Xavier Verschave, l'auteur du livre Noir Silence qui a lancé une polémique sur la Françafrique. Est-ce que nous révolutionnons la télévision en faisant ça, je ne sais pas. Moi je n'ai pas encore vu ça à la télé.

Zaléa TV est diffusée sur le Canal 113 du bouquet Canal Satellite.

Pierre Siankowski 26 mars 2001