Forum des Médias libres du 6 avril organisé par le Babazouk de Nice

article de Philippe Boure, docteur en droit des médias

Le 5 juillet 2002 s'est tenu à Nice le premier "Forum des médias libres" organisé par le mensuel niçois, "Le Babazouk". Cette initiative a permis de réunir des représentants de cette "nouvelle presse" tant écrite (avec, par exemple "Le Fakir" d'Amiens, ou "Nouvelles Vagues" de Bordeaux) qu'audiovisuelle (et notamment "Zalea TV", première chaîne associative à ambition nationale). Nous assistons actuellement à l'émergence de cette presse dite libre, qui se développe dans la plupart des régions françaises, sans pour autant donner lieu à une littérature importante. Le forum niçois aura eu pour mérite d'ouvrir la voie à une réflexion de fond quant à ce phénomène dont l'ampleur ne peut plus échapper aux chercheurs et autres professionnels du monde des médias.
Acteur de ce Forum, je vous propose de suivre le fil directeur et les différents thèmes qui ont été abordés par les divers intervenants, tout en continuant à apporter une vision personnelle aux réponses et nombreuses questions qui restent en suspens à l'issue de cette journée. Autoproclamée "libre", cette nouvelle presse est en fait en proie à une crise identitaire importante. Issue d'un mouvement associative hétéroclite, ces médias sont tous différents, tant dans leur forme, que dans leur contenu, ils recherchent ensemble le plus petit dénominateur commun qui permettrait de les identifier de manière certaine dans le monde des médias.
Cette recherche d'une définition pouvant regrouper l'ensemble de ces médias (I) est corroborée par une volonté affichée de se distinguer des groupes de presse traditionnels. Pour ce faire, ils se heurtent tous aux mêmes questions de financement et de structure organisationnelle à donner leur "entreprise" qui ne doit pas en être une ... (II).

I - Tentative d'appréhension de cette nouvelle presse.
La presse indépendante qui se développe dans l'ensemble des sociétés occidentales souffre d'une carence de définition qui rend son appréhension difficile. C'est pourquoi les intervenants du 1er Forum de la presse libre de Nice ont tenu à présenter et à définir les contours de cette nouvelle presse qui se développe sur tout support (A), avec un contenu et une structure "alternative" (B).

A - Une presse "tout support"
La première constatation qui ressort du forum de Nice, c'est que l'ensemble des supports existants sont concernés par le développement de cette nouvelle presse, qui peut avoir différentes origines.

1 - De la presse écrite à Internet
Initialement, nous pouvions penser que seul le secteur de la presse écrite était concerné par l'avènement de cette nouvelle presse. C'était faire erreur puisque le forum de Nice a réuni des représentants de l'ensemble des supports existants.
Presse écrite, radios ou télévisions associatives, internet, nous retrouvons l'existence de cette presse indépendante sur l'ensemble des médiums existants.
La simplification de la technique de fabrication et la baisse des coûts de production sont telles que l'ensemble des supports s'est retrouvé accessible à un prix abordable.

  • Pour la presse écrite :

Le support papier reste symboliquement, depuis la révolution française, le moyen naturel de la diffusion des idées contraires au dogme politique en place. Les révolutionnaires s'en sont servis pour développer leurs thèses républicaines alors même que très peu de citoyens savaient lire ! Souvent hebdomadaire ou mensuelle, la nouvelle presse écrite vient jouer le rôle de "poil à gratter" local, en dénonçant des affaires que le quotidien régional en place ne peut révéler, faute de posséder l'indépendance politique et économique suffisante pour s'opposer au pouvoir politique en place dans sa région.

  • Pour l'audiovisuel :

La loi d'août 2000 qui modifie sans la remplacer celle de 1986 qui fixe le statut de la communication en France prend en compte le développement des télévisions associatives qui étaient jusqu'alors prohibées. Ce phénomène existe depuis longtemps, mais ses acteurs se plaçaient dans l'illégalité en "piratant" des fréquences hertziennes pour imposer leurs programmes. La loi de 2000 est à rapprocher, pour la télévision, à celle qui a autorisé les radios libres en 1982. Pour autant, notons que la position du CSA à leur égard a été particulièrement suspicieux puisqu'à l'occasion des élections présidentielles et législatives 2002, les autorisations d'émettre qui leur avaient été accordées ont simplement étaient suspendues. Comme nous l'a rappelé le représentant de Zalea Tv, "les pouvoirs publics ont pris en considération la menace d'une information audiovisuelle indépendante qui aurait pu influer, d'une manière ou d'une autre sur le déroulement des élections.". Une telle initiative est contraire au régime mis en place par le droit de la presse puisqu'en principe, dans notre pays, ma presse ne peut se voir sanctionner avant d'avoir commis la moindre irrégularité. Il est pour le moins étonnant que le milieu des médias n'est pas donné plus d'écho à cette décision du CSA alors même que c'est la liberté de la presse, et au-delà le droit à l'information des citoyens que cette mesure mettait à mal.
Depuis, la situation est peu à peu redevenue normale puisque Zalea Tv a de nouveau obtenu une autorisation à émettre pour une durée journalière de 3 heures par jour. (Pour plus d'informations, nous vous invitons à visiter le site "www.zalea.org").

  • Pour l'internet :

C'est à l'occasion du contre forum de (...) , aux Etats-Unis que les journalistes indépendants ont pris conscience de la difficulté réelle à exercer leur métier. Organisés autour du portail internet "www.indymedia.org", ces sites fonctionnent comme des forums qui permettent à tout internaute de diffuser une information qui, sans cela, passerait totalement inaperçue.

2 - De la publication "associative" à la presse étudiante
L'ampleur et la diversité de cette nouvelle presse mérite que nous dressions rapidement un "portrait robot" de ses différents composants.

  • La presse associative :

Elle réfléchit sur l'actualité et discute des préoccupations d'un groupe ou d'un mouvement social donné. Issue d'associations d'étudiants, de groupe de gays et lesbiennes, de mouvement de protection de l'environnement, ou de quartier, le journal sera produit par et pour l'association, avec un contenu qui répond aux besoins spécifiques du groupe.

  • La presse communautaire :

Elle est l'outil d'information local ou régional propre à une communauté donnée. Son contenu favorise largement la diversité des points de vue et des thèmes abordés. Dotée d'une organisation démocratique, elle s'adresse à l'ensemble des citoyen-ne-s de la communauté concernée.

  • La presse progressiste :

Elle s'inscrit dans une perspective politique visant à contre-balancer le discours dominant par la réflexion, la remise en question et la proposition d'idées de rechange. Pluraliste et accessible à l'ensemble des citoyens, elle propose un contenu collant à l'actualité, d'information et d'éducation politique.

B - Des médias alternatifs

1 - Le rejet du qualificatif de "Libre"
Il est tout d'abord intéressant de noter la présence d'une représente du CMAQ, Mademoiselle Sonia Rochette à ce forum. En effet, cette question de la définition de cette nouvelle presse est abordée au Canada depuis plusieurs années, sans qu'aucune réponse réellement satisfaisante ait pu y être apportée.
Quoi qu'il en soit, avant toute chose, il convient de rejeter l'adjectif "Libre" pour qualifier ces médias.
En effet, notons que, d'après le dictionnaire, la presse libre est définie comme étant une presse "qui n'est pas contrôlée par un pouvoir politique, un autorité, un gouvernement". Dans l'absolu, force est de constater qu'en France, depuis la loi sur la liberté de la presse écrite de et l'article 1er de la loi de 1982 sur la liberté de la communication audiovisuelle, tel que repris par la loi de 1986 fixant le statut des médias audiovisuels, "la communication est libre". Ainsi, toutes les entreprises de presse exerçant dans notre pays, quelque puisse en être le médium, est réputée être libre. Sans rentrer dans une discussion philosophique sur le thème de la liberté, nous pouvons toutefois avancer l'idée que la presse en France ne connaît pas une réelle liberté, puisque la domination politique a, en fait, laissée sa place à une domination plus insidieuse, celle du monde économique. Remarquons que depuis près de dix ans, le paysage médiatique français s'est métamorphosé, avec la création de véritables géants de la communication générés par la fusion et la concentration tant verticale qu'horizontale des entreprises existantes. Notons à cet égard l'exemple de l'entreprise "Vivendi Universal", deuxième société de communication au monde qui possède notamment la Chaîne Canal Plus, mais également un réseau satellite, un prestataire de service sur Internet, et des participations dans plusieurs médias français. Cette société est, à maintes égards, significative de la domination économique dans le secteur des médias puisque son PDG, M. MESSIER, a du démissionner de son fauteuil à la suite de pressions exercées par son Conseil d'Administration et ses actionnaires. L'entreprise de presse est une entreprise comme une autre qui se doit de réaliser un chiffre d'affaire et des bénéfices qui seront par la suite, redistribués à ses actionnaires. Or, le seul produit que vend une entreprise de presse, ce sont ses programmes, son journal et son espace publicitaire. C'est ce phénomène que BOURDIEU a dénoncé en invoquant la "marchandisation de l'information" qui n'est plus qu'un produit qui se vend et s'échange au gré des marchés. Le marché économique de la presse s'est constitué au fil de l'avancée des idées libérales en Europe comme en France. Il peut, historiquement, être identifié en 1982 avec la loi sur la liberté de communication, mais c'est bien en 1986, avec la privatisation de TF1 qu'il devient sensiblement visible. Désormais, nous pouvons constater qu'il n'existe plus aujourd'hui, dans la plupart des régions de France qu'un seul quotidien régional. Le marché des PQR n'autorisant pas la survie de deux journaux, les citoyens doivent donc désormais se contenter d'un quotidien. Comme le note M. JUNQUA, ancien directeur du Centre de Formation et de Perfectionnement des Journalistes, "les grands quotidiens régionaux, presque toujours en situation de monopole, privilégient le plus souvent une information locale aseptisé et révérencieuse à l'égard des pouvoirs en place". L'équilibre économique de la presse française peut-elle permettre à l'un de ses représentants d'attaquer frontalement un de ses plus importants annonceurs ?

2 - L'acception de médias alternatifs
C'est dans ce contexte de main mise du secteur économique sur le monde des médias qu'intervient la création de cette presse "indépendante", tout du moins des groupes de presse habituels. Sans pour autant être libre, puisque inscrit d'une manière ou d'une autre dans le secteur marchand de la presse, cette nouvelle presse tente d'imposer une information différente de celle offerte par le quotidien dominant dans leur région.
Ainsi, nous nous associons à nos confrères québécois pour définir cette nouvelle presse de médias alternatifs  ...
Par ce terme, il faut entendre une presse qui est par nature opposée au discours libéral, qui porte en elle une vision collectiviste. Elle peut être associative, syndicale ou étudiante, mais elle refusera toujours la globalisation économique américaine. De même, mais nous y reviendrons, elle présuppose une structure organisationnelle différente de celle des sociétés commerciales, avec une grande liberté de ton et de décision accordée à l'équipe rédactionnelle. De plus, elle se doit d'être indépendante des pouvoirs politiques et économiques en place, en gardant un contact étroit avec le monde du bénévolat dont elle est bien souvent issue.
Quant à son contenu, il s'avère délicat à cerner tant ces médias alternatifs sont différents les uns des autres. Retenons, comme plus petit dénominateur commun qu'ils s'inscrivent tous dans une idéologie de gauche plus ou moins marquée, sans pour autant être l'organe de presse d'une organisation politique particulière. A ce titre, différents titres comme le PCAHebdo en région PACA qui est un hebdomadaire lié au P.C.F., ni "Rouge", le journal de la LCR ne peuvent prétendre appartenir au monde de ces médias alternatifs. En fait, c'est bien là la grande différence qui ressort entre ces nouveaux médias et cette presse plus ancienne qui se revendique elle aussi de "libre". Alors que ces derniers restent attachés à une idéologie défendue par un mouvement politique, ces nouveaux médias désirent ne pas être associés aux organisations politiques existantes alors même qu'ils sont, le plus souvent, très proche des idées que celles-ci défendent. Cette situation s'explique tant par le manque de confiance que ces "acteurs associatifs" éprouvent envers la classe politique, que par une réelle volonté de s'inscrire dans le débat citoyen en toute liberté de ton et de critique. Cette presse alternative n'est pas une presse d'opinion, mais une presse qui émet ses opinions. Voilà ce qui explique la présentation faite à l'occasion de ce forum par le journal le Babazouk qui peut soulever bon nombre d'objections, à savoir que "dans les sociétés antiques, le forum était l'espace de discussion permettant de se tenir informé de la vie de la citéÉce rôle est dévolu aux médias". Serait-ce par erreur de jeunesse ou par ambition démesurée que ce mensuel se présente ainsi ? La presse, qu'elle soit écrite ou audiovisuelle n'est que le porte voix de ce qu'il se passe dans les cités, et non pas le lieu où se discutent et se prennent les décisions politiques.
Alternative par l'information qu'elle présente, cette nouvelle presse n'en est pas moins inscrite dans le marché des médias. Ainsi, pour survivre, il lui faut trouver un financement, et pour espérer rester indépendante, une structure organisationnelle différente de celle des sociétés commerciales.

II - A la recherche d'un "tout" alternatif
L'autre point qui a fait l'objet d'un traitement approfondie au Forum de Nice a concerné le financement de ces nouveaux médias (A) ainsi que la nécessité de mettre à jour une nouvelle structure juridique à même de permettre leur développement et leur pérennisation (B).

A - Le prix de l'existence
Le forum de Nice aura permis de s'apercevoir du rapport ambigu qu'entretiennent les représentants de cette nouvelle presse vis-à-vis de l'argent. Idéologiquement opposé à la marchandisation de l'information, au pouvoir de l'argent, ils se heurtent tous à la même question du financement. Bien qu'il soit désormais facile de créer un journal, il reste onéreux de le publier et de le diffuser. A titre d'exemple, le poste "édition" du Babazouk se chiffre à 15 245 euros par an (soit environ 100.000 francs). A ces frais incompressibles, il convient d'ajouter, les salaires des "journalistes" et les charges sociales s'y afférant, les frais inhérents à la rédaction, à Internet, outil devenu indispensable à tout organe de presse. Qu'ils se soient "professionnalisé" ou qu'il ait conservé une structure purement associative, ces médias partagent avec les géants de la presse les mêmes besoins de financement. C'est ainsi que plusieurs solutions ont été présentées au cours de ce forum, sans pour autant satisfaire pleinement l'auditoire.

1 - Le rapport ambigu à la publicité.
Un média peut-il continuer à se présenter comme alternatif dès lors qu'il fait appel à la publicité pour vivre ? L'indépendance éditoriale de cette nouvelle presse dépend de la réponse que ses responsables accordent à cette question.
En effet, les budgets de cette presse sont si réduits, qu'un annonceur pourrait rapidement en prendre le contrôle de manière insidieuse. C'est pourquoi la représentante de la "Presse Jeune", association d'aide à la création de cette nouvelle presse, propose de faire appel aux petits commerçants de quartier plutôt qu'aux "grosses entreprises". L'idée repose sur le fait qu'en multipliant les "petits annonceurs", ceux-ci n'auraient finalement aucun pouvoir sur la direction du journal. Comme l'a déclaré benoîtement la représentante de "J-Presse", "un petit commerçant n'a aucun intérêt à bloquer la parution d'un article contraire à sa municipalité". Sans doute est-ce sans compter sur l'intérêt réel pour ce petit commerçant de ne pas se "mettre la mairie à dos". Là encore, la "jeunesse" des représentants du monde de cette nouvelle presse et la grande na•veté dont ils témoignent est sans commune mesure avec les objectifs qu'ils annoncent. Nul ne peut douter qu'un journal qui dénoncerait ouvertement les malversations d'une mairie, qui prendrait position contre la marchandisation de notre société se trouverait dans une quasi-impossibilité de trouver des commerçants volontaires pour participer à cette aventure. C'est pour cette raison que d'autres intervenants ont présenté leur volonté de ne pas rechercher de financement par la publicité. Ils ont ainsi présenté deux solutions différentes.

2 - La participation aux frais
L'intervention du représentant de Zalea Tv est intéressante puisqu'il a présenté un type de financement assurant une réelle indépendance vis-à-vis du monde politique et marchand.
En fait, ce financement repose sur la participation des auditeurs de cette chaîne de télé associative que peuvent adhérer à l'association Zalea Tv et ainsi payer une cotisation annuelle. Tout adhérent ou sympathisant peut aussi faire acte de soutien en adressant un don à l'association, du montant de son choix.
Cette démarche est intéressante puisque ce média est le seul à avoir réellement tué "le dieu argent". Comme le déclarait Sartre, il est très difficile de réaliser pleinement son ascèse. Une fois l'existence de Dieu niée, l'Homme se retrouvant seul, avec des doutes là où la religion lui proposait des solutions. Zalea Tv a, quant à elle, abandonnait de manière concrète toute ambition commerciale. Refusant de considérer ses émissions comme des "produits marchands", elle se refuse d'en céder les droits commerciaux de reproduction ou de rediffusion à titre payant. Comme nous l'a précisé son représentant, "l'ensemble des émissions diffusées par Zalea Tv sont libres de droits, et ne peuvent faire l'objet d'un commerce".
Cependant, cette solution ne permet pas de financer de manière efficace l'ensemble des dépenses occasionnées par la diffusion des chaînes audiovisuelles associatives, ou des journaux alternatifs.

3 - Proposition d'une taxation des recettes des médias traditionnels
Afin de financer le monde alternatif ainsi que le Service Public Audiovisuel, j'ai proposé, dans le cadre de la thèse que j'ai soutenue à la Faculté de Droit de Nice, la création d'une taxe assise sur les recettes publicitaires des médias privés.
Cette mesure était présentée comme le corollaire à l'interdiction faite aux chaînes publiques de diffuser de la publicité. Cette solution fait l'unanimité parmi les représentants de cette nouvelle presse qui y voient la possibilité de s'exclure du monde marchand, tout en s'assurant du financement minimal pour continuer à exister.
A l'opposé, contrairement à ce qui a été présenté par le représentant de Zalea Tv, nous ne pouvons pas accepter que la redevance télé, déjà peu élevée en France, serve à financer des associations de droit privé, et ce pour deux raisons essentielles : les recettes de cette taxe sont pas assez importantes pour financer correctement le service audiovisuel public, et le financement de structure de droit privé ne peut philosophiquement dépendre d'une contribution obligatoire des citoyens. Cette solution doit donc être écartée de nos réflexions tant elle apparaît comme inadaptée à la situation.

B - Vers une Société de Presse Non Marchande ?
Les médias alternatifs ne peuvent se constituer sous la forme d'entreprise commerciale, au risque, à leur tour, d'être phagocyté par le marché de la presse. C'est pourquoi la majorité d'entre eux se sont constituer sous un statut associatif, régit en France par la loi de 1901. Mais ce cadre légal n'est pas adapté à ce genre d'activité.
Rappelons que l'association de type loi 1901 a pour objet de permettre la réunion de personnes partageant un même intérêt. En principe, une association de ce type ne vend rien, ce qui n'est finalement pas le cas de cette presse, et surtout, idéologiquement, ne comporte pas de salarié. Or, la plupart de ces médias alternatifs salarient une ou plusieurs personnes, ce qui est contraire à l'objet de la loi.
Le problème majeur provient du fait qu'en refusant d'adopter une structure juridique traditionnelle, à savoir la Société de Presse, soit par manque de moyen, soit par idéologie, cette nouvelle presse est contrainte de se tourner vers le statut associatif. Or, s'il est possible, dans un premier temps de s'en tenir à ce statut, les difficultés légales apparaissent dès lors que le journal devient pérenne et que l'association fonctionne comme un organe de presse traditionnel. D'ailleurs, il n'est pas impossible qu'un tribunal qui aurait à connaître d'un litige relatif à ce statut requalifie de fait une association de ce type en "société de presse", avec toutes les conséquences que cette requalification entraînerait, à savoir les cotisations URSSAF, l'assujettissement à l'Impôt sur les Sociétés  ...
Dans cette optique, nous avons proposé la création d'une société de Presse Non Marchande, sorte de structure hybride réunissant tout à la fois les principes commerciaux et associatifs.
Cette société à but non lucratif doit permettre une création facile et non onéreuse de la structure, tout en prenant en compte le problème du financement, et celui du développement possible à offrir à l'organe de presse ainsi créé.
Cette solution qui a fait l'unanimité parmi les représentants de la presse indépendante présents au forum de Nice, ne serait possible que s'il existait une réelle volonté politique de la part de nos gouvernants de réfléchir à une telle structure.
Or, la menace que constitue l'existence d'une presse ayant les moyens financiers et juridiques de demeurer alternative est dangereuse pour les partis politiques et ses élus qui pratiquent fort bien le système médiatique tel qu'il existe actuellement.
Preuve en est les différents procès intentés par les élus contre cette presse indépendante dès lors qu'elle soulève des scandales politiques et/ou qu'elle commence à sortir de l'intimité du milieu alternatif local.

Conclusion
Sous le prétexte d'introduire la libre concurrence dans le secteur des médias, le marché de la presse a été peu à peu constitué, au fil des lois libérales successives.
Assujétties à la loi de l'offre et de la demande, les entreprises de presse ont du s'adapter à ces nouvelles contraintes, ce qui a entrainé une concentration économique des entreprises existantes, et la constitution naturelle de publication en position de monopole de fait.
Ce phénomène s'est accompagné d'une crise du politique qui a touché de plein fouet les journaux d'opinion qui seuls arrivaient, à leur niveau, à proposer une analyse différente de celle imposer par les médias traditionnels. C'est dans ce contexte particulier que les médias "alternatifs" sont apparus.
Quel que puisse être leur mode de diffusion (presse écrite, radio, télévision, internet), ils ont tous pour objectif premier de proposer aux citoyens une information a-commerciale, débarrassée des contraintes économiques et des pressions politiques.
Cependant, les écueils qui se présentent à cette nouvelle presse sont nombreux. Certains tiennent du système économique et juridique en place, d'autres de la nature même de l'homme. En effet, comment ne pas faire le rapprochement avec ce qui s'est passé avec les radios libres qui se présentaient, avant leur "légalisation", comme les tenants d'une information et d'un contenu "alternatif" par rapport aux radios publiques alors en situation de monopole de droit.
Depuis la loi de 1982 qui met en place la liberté de communication et qui donne à ces radios un statut juridique, elles sont toutes devenues des radios purement commerciales, jouant pleinement le jeu du marché économique qui les porte.
La structure étant structurante, et l'homme étant ce qu'il est, nous ne pouvons avoir la faiblesse de penser que si le succès économique est au rendez-vous, ces médias resteront réellement à l'écart du mode de fonctionnement économique du marché libéral. Qu'en sera-t-il alors du contenu et de l'esprit pionner à l'origine même de leur création ?

Philippe Boure Docteur en Droit des médias

Babazouk : http://www.babazouk.net • Tél : 04 97 12 09 63 • Contact: Tania Cognée

De même qu'il n'y a pas de démocratie sans contre-pouvoir,
il n'y aura pas de démocratie audiovisuelle sans contre-pouvoir audiovisuel