Les télés pirates repartent à l'abordage

Le Parisien du vendredi 14 janvier 2000 - édition Paris
Par Grégoire Queinnec

POUSSÉE DE FIÈVRE samedi soir sur les canaux hertziens libres. Les télés pirates, ces télévisions non autorisées par le Conseil supérieur de l'audiovisuel (CSA), repartent à l'abordage des ondes. A l'appel de la Coordination des médias libres, un collectif qui regroupe une quarantaine de journaux, radios et télés associatifs, ils ont donné rendez-vous au public sur le parvis des Droits-de-l'Homme- et-des-Libertés, au Trocadéro (XVIe). Tout un symbole. Par cette action, ces télévisions associatives souhaitent à nouveau faire entendre leur différence, interpeller le CSA et le ministère de la Culture et de la Communication alors que le projet de réforme de l'audiovisuel passe en première lecture au Sénat mardi prochain.

METTRE LA PRESSION
Troisième du genre, ce piratage fait figure semble-t-il de chant du cygne pour ces médias libres. « Nous voulons une nouvelle fois mettre la pression sur les instances compétentes. Il faut que, dans le projet de loi sur l'audiovisuel, on intègre le secteur associatif et pas seulement les grosses structures commerciales. Si ce n'est pas le cas, on ne sera jamais reconnu », insiste Richard Sovied, le fondateur de Télé Bocal, une télévision du XXe arrondissement. Télé Bocal, c'est l'illustration parfaite de la situation dans laquelle se trouvent actuellement les télévisions associatives. Après deux piratages des ondes, l'un le 14 juillet l'autre le 2 octobre, des réunions avec le CSA, Télé Bocal, porte-drapeau de la coordination permanente des médias libres, obtient de l'instance audiovisuelle une autorisation officielle d'émettre pour trois mois. Samedi, celle-ci prend fin, mais devrait sans surprise être renouvelée. Renouvelée, mais pas définitive : « cette nouvelle autorisation n'est qu'un leurre », constate Richard Sovied. « Si on ne change pas la loi, le renouvellement ne servira à rien, car pour obtenir une autorisation à long terme, il faut montrer patte blanche, c'est-à-dire montrer que nous sommes des structures commerciales à très gros budget. Ce qui n'est pas le cas. » A quoi sert donc un piratage des ondes à part attirer les curieux et faire découvrir des programmes différents ? A alerter les autorités sur l'existence du secteur associatif, « ce tiers secteur », selon la Coordination permanente des médias libres. « Depuis ces actions, nous avons été écoutés. Nous avons été reçus dernièrement par le groupe PS au Sénat. Hervé Bourges (NDLR : le président du CSA) commence même à s'intéresser à nous. Vous savez, il y a deux ans, personne n'avait entendu parler de nous. Comme quoi, ces actions servent à quelque chose », conclut Richard Sovied. Pour ne pas seulement être écoutées, mais reconnues, les télévisions pirates ont par ailleurs décidé d'occuper l'Assemblée nationale le 31 janvier pour y tenir un colloque, « le Tiers Secteur audiovisuel, un accès citoyen à la télévision ». Vaste programme.

Grégoire Queinnec

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