Introduction : Guy
Pineau, chercheur à l'INA
Bonjour
à tous et à chacun.
En introduction à ce colloque consacré à la reconnaissance du
tiers secteur audiovisuel, pour un accès citoyen à la télévision,
je vais rapidement aborder trois points :
- Pourquoi
sommes-nous là, aujourd'hui à l'Assemblée Nationale ? :
il y a émergence depuis deux décennies d'un courant
télévisuel non commercial, associatif, militant
qui doit maintenant être pleinement pris en compte par
le législateur.
- Comment
allons-nous travailler ? : trois tables rondes, et la visite
de la ministre et du président du CSA.
- Sur
quoi souhaitons-nous aboutir à l'issue de cette journée ? :
une plate-forme à traduire dans la loi.
1.
Depuis plus de deux décennies, existe en France un courant
d'initiatives de télévisions associatives, de vidéos
d'intervention alternatives. Ces télévisions sont
des villes et des campagnes. Certains animateurs de ces actions
télévisuelles sont ici aujourd'hui. Forte d'une
vitalité opiniâtre, elles ont résisté
et se sont développées malgré un contexte
législatif non adapté, voire hostile, faisant la
preuve qu'elles répondaient à un besoin de communication
et d'expression qui ne trouve pas sa place sur les médias
publics institutionnels et encore moins sur la télévision
commerciale contrôlée par les grands groupes privés
en France comme ailleurs.
Notre
pays est indiscutablement en retard sur l'organisation de l'audiovisuel
local, régional, national, associatif, telle qu'on peut
la rencontrer en Belgique, en Allemagne (où le service
public est deux fois plus puissant qu'en France...), en Italie,
en Espagne et aux Etats-Unis notamment...
Alors
que des initiatives citoyennes en opposition à l'establishement
audiovisuel se développaient en France, en décembre
1988, au cours d'une journée d'étude des Etats Généraux
de la Culture (né en réaction à l'arrivée
d'une Cinq contrôlée par Berlusconi). Parmi bien
d'autres, un militant audiovisuel, animateur des Pieds dans le
PAF, présent aujourd'hui dans cette salle, plaidait pour
la reconnaissance d'un "tiers secteur de la communication". Partant
d'une critique épistémologique du champ de la communication,
il proposait l'ouverture d'un espace autonome, "un tiers secteur
de la communication médiatisée", intégrant
la communication éducative et la communication d'initiative
citoyenne, seul moyen selon lui, d'instituer un véritable
pluralisme de la communication.
Depuis
les années 80, la richesse du mouvement associatif de notre
pays n'a fait que se développer dans le champ communicationnel,
ce dernier étant lui-même en pleine mutation, et
on se demande au nom de quoi, cette volonté d'une expression
télévisuelle n'aurait pas droit de cité,
alors qu'en matière de presse écrite (depuis longtemps)
et de radio (depuis les années 80), la loi organise cette
liberté.
Vieilles
ou nouvelles technologies, la question d'un espace public communicationnel
qui ne serait pas un espace publicitaire, se pose avec plus d'urgence
que jamais. Cette question sera débattue aujourd'hui sans
privilégier une pensée unique.
De
mon point de vue, il n'y a pas contradiction entre l'effort pour
un service public repensé et la reconnaissance d'un tiers
secteur de la communication. Bien plus, ce sont deux facettes
de l'exercice de la prise en compte d'une exigence citoyenne.
C'est pour cela qu'il ne faut pas se tromper aujourd'hui, en réfléchissant
à cet espace public indivis de la communication qui doit
accueillir, sans tarder, le tiers secteur à un moment où
les grands opérateurs commerciaux, l'actualité de
ce dernier week-end le confirme, cherchent à étendre
à travers la marchandisation leur appropriation à
l'ensemble de l'information et de la communication.
2¡)
Pour aborder ce débat, nous avons organisé, à
l'initiative du groupe des députés Verts de l'Assemblée
Nationale, de la coordination permanente des médias libres
(CPML), et de la Fédération Nationale des vidéos
des pays et des quartiers (FNVDPQ) trois tables rondes qui réunissent
des acteurs "de terrains", des compétences techniques au
sens large (juridique, économique, technique...) et des
politiques :
- La
première table ronde du matin permettra aux acteurs de terrain
de présenter leurs télévisions de proximité en donnant en parallèle
la parole aux élus qui vivent sur le terrain cette activité
communicationnelle (villes, quartiers, monde rural). Cette table
ronde présentera des exemples étrangers (l'accès public et les
chaînes communautaires au Canada).
- La
seconde table ronde, cet après-midi, traitera des aspects
juridiques (toute liberté appelle des règles et
des responsabilités, la question de l'incessibilité
des fréquences est fondamentale), techniques, économiques
et financiers (la question des conditions de financement de
cette liberté nouvelle devra être traitée,
ainsi que du poids respectif des partenaires) afin de concevoir
l'inscription de la reconnaissance du tiers secteur dans la
loi sur la communication audiovisuelle ("loi Trautmann") et
les modalités de la mise en uvre de la reconnaissance
des télévisions associatives (en refusant d'attendre
le numérique hertzien, le gel des fréquences analogiques,
sans oublier la question du financement...).
- Enfin
des responsables politiques qui suivent ces questions (en fin
de compte, le législateur) et les responsables respectivement
de la CPML et de la FNVDPQ débattront politiquement de l'importance
de la reconnaissance du tiers secteur dans notre pays.
3¡)
Ce travail doit nous permettre de déboucher sur une plate-forme
proposant précisément la mise en forme des principes débattus
au cours de la journée, ainsi que des principales dispositions
nécessaires pour la prise en compte du tiers secteur, afin de
compléter et d'enrichir la loi sur la communication audiovisuelle
qui doit venir en deuxième lecture au mois de mars de cette année.
Guy
PINEAU, Chercheur à l'INA
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