« On
reconnaît enfin
à la télévision le droit
d'être démocratique mais,
en repoussant la question
du fonds de soutien,
le gouvernement s'est arrêté
au milieu du gué. »
Noël Mamère, député Vert
| Les
télévisions pirates vont-elles enfin pouvoir abaisser le pavillon
noir ? Alors qu'elles organisent samedi leur quatrième « prise
de la Bastille audiovisuelle », l'une de leurs principales revendications
vient d'être satisfaite: lors de l'examen de la loi Trautmann à
l'Assemblée nationale (du 21 au 23 mars), le gouvernement présentera
un amendement qui autorise les associations à être candidates
à l'attribution d'une fréquence de télévision
en mode analogique. Jusqu'à
présent, ces télés Télé bocal ou
Ondes sans frontières pour les plus connues n'avaient droit
qu'à des autorisations temporaires de trois mois et en étaient
réduites, une fois ce délai expiré, à émettre
clandestinement.
Après un an de lutte,
la Coordination permanente des médias libres (CPML), qui réunit
environ soixante-dix télévisions, radios, sites web et fanzines
alternatifs, se refuse à crier victoire. « Tout
cela est encourageant mais ne suffit pas », note Michel Fiszbin,
l'un des initiateurs du mouvement, qui réclame la création
d'un fonds de soutien « à l'expression télévisuelle
non-marchande, alimenté par une taxe sur le chiffre d'affaires
commercial des chaînes ».
« Tiers secteur ».
Cette absence de financement est également soulignée par
le député Vert Noël Mamère qui est en partie
à l'origine du nouvel amendement : « On reconnaît
enfin à la télévision le droit d'être démocratique
mais, en repoussant la question du fonds de soutien, le gouvernement s'est
arrêté au milieu du gué. » Pour l'ex-présentateur
du journal télévisé, soutien actif de la CPML depuis
la première heure, cet amendement est « un bon moyen
d'instaurer de la diversité et du pluralisme dans l'audiovisuel
mais il faut payer le prix de la liberté ». Noël
Mamère évoque la possibilité d'alimenter ce fonds
avec une partie de la redevance télé.
Pour l'instant repoussée,
la question du financement reviendra sur le tapis lors de l'examen de
la loi Trautmann et pourrait être réglée à
l'automne prochain, lors de l'adoption de la loi de finances 2000. Certes,
concède Michel Fiszbin, « on a avancé »,
mais tout reste à faire : si le Conseil supérieur de
l'audiovisuel (CSA) lance, comme prévu, un appel d'offres pour
l'attribution d'une fréquence hertzienne analogique à Paris,
les télés associatives pourront s'y porter candidates. Mais
que pèsera par exemple Télé bocal face au projet
du puissant groupe Amaury (le Parisien, l'Equipe) ? D'où la
revendication formulée par la CPML de la création d'un Ētiers
secteur audiovisuel spécifique, protégé des lois
du marché, qui ne soit pas en concurrence avec les secteurs privés
et publics ». De la même façon, la CPML demande
que TDF ainsi que les opérateurs du câble et du satellite
soient soumis à une obligation de diffusion gratuite des chaînes
associatives.
« Déverrouiller
l'expression. » La « prise de la Bastille audiovisuelle »
ne sera donc pas le dernier baroud d'honneur des « médias
libres ». L'action de samedi (1) voit la naissance de Top TV
(Télévision ouverte de partout), une chaîne « vitrine »
du mouvement qui compte être diffusée en toute légalité
sur le câble et le satellite à partir de septembre prochain.
Top TV entend « déverrouiller l'expression, la production
et la diffusion audiovisuelles françaises » en montrant
les programmes des télévisions membres de la CPML. Soutenu
par le CSA, l'amendement sur l'autorisation des télévisions
associatives devrait être voté par les députés
et déclencher un chambardement du paysage audiovisuel français
de l'ampleur de celui qu'il a connu avec l'avènement des radios
libres en 1981.
(1) Manifestation à
12 heures devant le ministère de la Culture, place du Palais-Royal
à Paris, puis diffusion pirate des télévisions membres
de la CPML
(programme sur http://www
.medialibre.org).
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