«L'étrange
lucarne sera bientôt une fenêtre grande ouverte. »
Catherine Trautmann
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Après
trois jours d'examen à l'Assemblée nationale, après
deux ans de rajouts et de corrections et avant un aller-retour entre le
Sénat et l'Assemblée, qui est pleinement satisfait de la
loi Trautmann ? Réponse : Catherine Trautmann elle-même.
Jeudi, peu avant minuit, à l'issue de l'adoption de son projet
de loi sur l'audiovisuel, elle a présenté son texte comme
«une nouvelle frontière» pour la télévision,
et le numérique hertzien comme «une révolution pour
les téléspectateurs». «L'étrange lucarne
sera bientôt une fenêtre grande ouverte»,
a-t-elle même espéré. Pourtant ce n'est pas le plébiscite,
ni dans la majorité plurielle, ni logiquement dans
l'opposition.
Grincement de dents. Michel
Françaix (PS) s'est déclaré «plutôt fier»
du projet, mais a tout de même admis qu'«il faudra y revenir
car les choses bougent vite dans ce secteur». Noël Mamère
(Verts), qui n'a pas obtenu entière satisfaction sur la reconnaissance
du tiers secteur audiovisuel (Libération du 23 mars), regrette
la «frilosité» du gouvernement mais votera la loi.
A droite, Pierre-Christophe Baguet (UDF), dernier vaillant représentant
de l'opposition sur les bancs de l'Assemblée jeudi soir, a stigmatisé
«une lecture confuse, marquée par des négociations
de couloir de dernière minute». Il a jugé qu'«au
total, on aura laissé passer l'occasion d'une vraie révolution
de l'information».
Malgré les grincements
de dents, le texte a établi les contours de la télévision
de demain: résolument numérique et terrestre. Les fréquences
analogiques actuelles seront multipliées par six, ce qui permettra
de recevoir environ 36 chaînes via son antenne-râteau.
Nouveaux canaux. Le service
public, réuni au sein du holding France Télévision
(France 2, France 3 et la Cinquième), se taille la part du lion
avec l'attribution au minimum de neuf canaux, mais, soucieuse néanmoins
d'attirer les chaînes commerciales vers cette nouvelle technologie,
l'Assemblée a prévu un maximum de cinq canaux par chaîne
privée. La loi favorisera les télévisions existantes
si elles se transposent sur le numérique dans un délai de
deux ans à partir de la promulgation de la loi: elles bénéficieront
de la prolongation du «terme de l'autorisation prorogé dans
la limite de cinq ans jusqu'à la date d'extinction de la diffusion
en analogique». La nouvelle configuration laissera également
de la place aux nouveaux entrants, parmi lesquels devraient figurer les
groupes Pathé et Lagardère, mais aussi les télés
associatives non commerciales, désormais autorisées à
postuler à des attributions de fréquences hertziennes. Un
rapport gouvernemental devra préalablement en définir le
statut et le financement. D'ici dix ans, TF1, Canal+ et M6 auront une
quinzaine de canaux, France Télévision une dizaine et autant
pour les nouvelles télévisions.
La loi devrait être
adoptée avant le 29 juin, date de la fin de la session parlementaire
2000. Si les rumeurs de remaniement ministériel se confirment,
Catherine Trautmann ne sera peut-être plus en place pour voir sa
loi devenue réalité.
Isabelle Roberts.
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