
L’Humanité : "TNT : Le PAF d’en haut, version CSA"
Article paru dans l’édition du 31 octobre 2002
L’Humanité Article paru dans l’édition du 31 octobre 2002. Les neufs sages ont révélé les vingt-trois chaînes retenues pour la future télévision numérique terrestre. Avec une prime donnée aux gros opérateurs. Après la France d’en bas de Raffarin, voici le PAF d’en haut version CSA. · voir la liste des chaînes retenues pour la télévision numérique terrestre (TNT), publiée mercredi dernier par
l’instance de régulation, un constat s’impose : les poids lourds ont décroché le gros lot. Parmi les soixante-six dossiers déposés il y a deux mois, vingt-trois chaînes ont gagné leur
billet d’entrée. Avec une prime donnée aux principaux opérateurs, déjà présents sur le
marché. Outre les huit chaînes publiques (six pour France Télévisions, plus Arte et la Chaîne
parlementaire), dont les canaux sont " réservés ", l’offre gratuite de la TNT comptera seize
chaînes nationales diffusées en clair. Aux côtés de TF1 et M6, on retrouve plusieurs semigénéralistes
: NT1, proposée par le groupe AB, TMC, propriété de Pathé, et Direct 8, la
chaîne de l’homme d’affaire Vincent Bolloré, qui continue ainsi à faire son trou dans le monde
de médias. Que du lourd... Pour le reste du gratuit, le CSA a misé sur des chaînes à dominante musicale : i-MCM, du
groupe Lagardère, M6 Music et NRJ TV (50 % de programmes musicaux). Un choix "
mélomaniaque " dicté surtout par la volonté du CSA de proposer des concurrents à M6 Music,
dont la présence était incontournable puisque, selon une décision du Conseil d’État, les
chaînes privées existantes héritaient automatiquement d’un canal.
· ce paysage accessible à tous, via un décodeur qui devrait coûter environ 150 euros,
s’ajoutent quinze chaînes payantes et cryptées. Parmi les heureux élus, Canal Plus se taille la
part du lion. En plus de sa chaîne mère, le groupe, présidé par Xavier Couture, obtient un
canal pour Cinécinémas, un pour i-Télévision et un pour Sport+, nouvelle chaîne issue de la
fusion des catalogues de droits sportifs de la chaîne cryptée et de Pathé Sport. Mieux : Canal
J et Planète, deux chaînes codétenues par Canal Plus et Lagardère, sont aussi de la partie...
Ce dernier, autre grand vainqueur de la sélection, a par ailleurs obtenu gain de cause pour
Match TV. Pourtant farouche opposant à la TNT, TF1 ne devrait pas jouer les jalouses. Elle place, en
service payant, LCI et Eurosport. Auxquelles viennent s’ajouter TF6, construite main dans la
main avec M6. Parmi les vraies fausses surprises, la meilleure audience du câble et du
satellite, la luxembourgeoise RTL 9 n’a pas été retenue, faute d’un accord avec le CSA sur le
respect de la réglementation française. Son propriétaire, le groupe AB, pourra se consoler
avec AB1 (en plus de NT1 en gratuit). Petite originalité, un même canal sera partagé entre
Cuisine TV (en journée) et Comédie (en soirée), deux chaînes du groupe Pathé. Enfin, les
deux derniers canaux ont été attribués à Paris Première (groupe Suez) et TPS Star (TPS). Cette sélection qui, selon des proches du dossier, n’aurait nécessité aucun vote de la part
des neuf sages du CSA, permet à cinq nouveaux éditeurs (AB, Bolloré, Lagardère, NRJ et
Pathé) de faire leur entrée dans la télévision hertzienne. Mais elle n’a laissé aucune chance
aux plus " petits ". " Le CSA opte pour un modèle télévisuel unique, celui de la
marchandisation à outrance de la culture et de l’information, s’énervent même les dirigeants
de Zalea TV, une télévision associative candidate à la TNT. Le CSA refuse le moindre espace
à une approche alternative, au mépris du pluralisme et de la liberté d’expression. "
De fait,
TV Breizh, MTV ou Gourmet TV (la chaîne de Joël Robuchon), pourtant déjà diffusées sur le
câble et le satellite, ont aussi été renvoyées dans les cartons.
Surtout, la place du service public sur la TNT reste en suspens. Le gouvernement vient de
rejeter en bloc les trois projets de France Télévisions (chaînes locales, rediffusions et info en
continu). Et lui demande de revoir sa copie, après avoir déjà refusé d’accorder au groupe
présidé par Marc Tessier une rallonge de 150 millions de francs pour financer le
développement du futur bouquet... Le choix du CSA, qui donne une place prépondérante aux
chaînes privées, vient, une fois de plus, renforcer ce malaise.
Après l’approbation, lundi dernier, par Jean-Pierre Raffarin du rapport Boyon sur la TNT,
Henri Weber, en charge de la culture et des médias au PS, est d’ailleurs monté au créneau. Estimant que le gouvernement n’avait pas tiré " les conséquences de l’erreur commise en
Angleterre et en Espagne ". Deux exemples qui, selon lui, ont mis en évidence que " la
marginalisation du service public dans la mise en place de la TNT constitue une menace, non
seulement pour la qualité des programmes, mais également pour la viabilité économique de
ce nouveau modèle ". De son côté, le PCF, par la voix de Marie-George Buffet, s’est félicité de l’arrivée de seize
chaînes gratuites. Mais souligne que cette gratuité de la TNT n’est que théorique, puisque "
le décodeur coûtera près de 150 euros pour accéder à des chaînes financées pour une partie
d’entre -elles par la redevance ". La secrétaire nationale du PCF propose, en conséquence, "
la gratuité du décodeur afin, à l’instar du Minitel, de favoriser un équipement rapide des
ménages et un développement assuré de la TNT ". Un développement qui devra, de toute
manière, patienter encore un peu. Selon le gouvernement, la TNT d’abord annoncée fin
2002, puis repoussée d’année en année, démarrera, au mieux, c’est-à-dire dans l’hypothèse
la plus optimiste, le 1er décembre 2004 avec un taux de couverture de la population estimé
à 40 %, pour atteindre, progressivement les 80 % de la population, mais pas avant 2008. Prochaine étape : la signature, fin février, des conventions entre le CSA et les éditeurs de
chaînes. Laurent Mouloud TNT : Le PAF d’en haut, version CSA
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