LE SPECTRE HERTZIEN
Leçon de choses : la mare aux canards hertziens

pour en finir avec la prétendue rareté de la ressource hertzienne

Ceci est une tentative de démonstration, pour ceux que cela intéresse (les autres, ne lisez pas, c'est chiant à mourir), que l'espace hertzien est infini, tout comme l'espace lui-même, et qu'il n'y a donc pas d'autres obstacles que politiques au déploiement des télés libres hertziennes.

Onde hertzienne = onde électromagnétique

Les ondes hertziennes sont des ondes électromagnétiques qui voyagent dans l'espace à la vitesse de la lumière. Pour essayer de les visualiser, imaginez que l'on jette un caillou dans un bassin dont l'eau est au repos : on va voir se former des vaguelettes concentriques, bien ordonnées, qui se déplacent à vitesse constante depuis le point d'impact, provoquant une perturbation de la surface de l'eau, avec des creux et des crêtes.

Il en est de même des ondes électromagnétiques : ce sont des perturbations régulières des champs électromagnétiques dans lesquels nous baignons tous en permanence. Celles-ci se déplacent dans l'espace en trois dimensions, en sphères concentriques, depuis un émetteur vers l'espace environnant, par vagues régulières constituées d'une succession de creux et de crêtes, ce que l'on appelle une onde sinusoïdale. Elles vont en s'atténuant en s'éloignant du point d'émission, comme les vaguelettes provoquées par le caillou dans l'eau. Leur amplitude va en diminuant, par contre, la distance qui sépare une vague de la suivante reste constante. Cette distance est d'ailleurs variable en fonction de la taille du caillou : petite, si le caillou était petit, elle est grande si le caillou était gros. Il y a ainsi en radio les grandes ondes (gros cailloux), les ondes moyennes (moyens cailloux) et les ondes courtes (petits cailloux). Cette distance s'appelle la "période" de l'onde. On la mesure en mètres. Et comme il y a une infinité de tailles de caillou, il y a une infinité de distances possibles entre chaque vague.

Les fréquences

La fréquence de ces ondes, c'est le nombre de crêtes de vagues qui passe devant les yeux d'un observateur attentif en 1 seconde (l'observateur aura chaussé des lunettes spéciales pour apercevoir ces ondes électromagnétiques, lunettes que l'on appelera "récepteurs hertziens"). S'il voit passer 5 crêtes (ou 5 creux, c'est pareil) en 1 seconde, la fréquence de cette onde est donc de 5 Hertz. S'il en voit passer 5.000 en 1 seconde (il faudrait pour cela être très attentif : ça va très vite), la fréquence de l'onde "hertzienne" et de 5000 Hertz ou 5 KiloHertz (KHz). S'il en voit passer 5 millions (les récepteurs hertziens savent compter très vite), la fréquence sera de 5 MégaHertz (MHz). En rajoutant 3 zéros, on arrive aux GigaHertz (GHz). C'est ainsi qu'il existe un nombre infini de fréquences hertziennes : de zéro (on ne voit rien passer, car rien ne passe) jusqu'à l'infini (on ne voit rien non plus, car il en passe un nombre infini et c'est comme s'il ne se passait rien). C'est pourquoi les savants ont l'habitude de dire que l'espace hertzien est infini et qu'il existe une infinité de fréquences hertziennes disponibles pour faire voyager des ondes hertziennes.

Les récepteurs - émetteurs

Si l'on regarde autour de nous, on s'aperçoit qu'il existe un très grand nombre d'émetteurs et de récepteurs qui utilisent des ondes hertziennes pour se communiquer des informations à distance sans passer par des supports matériels, et en rayonnant plus ou moins tous azimuts  : les radios, les télés, les téléphones portables, les télécommandes, les satellites, les radio-amateurs et les CB (citizen band, bande du citoyen), les équipements des avions, des bâteaux, des policiers, des militaires... Il n'est pas exagéré de dire qu'en chaque point de l'espace qui nous entoure (et même dans notre corps), passent des milliers d'ondes hertziennes porteuses d'une multitude d'informations. Il suffit pour les capter de régler des récepteurs hertziens sur les bandes de fréquence qui nous intéressent : une radio, une télé, un téléphone portable, un œil (ou deux pour donner du relief à ce qu'on voit), un talkie-walkie...

Une curiosité de la nature

La lumière est une onde électromagnétique hertzienne pour laquelle notre œil humain est un récepteur hertzien ! Les fréquences des ondes lumineuses visibles par l'œil humain occupe une toute petite partie du "spectre hertzien", c'est-à-dire de l'ensemble infini des fréquences possibles des ondes hertziennes(*). On dit qu'elles occupent une "bande de fréquences" restreinte, ou plutôt que le récepteur hertzien qu'est l'œil ne capte qu'un nombre restreint de fréquences. Certains animaux "voient clair" (captent des signaux lumineux) dans des bandes de fréquences que l'œil humain ne voit pas (ne capte pas). Le chat, par exemple, qui voit clair dans ce que nous appellons, nous, le noir ou la nuit.

Les règlementations internationales

Les législateurs de tous les pays se sont vite aperçu qu'il convenait de réguler l'usage des fréquences hertziennes pour que les industriels puissent fabriquer des récepteurs et des émetteurs réglés sur des bandes de fréquences données pour des usages donnés, utilisables dans le monde entier, en séparant bien ces bandes de fréquence et en les affectant chacune à un usage bien précis, pour que ce ne soit pas la pagaille et que les ondes de la radio ne viennent pas perturber les ondes de la télé, par exemple, en utilisant les mêmes fréquences.

Les organismes techniques internationaux ont ainsi édicté des réglements affectant des bandes de fréquences à des usages précis. La télé hertzienne avec ses émetteurs terrestres s'est vue attribuer les bandes VHF et UHF (very high frequency, ultra high frequency) qui vont à peu près de 50 MHz à 800 MHz, la bande UHF commençant à 470 MHz.
Entre la bande VHF et la bande UHF, ils ont laissé un bout de bande pour les télés-amateurs et pour d'autres usages. Dans la bande UHF, certaines fréquences sont réservées à la Défense nationale... Cela ne veut donc pas dire qu'il n'y ait que ces fréquences VHF et UHF qui soient physiquement aptes à servir à la diffusion de signaux de télévision, cela signifie simplement que les règlements internationaux ont cantonné la télévision à ces bandes de fréquence, en pensant que cela serait suffisant (il n'y avait à l'époque pas plus d'une chaîne publique par pays), et que les constructeurs ont fabriqué des récepteurs télé et des antennes pour capter ces bandes-là seulement, pour qu'ils coûtent le moins cher possible.

L'attribution des bandes de fréquence (voir schéma des bandes fréquences attribuées au CSA en métropole)

Quand l'invention puis l'explosion de la radio FM s'est produite, les règlements en vigueur ont évolué pour attribuer une bande de fréquence vierge à la radio FM, et les constructeurs de radios ont aussitôt fabriqué des radios capables de capter cette bande en plus des bandes PO/GO. Plus personne n'utilisera bientôt ces dernières pour écouter la radio, on pourra s'en servir pour faire autre chose. Pareil avec l'explosion du téléphone portable et de la télévision par satellite : il a fallu leur attribuer des bandes de fréquence pour qu'ils se développent. Ce qui fut fait sans problème.

On est à l'étroit aujourd'hui sur les bandes télé terrestres, c'est vrai (bien que la bande VHF soit sous-occupée et que la bande UHF soit gaspillée par les plans de fréquences de TDF, ce qui relativise les propos malthusiens des experts bidons). On est surtout à l'étroit parce que ce qui restait de disponible (6 réseaux nationaux supplémentaires, c'est quand même pas rien !), va être accaparé par la télévision hertzienne terrestre numérique et ses bouquets payants.

Hypothèses pour une utilisation "équilibrée" des ressources hertziennes

Pourquoi, alors, la télévision numérique terrestre ne se verrait-elle pas attribuer une autre bande de fréquences que celles de la télévision analogique terrestre ? Le seul inconvénient pour ceux qui s'y abonneraient serait de devoir changer d'antenne de réception, en plus de devoir se procurer un décodeur numérique. Mais le fait de devoir s'équiper d'une antenne de réception parabolique en plus d'un décodeur numérique pour recevoir la télé par satellite n'a pas empêché cette dernière de connaître un immense succès commercial. En tout cas, cela permettrait de développer des chaînes analogiques locales et d'accès public à profusion, dès maintentant.

Et pourquoi le numérique hertzien terrestre, s'il squatte quand même les bandes UHF et VHF, ne serait-il pas réservé aux chaînes gratuites comme l'essentiel de l'analogique aujourd'hui, le câble et le satellite restant payants également comme aujourd'hui ? En virant les marchands du Temple, cela donnerait beaucoup plus de place pour des chaînes numériques hertziennes terrestres gratuites de proximité et pour des chaînes d'accès public.

Les ondes hertziennes : un bien public

Et pourquoi ne virerait-on pas Canal+ analogique de la bande VHF pour le reléguer sur le câble et sur le satellite et sur le numérique hertzien, avec les autres chaînes payantes ? En reprenant l'intégralité de la bande VHF et en réactivant l'exploitation analogique, on aurait de la place pour des chaînes analogiques gratuites d'intérêt public.

Et pourquoi n'agrandirait-on pas les bandes UHF et VHF pour la télé analogique et numérique terrestre ? Puisque de toute façon les constructeurs préparent une nouvelle génération de téléviseurs analogiques/numériques interactifs, c'est le moment ou jamais.

Bref, il existe une infinité de solutions techniques pour en finir avec la prétendue "rareté" voulue et entretenue des fréquences hertziennes dédiées à la télé, encore faudrait-il qu'il y ait une volonté politique de déserrer l'étau.

En Italie, à côté des chaînes hertziennes analogiques nationales, il existe des centaines (oui, des centaines, c'est même l'anarchie) de chaînes hertziennes analogiques locales. Par quel miracle ce qui serait physiquement et techniquement possible en Italie ne le serait pas en France ? L'espace hertzien italien aurait-il des particularités qu'il perdrait en passant les Alpes ? Si c'est le cas, rasons les Alpes pour mettre fin à la pénurie hertzienne cisalpine et à cette grave pathologie qu'est le crétinisme des Alpes par la même occasion.

Michel Fiszbin, Paris, pour la CPML, le 25 juin 1999.

* En consultant votre collection de Science & Vie Junior, vous verrez que la bande de fréquence des ondes lumineuses apparaît bien dans le spectre global des ondes hertziennes. Vous verrez aussi que la lumière est encore un mystère puisque, pour venir à bout de la description quantitative et qualitative de tous les phénomènes observables et mesurables qui s'y rapportent, on a besoin de deux modèles physiques et de deux théories absolument incompatibles l'une avec l'autre :

    • le modèle et la théorie corpusculaires : la lumière est constituée de grains d'énergie (les photons) émis par tout corps lumineux.
    • le modèle et la théorie ondulatoires : la lumière est une onde électromagnétique, un rayonnement, émis par toute source lumineuse.
(retour au texte)
De même qu'il n'y a pas de démocratie sans contre-pouvoir,
il n'y aura pas de démocratie audiovisuelle sans contre-pouvoir audiovisuel.

• Article 19 de la Déclaration Universelle des Droits de l'Homme (adoptée par l'Assemblée générale de l'ONU le 10 décembre 1948 à Paris) : "Tout individu a droit à la liberté d'opinion et d'expression, ce qui implique le droit de ne pas être inquiété pour ses opinions et celui de chercher, de recevoir et de répandre, sans considérations de frontières, les informations et les idées par quelque moyen d'expression que ce soit."

• Article 1 de la loi fondamentale sur la communication audiovisuelle en France (adopté par le Parlement français en 1982, confirmé le 30/09/1986 et inchangé par la loi Trautmann, août 2000) : "La communication audiovisuelle est libre."

• Déclaration de Mme Catherine Trautmann, Ministre de la Culture et de la Communication, au Sénat, le mardi 18 janvier 2000, en présentation de son projet de réforme de la loi sur l'audiovisuel : "C'est une loi de développement et de liberté, porteuse de deux espoirs : la fin des inégalités culturelles et la diversité de la pensée".