Libération
- Médias Le
mercredi 10 avril 2002
Catherine Tasca
veut protéger les jeunes téléspectateurs : "Contre
la violence, pas de censure mais un médiateur"
Par Raphaël
GARRIGOS, Isabelle ROBERTS
Le 12 mars, Ségolène
Royal, ministre déléguée à la Famille, présentait
un rapport du Collectif interassociatif enfance et médias (CIEM)
préconisant une protection accrue des jeunes téléspectateurs
face à la violence des images. Catherine Tasca, ministre de la
Culture et de la Communication, se pen che à son tour sur la
question et propose un éventail de mesures concrètes.
Elle dresse également un bilan de l'appel à candidatures
pour la télévision numérique terrestre (TNT).
Pensez-vous
que les enfants ne sont pas assez protégés face aux programmes
télé?
Premier constat: les enfants passent énormément de temps
devant la télévision sans accompagnement. Deuxième
constat: les programmes font une part importante aux images violentes.
Sur cette préoccupation objective, je rejoins la réflexion
de Ségolène Royal et du CIEM. En revanche, je ne pense
pas qu'on puisse traiter ce dossier en terme d'interdit ou de censure.
Je ne suis pas en faveur de la création d'une commission attribuant
un visa. Les scientifiques sont loin d'établir un lien mécanique
entre la violence des images et l'évolution des comportements
des enfants. Je pense qu'il faut plutôt un rappel ferme à
la responsabilité à l'intérieur des chaînes
ainsi qu'une vraie éducation aux médias.
Quelles solutions
préconisez-vous ?
La technique du médiateur, qui existe déjà sur
France 2, pourrait être adaptée aux programmes jeunesse
sur des chaînes du service public. Cependant, le jugement porté
par le CIEM sur les programmes jeunesse de France Télévisions
est sévère. Il faut plutôt inciter le service public
à poursuivre ses efforts : je pense particulièrement à
A toi l'actua sur France 3, qui va dans le bon sens, ainsi qu'aux programmes
de France 5. L'autre volet de ma réponse à ce dossier,
c'est la création d'un compte de soutien destiné aux émissions
pour l'enfance et la jeunesse, comme nous l'avions fait en 1989. Lionel
Jospin est décidé à recréer un tel mécanisme
qui, à l'époque, avait relancé l'animation. En
matière de qualité des programmes, c'est l'investissement
dans la production qui est la meilleure riposte, plus que l'interdiction.
Même si, par exemple, on peut examiner l'éventualité
que la télévision publique ne programme plus de films
interdits aux moins de 12 ans.
Est-ce qu'il
faut, comme dans certains pays, interdire la pub dans les programmes
pour enfants ?
Je suis partisane d'encadrer et de cantonner la publicité. En
outre, nous prendrons deux mesures concernant la chaîne de rediffusions
de France Télévisions sur la TNT: il y aura deux après-midi
jeunesse, le mercredi et le samedi. Et ils seront sans publicité.
La TNT n'aurait-elle
pas pu être l'occasion de créer une chaîne du service
public pour enfants sans pub ?
Nous nous sommes posé la question. Je pense que nous y arriverons
mais sans doute pas dans la première période de la TNT.
Il existe en effet déjà un nombre important d'offres de
programmes pour enfants, et certaines de qualité.
Quel bilan tirez-vous
des très nombreuses candidatures à la TNT ?
J'ai toujours été résolument optimiste. Il y a
une vraie demande du public, c'est une obligation démocratique
: sur 33 chaînes, 15 seront gratuites, soit trois fois plus qu'aujourd'hui.
Nous nous sommes heurtés à un grand scepticisme, mais
j'observe que les opérateurs historiques sont tous là...
Le service public,
qui occupera huit places sur les quinze de l'offre gratuite de la TNT,
sera-t-il assez attractif ?
Les programmes existants sont attrayants, et le seront plus encore en
numérique puisqu'un des atouts de la TNT c'est la qualité
de l'image et du son. Quant aux nouvelles chaînes de France Télévisions,
j'espère bien qu'elles seront attrayantes. Je crois beaucoup
à une grande chaîne d'informations ainsi qu'aux chaînes
régionales de France 3. L'existence de ces chaînes régionales
sera un apport considérable. Quant à la chaîne de
rediffusions, elle répond à cette critique lancinante
sur les horaires trop tardifs.
La vraie nouveauté
de la TNT, la télévision locale, est reportée.
Et les télés associatives n'ont pas de financement...
Le rapport sur
la télévision locale doit faire l'objet d'un débat
parlementaire car ce sera en effet une véritable novation du
paysage audiovisuel. Pour le financement des télés associatives,
nous créerons un fonds de soutien, c'est un engagement de Lionel
Jospin. Nous comptons qu'il y aura une centaine de télés
associatives et nous évaluons le financement public dans une
fourchette de 20 à 40 millions d'euros sachant que le budget
d'une télé associative oscille entre 100 000 et 700 000
euros.
La levée
de l'interdiction de pub télé frappant certains secteurs
(distribution, presse ...) créerait une source de financement
pour les télés locales ...
Je m'étonne
que le CSA présente le dossier des secteurs interdits comme un
obstacle au lancement de l'appel à candidatures des télévisions
locales. Il n'y aura pas d'ouverture sans concertation avec les secteurs
concernés car les fondements de l'interdiction demeurent. Ces
interdictions ne pourront subsister éternellement, mais je pense
qu'on peut parfaitement développer, à réglementation
constante, une économie pour les télés locales.
L'ensemble du code réglementaire sera en tout cas proposé
à la concertation dès juillet.
Par Raphaël
GARRIGOS, Isabelle ROBERTS
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