Mouvement de l'Immigration et des Banlieues, le 16 octobre 2001
17 OCTOBRE 1961 : PAS DE COMMÉMORATION SANS JUSTICE !

Nous sommes tous Youssef !

MERCREDI 17 OCTOBRE 2001
RDV à 18 h devant le REX
M° BONNE NOUVELLE

En 1961, la guerre d'Algérie bat aussi son plein en France alors même que des contacts entre le gouvernement français et le FLN préparent difficilement une solution à un conflit sans nom depuis 1954 : la fédération de France est prise sous les tirs de la police (exécutions et cantonnements), des harkas de supplétifs et de l'OAS. Dès le mois de sept 1961, 120 Algériens sont "renvoyés dans leurs douars d'origine". Du 06 au 07 sept 61, 643 Algériens sont conduits à Vincennes, 63O le 08 sept. Selon des sources officielles, entre Août et sept 61, 31.000 personnes contrôlées, 19 375 conduites à Vincennes, 500 expulsées, actes souvent accompagnés des pires violences. Durant tout le mois de septembre, on repêchera même presque chaque jour de nombreux corps dans la Seine.

Ce qui n'empêchera pas M. Papon, préfet de Paris et de la Seine, de déclarer le 17 : "Il n'y a pas de rafle. Il y a des contrôles avec examen d'identité, d'emploi et de ressources ...". Le 4 octobre, des syndicats de police forment un comité permanent de coordination et de défense qui réclame notamment un renforcement de la peine de mort et "l'intensification des interpellations de Nord-Africains et la réglementation de leur circulation". Le lendemain, Papon institue le couvre-feu : "il est conseillé de la façon la plus pressante aux travailleurs musulmans algériens de s'abstenir de circuler la nuit dans les rues de Paris et de la banlieue parisienne, et plus particulièrement de 20h à 05h30 du matin".

Ainsi, on instaure une ségrégation de fait et on applique le cruel principe de la responsabilité collective que le colonialisme a toujours utilisé pour réprimer les volontés d'émancipation du peuple algérien, principe qui se traduit chez Papon par sa formule implacable : "Pour un coup reçu, nous en porterons 10". Le 13 octobre, R. Frey, ministre de l'intérieur, ose même dire à l'assemblée dans une ambiance de désinformation totale : "Les travailleurs musulmans comprennent parfaitement la nécessité où je suis non pas seulement de protéger la police, mais de les protéger eux-mêmes contre le FLN". Le FLN lui réplique aussitôt : "Les Algériens boycotteront le couvre-feu. A cet effet, et à compter du 14 oct, ils devront sortir en compagnie de leurs femmes et de leurs enfants, en masse".

Le 17 octobre, le FLN appelle les Algériens à participer à une manifestation pacifique de masse pour dénoncer le couvre-feu et réclamer l'indépendance. Cette manifestation, non soutenue par les syndicats et partis de gauche mis à part les porteurs de valises, sera sauvagement réprimée par la police dans des conditions abominables que les mouvements politiques de l'immigration et des banlieues ont constamment rappelés depuis la marche pour l'égalité de 83.

Pendant longtemps, pour l'état et la société française, ce crime d'état n'avait jamais eu lieu et, pour les partis de gauche, leur mémoire s'est arrété aux évènements de Charonne. Les écrits de quelques personnalités ont permis de sortir de l'ombre une vérité qui circulait sous le manteau d'un petit cercle de militants. Et nous voilà aujourd'hui, en 2001, rentrés dans l'ère de la commémoration officielle de ce jour si longtemps enfoui mais qui ne connaîtra jamais de procès officiel. Nous n'allons pas nous plaindre qu'il entre à la connaissance de tous, même s'il se trouve encore des gens pour biaiser sur le contenu d'une plaque commémorative.

Pour nous, malgré toute commémoration, ce jour honni n'est que le maillon culminant d'une chaîne qui s'est poursuivie jusqu'à nos jours. Depuis les années 70 et la mort de Mohamed Diab et de Djilali de la Goutte d'or jusqu'à nos jours, combien de jeunes sont morts dans des conditions douteuses sans que justice ne leur fut rendue. Il y a quelques jours encore, on a acquitté le policier Hiblot qui a tué Youssef Khaïf d'une balle dans la nuque. Contre les pièces du dossier d'instruction qui établissait sa culpabilité, on a accordé un nouveau permis de tuer pour la police dans un pays où la peine de mort est abolie depuis 1981. Nous ne cherchons à attiser aucune haine mais les faits sont encore là, la liste s'est encore allongée au mépris du droit et de nombreuses organisations ont brillé par leur absence durant le procès, malgré le sursaut d'indignation de quelques associations qui a suivi le verdict.
On l'aura compris, pour nous, il ne peut pas y avoir de commémoration sans justice ! On se rappelle ces mots du rare policier qui, lors d'une réunion syndicale en 1961, osa dire devant ses collègues pour défendre les Algériens : "Ce sont des gens qui défendent leur pays. Beaucoup ne seront pas de mon avis, mais qu'ils se rappellent l'époque 1940-1944 où beaucoup de Français se sont faits tuer... Ils ont un idéal, ils le défendent... Il se peut qu'un jour je sois tué par un Algérien. Je lui pardonne d'avance."

Mouvement de l'Immigration et des Banlieues, le 16 octobre 2001

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"Quand le gouvernement viole les droits du Peuple,
l'insurrection est pour le Peuple, et pour chaque portion du Peuple,
le plus sacré des droits et le plus indispensable des devoirs."

Article XXXV, Déclaration des Droits de l'Homme et du Citoyen
décrétés par la Convention nationale en 1793

* * * Du Devoir de la Désobéissance civile * * *
de Henry David Thoreau
(Etats-Unis, 1849)
traduit par Micheline Flak, aux éditions Climats.