Les
télés libres ont émis sans autorisation le 15
janvier, lors d'une journée d'action symbolique. Défense
de ces antennes interdites et marginales par un spécialiste
de la subversion médiatique. |
Les médias sont devenus l'enjeu d'une réappropriation citoyenne. En avril 99, la Coordination permanente des médias libres (CPML) est créée. Elle regroupe des télévisions, des radios, des journaux et des sites web indépendants et non commerciaux. Sa charte constitutive réclame l'institution d'un tiers-secteur de l'audiovisuel. Catherine Trautmann, ministre de la Communication, refuse pendant le débat sur la loi sur la communication, en mai dernier, la possibilité de créer des télévisions associatives hertziennes. La journée du 15 janvier 2000, où Ondes sans frontières, Télé Bocal et les télés pirates ont émis sans autorisation, a relancé cette exigence en discussion au Sénat. Derrière ce mouvement pour la libération des ondes, une volonté politique : en finir avec la dernière féodalité existante, celle du quatrième pouvoir. L'émergence de cette résistance médiatique prône le droit à la communication et le libre accès aux médias par les individus, les associations, la population. Cette résistance non corporatiste s'oppose à l'appropriation des moyens de communication par une minorité. Les usagers des médias, téléspectateurs, lecteurs, auditeurs, internautes sont, avec les malades, les derniers usagers à n'avoir aucun droit. Ce sont des consommateurs passifs qui n'ont que le pouvoir de consommer et de se taire. La France n'est pas en avance dans la résistance médiatique. La dénonciation politiquement correcte des médias comme exercise de style y tient le haut du pavé. Le discours radical y remplace la radicalité en action. Bourdieu, Halimi, Ramonet dénoncent à coups de pamphlets, parfois justes mais souvent lénifiants, la "tyrannie de la communication", les "nouveaux chiens de garde", la "dictature de l'audimat". En hurlant contre l'omnipotence des médias, si puissants qu'il est vain de leur demander des comptes, ils contribuent à étouffer une résistance médiatique qui ne demande qu'à exister et à grandir, qui a ses vecteurs et ses pratiques sociales propres. Les radios libres au début des années 80 avaient initié cette contestation. Les associations d'usagers des téléspectateurs, tels les Pieds dans le Paf, ont continué sur cette lignée dans les années 90. Altern.org, les cybergrévistes d'Ubifree, le journal Casseurs de Pub et bien d'autres l'amplifient. Les nouveaux militants des mouvements sociaux (Act-Up, DAL, Sud, Attac, Confédération paysanne,...), en multipliant les moyens d'intervenir sur la scène publique, ont appris à résister en communiquant. Les médias, au même titre que l'urbanisme, la santé ou l'éducation, sont devenus une question sociale à part entière. Des mouvements spécifiques en sont les acteurs. Boycotteurs de médias, consommateurs éthiques, détourneurs et pirates, démythificateurs et décrypteurs, créateurs de médias libres, militants anti-censure, activistes médias, créateurs anti-pub sont des militants des conflits sociaux de l'époque virtuelle. Face au nouvel ordre médiatique, ils ont raison d'organiser la désobéissance civile. |