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ROUGE : "ZALEA TV : Une autre télévision est possible"

publié le 28 novembre 2002


Rouge



Rouge n°1994

28/11/2002

ZALEA TV : Une autre télévision est possible

Après des années de lutte, la télévision associative, par l’intermédiaire de Zaléa TV, a réussi à s’inscrire dans le paysage audiovisuel français (PAF). Avec Zaléa TV, le poste laisse apparaître des images qui ne partagent pas grand chose avec Ally Mc Beal ou le 20 heures de David Pujadas. En effet, quelles chaînes de télévision, publiques ou privées, auraient eu le courage de diffuser entre les deux tours de l’élection présidentielle A propos de l’autre détail, de René Vautier, un documentaire réalisé en 1985 où témoignent des victimes torturées par Jean-Marie Le Pen pendant la guerre d’Algérie ?

Du chemin parcouru...

Durant toute la période électorale, le Conseil supérieur de l’audiovisuel (CSA) a interdit aux télévisions associatives d’émettre en se fondant sur " les difficultés à assurer le contrôle de leur contenu et à prévenir d’éventuels contentieux qui pourraient naître des obligations fixées par l’article L.52-1 du code électoral". En clair, le CSA serait incapable de remplir sa principale mission. Face à cette prise de position ulcérante, des actions de piratage sont menées par les télévisions associatives. Le CSA, présidé par Dominique Baudis, "ayant constaté, le 13 avril 2002, la diffusion illégale de Zaléa TV en région parisienne [...] a demandé au procureur de la République de Paris de procéder, conformément aux dispositions légales, à la saisie des matériels et des installations". Cependant, quelques jours plus tard, bousculé par l’actualité politique de l’entre-deuxtours et la mise en exergue du traitement scandaleux de l’information par les chaînes traditionnelles, le CSA lâche un peu de lest.

Le 24 avril 2002, il réagit à unerevendication importante des télévisions associatives : l’ouverture du Canal 35 "pour la diffusion temporaire d’émissions de proximité, en particulier de la part de télévisions associatives" et la possibilité d’émettre depuis la tour Eiffel. Depuis le début de cette lutte, engagée il y a plus de vingt ans, une vraie brèche apparaît. Il ne reste plus qu’à dénicher la dynamite nécessaire à son élargissement. Si les péripéties, les coups fourrés, les trahisons et les rebondissements ont été nombreux, la région parisienne compte depuis le 26 novembre une nouvelle chaîne hertzienne. Zaléa TV est une chaîne d’accès public dont le fonctionnement repose exclusivement sur le bénévolat. En termes de programmation, pour qu’un film soit diffusé, il suffit simplement qu’il soit compatible avec la charte éditoriale et déontologique de la chaîne (inspirée de la Déclaration universelle des droits de l’Homme). Cependant, compte tenu des plages de diffusion arbitrairement décidées par le CSA (un lundi sur deux, le mardi, le mercredi et le jeudi de 22 h 30 à 2 h 30), il est nécessaire dans le montage des balises - les émissions - d’adapter le choix des documents au thème de la soirée. La période de diffusion qui s’ouvre devrait voir s’investir, entre autres, la parole des luttes qui n’arrivent pas à franchir le filtre des médias dominants. ... et à parcourir encore Cette autre télévision va devoir s’inventer ensemble tant au niveau de ses contenus et de ses formes qu’au niveau de son économie. La liberté d’expression audiovisuelle doit s’inscrire, de gré ou de force, dans les habitus du PAF, notamment à travers les dispositions suivantes :
- reconnaissance de l’existence d’un tiers secteur audiovisuel non marchand, non commercial, à but non lucratif et d’accès public, chargé notamment d’organiser et de gérer l’accès citoyen des individus et des associations à la télévision, dans le cadre de sa mission d’intérêt collectif et d’utilité sociale et culturelle ;
- création d’un fonds de soutien à l’expression télévisuelle non marchande, alimenté notamment par une taxe sur les chiffres d’affaires des opérateurs commerciaux utilisant le câble, le satellite et les ondes hertziennes analogiques ou numériques ;
- attribution en priorité et rapidement des fréquences hertziennes analogiques encore disponibles aux chaînes associatives, au terme d’appels à candidatures réservés au tiers secteur audiovisuel, et incessibilité des fréquences attribuées à ce secteur au secteur privé et au service public ;
- instauration d’une obligation de transport gratuit des chaînes associatives par les diffuseurs et distributeurs commerciaux hertziens, câblés et satellitaires. La télé du futur ? Par ailleurs, comme un ultime défi face à l’émergence d’un pôle de résistance et de contre-pouvoir qu’incarne les télés associatives, le CSA a décidé, le 23 octobre 2002, de ne pas retenir la candidature de Zaléa TV, seule chaîne non marchande, à la télévision numérique terrestre nationale. Le CSA a préféré sélectionner cinq nouveaux éditeurs (les groupes AB, Bolloré, Lagar-dère, NRJ, Pathé), qui vont aussi accéder à la télévision hertzienne, aux côtés de la télévision publique et des éditeurs des 3 chaînes privées existantes (TF1, M6, Canal+). Les pouvoirs publics ont beau persister dans leur volonté d’abandonner l’univers télévisuel à tous ceux qui font, entre autres, des "maisons de maçon", des "ponts de maçon" et des télés de m..., ils ne pourront bientôt plus faire l’économie d’une vraie écoute face à la radicalité associative qui s’invite dans la guerre de la communication et de l’information. En fait, ils ne sont pas aussi durs de la feuille que ça. Ils savent tout simplement qu’un tourbillon d’images et de sons peut, dans certains cas, être plus efficace qu’une rafale de pistolet- mitrailleur.

Ernesto Lupino.


Auteur(s) : Presse


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