Libération - la semaine

À l'assaut de « la Bastille audiovisuelle »
Le collectif Médias libres annonce une série de piratages le 14 juillet.

Par RAPHAËL GARRIGOS

Le mardi 13 juillet 1999







Le 14 juillet, tous les déçus de la loi Trautmann sont invités à se rendre à 22h au ministère de la Culture afin d'y déposer leur téléviseur en signe de protestation.

Les Sans Antennes persistent et signent. Le 8 mai dernier, le premier forum des Médias libres avait abouti à la création d'une coordination permanente de télés, journaux, radios et sites web alternatifs. Le collectif passera à l'acte demain, appelant à une «prise de la Bastille audiovisuelle par les Sans Antennes». Pour fêter le 14 juillet, ces sans-culottes modernes annoncent un «grand feu d'artifice hertzien», avec, à partir de 12h, le piratage de canaux inexploités par une dizaine de télévisions non autorisées à émettre (1). La journée se conclura par un happening spectaculaire : tous les déçus de la télé et du projet de la loi sur l'audiovisuel de Catherine Trautmann sont invités à se rendre à 22h au ministère de la Culture et de la Communication, afin d'y déposer leur téléviseur en signe de protestation.

Cette nouvelle forme d'agit-prop a pour but de jeter un pavé dans la mare du Conseil supérieur de l'audiovisuel (CSA) et de la ministre. En effet, les télévisions associatives ne peuvent bénéficier que d'autorisations temporaires délivrées au compte-gouttes par le CSA. Mais celles-ci sont aujourd'hui gelées à Paris par le CSA qui réfléchit au lancement d'un appel d'offres pour une télévision locale permanente, à la suite de la candidature du groupe Amaury (le Parisien). Or, les associations ne peuvent statutairement y participer à moins de se constituer en société commerciale. En désaccord, les médias libres demandent l'ajout à la loi Trautmann d'un chapitre reconnaissant un «tiers secteur de la communication audiovisuelle» pour donner le droit et les moyens d'exister à des chaînes de télévision «privées, libres et indépendantes, à but non lucratif, non commercial, ouvertes à tous et accessibles au public».

De plus, la proposition figurant dans le projet de loi, en mai dernier, de laisser une place aux télés associatives sur le câble ne satisfait pas la coordination permanente des Médias libres. Le «tiers secteur audiovisuel» réclame la mise en place de mesures de «discrimination positive», quotas qui permettraient de se voir attribuer des fréquences d'office. Pour financer le tout, il est préconisé la création d'un «fonds de soutien à l'expression audiovisuelle», alimenté par une taxe de 3 % sur le chiffre d'affaires des chaînes commerciales. Les actions du 14 juillet ne sont pour les Médias libres qu'une première étape : dès la rentrée, la Coordination entend reprendre la «Bastille audiovisuelle» d'assaut tous les deux mois, jusqu'à ce qu'elle tombe et que soit reconnu le «tiers secteur audiovisuel».

Face à cette fronde, le CSA déclare travailler sur la disponibilité des fréquences et n'avoir «aucune hostilité» envers ces petits médias, même si la rumeur - formellement démentie par les organisateurs - d'un piratage de l'intervention télévisée de Jacques Chirac, sur TF1 uniquement, a fait un temps monter la pression. Reste à savoir si les émetteurs seront saisis ou si on préférera ne pas prêter le flanc à l'ironie, le jour de la fête nationale, de la liberté d'expression s'il en fut.

(1) A Paris, OSF (quartier Aligre, XIIe, canal 36) ; Télé Bocal (quartier Bagnolet, XXe, canal 38) ; Dissensus TV (canal 35) ; Télé Génies à Bastille (canal 38) ; Télé Plaisance (quartier Plaisance, XIVe, canal 36) ; Télé Tolbiac (quartier Tolbiac, XIIIe, canal 36). A Montpellier, Pangée TV (canal 42), ainsi que Haro TV à Besançon et Sans Canal Fixe à Tours pour des projections publiques.



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