L'Humanité
du 9 août 2000 - MEDIAS
Une taxe pour les télés associatives ? Par Bruno Vincens |
LA RÉCENTE LOI Trautmann-Tasca sur l'audiovisuel, qui autorise les télévisions associatives à émettre, avait suscité beaucoup d'espoirs chez les francs tireurs du petit écran. Fini les télés pirates... Elles allaient sortir de l'illégalité et développer leur projet citoyen... L'application de la loi montre que la situation n'est pas si simple et les antennes parisiennes connaissent des fortunes diverses. Le Conseil supérieur de l'audiovisuel (CSA) vient d'accorder à Télé Bocal la possibilité d'émettre pendant trois mois sur le canal 36 - à partir du 16 septembre - alors que Zalea TV, reléguée sur le câble et le satellite, se voit privée des ondes hertziennes. Zalea TV briguait le canal 35, afin de desservir toute l'Ile-de-France. Or, le CSA ne semble vouloir accorder que des strapontins sur le canal 36, qui ne permet d'arroser qu'un secteur limité de Paris. "La loi Trautmann-Tasca n'est pas très précise et permet différentes interprétations", regrettent les animateurs de Zaléa TV, qui contestent la décision du CSA : "Nous voulons une diffusion hertzienne afin d'être gratuit et capté par les plus démunis." Ils viennent de déposer une nouvelle demande et se contenteraient, à la rigueur, du canal 36. Télé Bocal, Zalea TV mais aussi Télé Tolbiac, Télé Montmartre ou Télé Action Jeunes, à Aubervilliers, se définissent comme "le tiers secteur audiovisuel". Quelle place vont donc lui réserver le législateur et le CSA ? Une accessibilité comparable à celle des grandes chaînes ? Ou des espaces très réduits qui le condamneront à la marginalité ? Ces nouveaux médias, à défaut d'un savoir-faire bien établi, ont le mérite d'avoir pensé une véritable démarche. Créée en janvier 2000, Zalea TV propose des enquêtes et aussi des films tournés par des réalisateurs frappés par la censure : Pierre Carles, Paul Carpita, René Vautier... Comme son nom l'indique, Télé Bocal joue la carte de la proximité et réalise des "sitcoms de quartier" avec des acteurs recrutés au bout de la rue. Du 16 octobre 1999 au 15 janvier 2000, Télé Bocal avait déjà obtenu l'autorisation d'émettre et avait, affirme-t-elle, attiré près de 50 000 personnes par jour. Elle entend créer un média qui ne soit pas réservé à des professionnels, mais on sait qu'il ne suffit pas d'avoir des moyens techniques à disposition pour que chacun prenne la parole. Zalea TV estime qu'un budget annuel de 5 millions de francs lui serait nécessaire. Se pose en effet la question des ressources des télés associatives. Elles demandent la création d'une taxe de 2 % à 3 % sur les recettes publicitaires des grandes chaînes, afin d'alimenter un fonds de soutien. TF1 ou France Télévision n'accueilleront peut-être pas cette proposition avec enthousiasme. Les rares fréquences disponibles - c'est un choix politique - deviendront-elles une marchandise, comme jadis sur la bande FM ? Bruno Vincens |