Aspects technique : Alain
Delhaise, ingénieur télécom, consultant,
formateur
L'utilisation
des bandes de fréquences
destinées à la diffusion de programmes de télévision.
L'ouverture
d'une nouvelle bande de fréquences destinée à
la diffusion de programmes de télévision s'est
en général effectuée en progressant vers
des fréquences de plus en plus élevées.
L'une des conditions préalables à l'exploitation
de ces nouvelles fréquences résidait dans la disposition
de composants électroniques spécifiques, capables
de travailler à de telles fréquences. Chaque ouverture
a ensuite donné lieu à un partage entre les applications
civiles, relativement peu nombreuses jusqu'à un passé
récent, et les applications militaires. Notons également
l'obligation de respecter des décisions prises au cours
de grandes conférences internationales, destinées
à fixer le cadre de ces évolutions afin de ne
pas créer de problèmes d'interférences
aux frontières. Normalisation et standardisation ne signifient
pas toujours la même chose puisque, à la fin des
années soixante, on ne dénombrait pas moins de
78 standards différents de diffusion de signaux
de télévision dans le monde, c'est-à-dire
pour lesquels il était possible de trouver au moins un
paramètre différent (fréquence image, nombre
de lignes par image, modulation positive ou négative,
écart entre porteuse image et porteuse son...). Ce chiffre
représente donc un standard pour deux à trois
pays.
Ce
sont les deux bandes distinctes de la VHF, les bandes I et III,
qui ont historiquement hébergé la diffusion du premier programme
de télévision en noir et blanc. Puis, les deux bandes contigu‘s
de l'UHF, les bandes IV et V, ont suivi au début des années
soixante, avec l'apparition de deux autres programmes. Elles
ont vécu le passage à la couleur en 1967. Quant aux bandes VHF,
elles ont poursuivi la diffusion du vieux programme noir et
blanc, jusqu'à la disparition du 819 lignes.
A
l'époque, seule la réception hertzienne était
possible. Ce n'est qu'après qu'apparurent les réseaux
câblés, relativement peu développés
en France par rapport à d'autres pays, et surtout la
réception directe de satellites géostationnaires
qui s'effectue dans des bandes de fréquences plus élevées,
aux environs de 10 gigahertz, avec la nécessité
de disposer d'une installation spécifique. Une autre
solution, le MVDS ou MMDS qui permet de recevoir des programmes
avec une antenne particulière et dans des fréquences
de quelques gigahertz a trouvé peu d'applications sur
notre territoire alors qu'elle est aussi très répandue
dans d'autres pays, comme l'Irlande pour prendre un exemple
européen. Elle s'adapte particulièrement bien
à un habitat plutôt dispersé.
Des
demandes d'utilisations civiles de plus en plus nombreuses se
sont exprimées dans le cadre de ce que permettait la loi et
des arbitrages ont été nécessaires, le spectre disponible n'étant
pas élastique. Aujourd'hui cependant, il est toujours possible
de se poser quelques questions sur l'utilisation actuelle et
future du spectre de fréquences aux fins de diffusion de programmes
de télévision, alors qu'est annoncée l'arrivée du numérique
terrestre à partir de 2001, date approximative dans l'état actuel
des choses. Les premières expérimentations de numérique terrestre
correspondant à la norme internationale DVB-T sont en cours
depuis plusieurs mois ; on peut citer en exemple les deux multiplex
diffusés depuis l'émetteur de Rennes Saint Pern.
Actuellement,
les bandes I et III en VHF sont essentiellement réservées
à la diffusion terrestre de Canal Plus et à d'autres
services mobiles, dans certaines zones comme l'axe Paris-Lyon-Marseille.
La bande I et la bande III offrent, à elles deux, une
largeur totale voisine de 65 MHz qui laisse un peu d'espace
disponible.
Les
bandes IV et V en UHF sont certes assez bien remplies avec la
diffusion des autres programmes analogiques nationaux de télévision,
compte tenu des bandes de garde nécessaires entre les
différents canaux actifs depuis un même point d'émission
et des canaux interdits pour des raisons techniques ; mais
ces bandes ne sont pas totalement disponibles pour la télévision
parce que certains canaux concernent d'autres utilisations :
c'est en particulier le cas des canaux situés en partie
haute du spectre, exploités par le ministère de
la Défense.
Dans
ces bandes, quelques émetteurs puissants suffisent à
couvrir une grande partie de la population. Le reste de celle-ci
ne peut être atteint qu'au moyen d'une multitude de petits
émetteurs et de réémetteurs couvrant des
zones limitées, dans les régions au relief tourmenté
ou plus généralement dans des zones de réception
difficile. Ainsi, la couverture du territoire par les six programmes
nationaux analogiques est effectuée par un ensemble de
plus de 12.000 émetteurs et réémetteurs
représentant 3.500 sites distincts, une centaine d'entre
eux, de forte puissance couvrent plus de 90 % de la population.
Les deux tiers sont situés en zone dégagée,
loin de nos frontières et ne présentent que relativement
peu de problèmes d'évolution.
L'utilisation
envisagée des mêmes bandes IV et V par le numérique terrestre
se justifie aussi par la possibilité pour le spectateur de conserver
son installation de réception. L'expérience britannique récente
montre que ce n'est malheureusement pas toujours le cas.
Les
opinions changent et ce qui n'était pas possible à une date
donnée se trouve parfois l'être un peu plus tard. Compte tenu
des évolutions à attendre, il serait probablement sage de geler
l'occupation de ces fréquences et de procéder dans les meilleurs
délais à une expertise nécessaire, laquelle devrait être globale
et qui serait réalisée par des personnes neutres, indépendantes
et impartiales, c'est-à-dire qui ne soient pas à la fois juges
et parties. Si, à une époque pas trop éloignée, ces personnes
étaient relativement difficiles à trouver, il me semble que
de telles personnes, répondant à ces critères, existent aujourd'hui
ne serait-ce que, par exemple, dans le monde de la radio, personnes
à qui pourrait être confiée la réalisation de ce travail. N'oublions
pas que nous sommes à l'heure de l'Europe et qu'il est également
possible, si nécessaire, de faire appel à des compétences venues
de la Communauté européenne.
L'état
des besoins exprimés, répondant à un cadre juridique et législatif
précis, comparé aux possibilités réelles d'extension ou de redistribution
de nos réseaux d'émetteurs permettrait alors de rendre des arbitrages
clairs quant à l'utilisation future des bandes de fréquences
de diffusion de programmes de télévision.
Alain
Delhaise, ingénieur télécom, consultant,
formateur